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mercredi 7 décembre 2011

Rael et la CEDH



l'affiche refusée?
Probablement!



La Cour européenne des droits de l'homme tient aujourd'hui mercredi 16 novembre 2011 à 9 h 15 une audience de Grande Chambre1 dans l'affaire Mouvement Raëlien Suisse c. Suisse (Requête no 16354/06)


L'affaire concerne le refus par les autorités d'autoriser une organisation à but non lucratif de poser des affiches représentant des extraterrestres et une soucoupe volante au motif  que l'organisation se livrait à des activités jugées contraires aux bonnes moeurs.

À l'issue de l'audience, la Cour se retirera pour délibérer mais elle ne se prononcera qu'à un stade ultérieur. Une retransmission de l'audience sera disponible à partir de 14 h 30  sur le site Internet de la Cour (www.echr.coe.int).




L'association requérante, créée en 1977, est une association à but non lucratif ayant son  siège à Rennaz (Canton de Vaud, Suisse) et dont le but est d'établir des contacts avec  les extraterrestres. En 2001, elle demanda à la direction de la police de Neuchâtel  l'autorisation de poser des affiches représentant des visages d'extra-terrestres et une  soucoupe volante et indiquant son adresse Internet et son numéro de téléphone. La  demande d'affichage fut refusée au motif que l'organisation se livrait à des activités  contraires à l'ordre public et aux bonnes moeurs. Le mouvement faisait la promotion de  la « géniocratie », un modèle politique basé sur le coefficient intellectuel, et du clonage humain. En outre, un tribunal avait jugé qu'il prônait « théoriquement » la pédophilie et  l'inceste. Le mouvement avait par ailleurs fait l'objet de plaintes pénales pour certaines  pratiques sexuelles envers des mineurs.
Les tribunaux internes confirmèrent la décision des autorités. Le juge administratif  reconnut que l'organisation pouvait se prévaloir de la liberté d'opinion et de la liberté de  religion, mais que ses vues sur la « géniocratie » et ses critiques des démocraties  contemporaines étaient susceptibles de troubler l'ordre et la sécurité publics et les  bonnes moeurs. Le Tribunal fédéral rejeta le pourvoi du mouvement au motif qu'ouvrir l'espace public à sa campagne d'affichage aurait donné l'impression que l'État tolérait ou approuvait pareil comportement.





Le mouvement voit en particulier dans le refus par les autorités d'autoriser sa campagne  d'affichage une violation de ses droits découlant de l'article 10 (liberté d'expression) de  la Convention européenne des droits de l'homme.

Procédure

La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l'homme le  10 avril 2006. Dans son arrêt de chambre du 13 janvier 2011, la Cour a conclu, à la  majorité des voix, à la non-violation de l'article 10. Le 20 juin 2011, l'affaire a été renvoyée devant la Grande Chambre à la demande de l'association requérante.


En cliquant sur ce lien, vous pouvez voir la retransmission de l'audience:

En cliquant sur ce lien vous avez accès au texte complet de l'arrêt de la CEDH de janvier 2011:

