mardi 30 novembre 2021

A propos d'un nouvel ouvrage du CONSEIL DE L'EUROPE sur la diffamation;

 

Nous avons évoqué récemment la procédure initiée par des institutions relevant de la mouvance de Rudolf Steiner à l'encontre de Grégoire Perra. Nous avons tenté d'éclairer les considérants à la lumière du droit. Or le hasard peut bien faire les choses, le Conseil de l'Europe, l'institution à laquelle est rattachée la Cour européenne des droits de l'homme, et qui, cela va mieux en le disant, ne doit pas être confondu avec l'Union européenne, vient de publier un ouvrage sur le droit de la presse et la diffamation.

Puisque nous étions au cœur de cette problématique, que nos lecteurs nous permettent,  même si nous nous écartons un peu de notre objet social, d'examiner les nuances entre le droit européen des droits de l'homme, qu'irrigue la jurisprudence de la Cour européenne, et le droit national, qui a permis au juge de relaxer Grégoire Perra. Nous avions conclu de diverses décisions judiciaires qu'il fallait distinguer la calomnie de la diffamation. Cette dernière n'était que l'atteinte à la réputation d'autrui, dont l'auteur pouvait contester le caractère délictueux en prouvant sa bonne foi.

Pour la Cour européenne, il y a diffamation dès lors que la personne mise en cause voit sa réputation ternie pour des raisons qui s'avèrent fausses. Dans le texte :


Au cœur de la diffamation se trouve donc l’atteinte à la réputation. Au sens précité, une « déclaration » peut, dès lors qu’elle est véridique, être percutante ou durement critique, sans pour autant relever de la diffamation, car une personne ne peut prétendre qu’à une réputation fondée sur la vérité. Elle ne sera diffamatoire que s’il s’agit d’une déclaration factuelle fausse ou erronée concernant une autre personne, car seules de telles allégations nuiront à la réputation dont une personne mérite de bénéficier auprès de ses pairs ou au sein de la société. Dans certains cas limités, un commentaire que les faits ne permettent pas d’appuyer ou qui se révèle excessif compte tenu des faits peut également relever de la diffamation.


La Cour européenne accorde grande importance à la distinction entre les faits rapportés et les jugements de valeur. Autant la calomnie basée sur des faits allégués qui s'avèrent erronés est considérée comme diffamatoire, autant les jugements de valeur relèvent du débat politique ou du débat de société qui ne souffre qu'exceptionnellement d'atteinte à la liberté d'expression. Dans le texte : La Cour a estimé que « le libre jeu du débat politique se trouve au cœur même de la notion de société démocratique qui domine la Convention tout entière » (...). Le discours politique se voit par conséquent offrir une « protection privilégiée » au titre de la Convention. Dans ce sens, « l’article 10, paragraphe 2, de la Convention ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours politique ou des questions d’intérêt général ». 

C’est en droite ligne le sens d’une des argumentations développées par le TGI de Strasbourg qui a relaxé Grégoire Perra

TGI STRASBOURG  jugement du 7 octobre 2021

 


Et c'est ce qui explique nous semble-t-il que nos amis de l'UNADFI, qui avaient été la partie gagnante lors d'un litige qui les avait opposés à un avocat proche des témoins de Jéhovah, se sont retrouvés la partie perdante pour les mêmes raisons lorsque ce même avocat se pourvut devant la Cour européenne. (Arrêt Paturel contre France du 22 décembre 2005):

La Cour rappelle à ce titre que les associations s'exposent à un contrôle minutieux lorsqu'elles descendent dans l'arène du débat public et que, dès lors qu'elles sont actives dans le domaine public, elles doivent faire preuve d'un plus grand degré de tolérance à l'égard des critiques formulées par des opposants au sujet de leurs objectifs et des moyens mis en œuvre dans le débat (...). Or, en l'espèce, l'UNADFI est une association œuvrant dans un domaine qui intéresse le public, à savoir les pratiques des organisations de type sectaire. Elle prend part aux débats publics, son objet étant précisément l'information du public sur le phénomène sectaire, ainsi que la prévention et l'aide aux victimes. Nul ne conteste qu'elle exerce ses activités statutaires de manière active


Même si parfois nous pouvons ne pas nous sentir satisfaits par la jurisprudence de la Cour européenne, n'oublions pas que le Conseil de l'Europe et la Cour européenne des droits de l'homme sont des institutions nées de la volonté de ne pas revivre les totalitarismes qui ont ensanglanté l'Europe et le monde entier au milieu du XXe siècle. La Cour européenne des droits de l'homme fut présidée par René Cassin, juriste de la France libre. Pour nous situer toujours dans l'objectif de la défense des droits de l'homme n'allons surtout pas jeter le bébé avec l'eau du bain et défendons une institution plus que nécessaire en ces temps où le populisme risque de gangréner notre continent.