ET VOICI LA CONCLUSION DE L'ARRET DE LA CEDH


51.  Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les individus ne disposent pas d'un droit inconditionnel à l'usage accru du domaine public, en particulier s'agissant de la mise en place de procédés publicitaires sur le domaine public impliquant une activité d'une certaine importance, durable et excluant toute utilisation semblable par des tiers (consid. 5.2 de l'arrêt ; paragraphe 14 ci-dessus).
52.  Lorsqu'il est saisi d'une demande d'autorisation d'usage accru ou privatif du domaine public, ou lorsqu'il contrôle les modalités d'usage d'une concession, l'Etat doit néanmoins tenir compte du contenu idéal de la liberté d'expression et de son importance dans une société démocratique. Cela étant, la Cour estime qu'il convient, en l'espèce, de procéder à une balance des intérêts en jeu, soit d'une part celui de l'association requérante à véhiculer ses idées et, d'autre part, celui des autorités à protéger l'ordre public et à prévenir des infractions. La Cour partage l'avis du Gouvernement selon lequel l'acceptation d'une campagne d'affichage pourrait laisser croire qu'il cautionne ou pour le moins tolère les opinions et les agissements en cause. Dès lors, elle est prête à admettre que la marge d'appréciation des autorités internes dans l'examen de la nécessité d'une mesure est plus large dans ce domaine (voir, a contrario, l'affaire Women On Waves et autres, précitée, § 40).
53.  S'agissant des circonstances de l'espèce, il est incontesté que l'affiche litigieuse en elle-même ne comporte rien, ni dans son texte ni dans ses illustrations, qui soit illicite ou qui puisse choquer le public. Au-dessus du dessin central représentant des extra-terrestres figure l'inscription « Le message donné par les extra-terrestres », sans autre explication. Tout en bas de l'affiche figure la phrase « La science remplace enfin la religion ». D'après le Tribunal fédéral, cette phrase est certes susceptible d'offenser les convictions de certaines personnes, mais ne revêt pas un caractère particulièrement provoquant.
54.  En revanche, la Cour ne saurait ignorer le fait que figure également sur l'affiche, en caractères plus gras, l'adresse du site internet de l'association, ainsi qu'un numéro de téléphone. Le site de l'association renvoie à celui de Clonaid, où cette société offre des services précis au public en matière de clonage. A la lumière du principe selon lequel la Convention et ses Protocoles doivent s'interpréter à la lumière des conditions d'aujourd'hui (voir, parmi beaucoup d'autres, Tyrer c. Royaume-Uni, 25 avril 1978, § 31, série A no 26, et Vo c. France [GC], n53924/00, § 82, CEDH 2004-VIII), la Cour estime qu'il convient d'examiner la mesure litigieuse en tenant compte des moyens modernes de diffusion d'informations. Partant, il s'agit notamment d'évaluer, dans l'appréciation de la conformité de la mesure litigieuse avec l'article 10, non seulement l'affiche, mais aussi le cadre plus global dans lequel elle se situe, notamment les idées propagées dans les ouvrages et le contenu du site internet de l'association requérante ainsi que de celui de Clonaid. Or, ces sites étant per se accessibles à tous, y compris aux mineurs, l'impact des affiches sur le public se serait vu multiplié et l'intérêt de l'Etat à interdire la campagne d'affichage était d'autant plus grand (dans ce sens, l'arrêt Stoll, précité, § 104).
55.  La Cour observe également que les instances internes ont soigneusement motivé leurs décisions, en expliquant pourquoi elles estimaient opportun de ne pas autoriser la campagne d'affichage. En effet, le tribunal administratif a fait trois sortes de reproches à l'association (voir le considérant 5.3 de l'arrêt du Tribunal fédéral, ci-dessus). Premièrement, le site de l'association renvoie à celui de Clonaid, où cette société offre des services précis au public, en matière de clonage, et où elle avait annoncé, au début 2003, la naissance d'enfants clonés. Deuxièmement, le tribunal administratif s'est référé à un jugement du tribunal d'arrondissement de la Sarine faisant état de dérives sexuelles possibles à l'égard d'enfants mineurs. Troisièmement, la propagande en faveur de la « géniocratie », soit la doctrine selon laquelle le pouvoir devrait être donné aux individus ayant un coefficient intellectuel élevé, et la critique adressée en conséquence aux démocraties actuelles, était susceptible de porter atteinte au maintien de l'ordre, de la sécurité et de la morale publics.
56.  La Cour estime que les reproches formulés par les instances internes à certains membres de l'association requérante, portant sur leurs activités sexuelles avec des mineurs, semblent particulièrement inquiétants. Elle relève à cet égard que dans l'affaire F.L. c. France ((déc.), no 61162/00, 3 novembre 2005), elle a notamment considéré comme conforme à l'article 8 l'interdiction opposée à la requérante d'impliquer ses enfants dans le Mouvement raëlien. Certes, la Cour n'est en principe pas compétente pour revoir les faits établis par les instances internes ou l'application correcte du droit interne ; dès lors, elle n'est pas amenée à vérifier si les reproches formulés par les autorités sont avérés. Par contre, la Cour estime que, compte tenu des circonstances de l'espèce, les autorités avaient suffisamment de raisons de considérer comme nécessaire le refus d'autorisation demandée par l'association requérante.
57.  Des considérations similaires s'imposent s'agissant de la question du clonage. La Cour estime que les autorités internes ont pu de bonne foi penser qu'il était indispensable, pour la protection de la santé et de la morale ainsi que pour la prévention du crime, d'interdire la campagne d'affichage, étant donné que l'association requérante propose, sur son site internet, un lien vers celui de Clonaid, entreprise qu'elle a créée elle-même (paragraphe 14 ci-dessus, considérant 5.5.1). Par ailleurs, elle a exprimé, et elle l'admet elle-même, une opinion favorable au clonage, activité clairement interdite par l'article 119 alinéa 2 a de la Constitution fédérale (paragraphe 15 ci-dessus).
58.  En ce qui concerne la proportionnalité de la mesure litigieuse, la Cour observe que cette dernière est strictement limitée à l'affichage sur le domaine public. Selon le Tribunal fédéral, la requérante demeure libre d'exprimer ses convictions par les nombreux autres moyens de communication à sa disposition (consid. 5.7.2 de l'arrêt du Tribunal fédéral, paragraphe 14 ci-dessus ; voir dans ce sens également Appleby, précité, § 48, Murphy, précité, § 74, et Women On Waves et autres, précité, § 40). Il n'a notamment jamais été question d'interdire l'association requérante en tant que telle ni son site internet.
59.  Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que, dans la mise en balance des intérêts en jeu en l'espèce, et à la lumière de tous les éléments pertinents, les autorités nationales n'ont pas outrepassé l'ample marge d'appréciation qui leur est reconnue s'agissant de l'usage accru du domaine public. Par ailleurs, celles-ci ont donné des raisons pertinentes et suffisantes à l'appui de leurs thèses. Par conséquent, l'interdiction de la campagne d'affichage litigieuse peut passer pour une mesure proportionnée au but légitime visé et la liberté d'expression de l'association requérante n'est pas atteinte dans sa substance même.
60.  Il s'ensuit qu'il n'y a pas eu violation de l'article 10 de la Convention.

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