 

dimanche 14 novembre 2021

LA FAMILLE un groupe qui s'est fondu dans le paysage parisien

 

Nous avons lu pour vous un livre d'Étienne Jacob, journaliste au Figaro :


Enquête sur la famille, une mystérieuse communauté religieuse.


C'est seulement depuis à peu près un an que des journalistes ont repéré que dans l'Est parisien, notamment dans les 11e et 12e et 20e arrondissements, un groupe « familial » perdurait depuis quasiment deux siècles. La doctrine remonte aux jansénistes, puis au « convulsionnaires de Saint-Médard ». Au début des années 90 (1890 !) L'un des membres de cette communauté, « l’oncle Auguste », ordonne de la fermer et de la restreindre aux familles qui y appartenaient déjà. Aussi dans ce secteur parisien, huit patronymes seulement. Les unions entre cousins sont fréquentes, ce qui a pu poser des problèmes. Certes, l'auteur reconnaît qu'il existe une entraide entre tous les membres de ce groupe, qui ne sont pas mariés civilement. Ils ne font pas d'études approfondies et exercent pour bon nombre d'entre eux des métiers manuels. Des problèmes d'alcoolisme sont relevés. Nous avons pu retrouver quelques documents que nous partageons ci-dessous.


Au cours des années 60, un des membres a passé du temps dans un kibboutz en Israël à mener la belle expérience. Il crée une petite dissidence à Pardailhan, dans le sud de la France, dans un village abandonné. L'expérience tourne court. Mais d'autres communautés semblables se créent, dans la Meuse, à Malrevers près du Puy-en-Velay.
Nous partageons ici des documents : l’un  conservé par l'Institut National  de l'Audiovisuel, ainsi qu’un reportage de la RTF; si vous le visionnez, vous verrez que l'auteur n'est pas a priori hostile à cette expérience, à une époque où le phénomène sectaire n'était absolument pas connu, ce qui ne l'empêche pas de se poser un certain nombre de questions.


Autre document : un témoignage récent d'un jeune qui a porté plainte contre le responsable de la communauté de Haute-Loire.


L'autre auteur du livre signale également une page Facebook d'anciens membres, cette page s'appelle tout simplement « la famille » et est accessible. Vous y trouverez des reproductions de reportages journalistiques .

L'ENQUETE DU PARISIEN CI-DESSOUS



vendredi 5 novembre 2021

Note de lecture : un ouvrage d'un « décodeur » du Monde sur le complotisme

Décidément, le Monde est complexe… le Monde, le quotidien du soir ! Nous nous étions étonnés, c'est un euphémisme, lorsque cet organe de presse, l'été dernier, avait consacré une de ses séries à Steiner et à sa mouvance. Nous avions écrit à sa rédaction, sans obtenir de réponse pour regretter que des points tels que la dénationalisation de services publics à caractère économique, ou celle du réseau éducatif et scolaire, prônées par Steiner et reprises de nos jours par la société anthroposophique, ne soient pas mentionnées. Nous avions également écrit il y a plusieurs années lorsqu'un reportage avait été publié sur un témoin de Jéhovah ancien détenu. Le porte-à-porte prosélyte l'aurait sauvé de la pédophilie…

Mais le Monde est également imprévisible. L'un des « décodeurs » vient de publier un ouvrage aux éditions Allary : « Dans la tête des complotistes ». Une étude basée sur l'observation de cas concrets, et qui se termine par une surprise que nous ne dévoilerons pas à nos lecteurs, afin d'encourager à la lecture. 

Quoique ne partageant pas leurs idées, l'auteur s'efforce de comprendre les mécanismes complotistes sans ménager sa sympathie pour les personnes. Nos lecteurs ont pu remarquer qu'en ce qui nous concerne nous nous sommes toujours efforcés d'éviter les attaques personnelles et de respecter les individus. Aussi ne  pouvons-nous pas résister à citer quelques phrases que l'auteur nous a offertes en conclusion de sa recherche.

Au niveau individuel, le complotisme pose d'autres questions, à commencer par celle du vivre-ensemble. Il n'est pas évident d'accorder de son temps à un interlocuteur à la suspicion insultante. Mais il est encore moins évident d'accepter de voir des proches sombrer dans des contre discours irréels, hystériques et dangereux, jusqu'à l'enfermement et la rupture. Alors il faut réussir à restaurer du lien. En commençant peut-être par mettre ces contre discours de côté. Non parce qu'ils sont tolérables ; ils ne le sont pas. Mais parce qu'ils sont invulnérables aux débats et que la critique frontale ne fait au contraire que les renforcer. Il faut parvenir à recréer un autre terrain d'échange, qui n'est pas celui de l'idéologie ou des faits. Revenir aux souvenirs, aux projets, aux choses simples – passer du temps ensemble, retrouver un peu de gaieté de vivre et de partager. Cela pourrait ressembler à une boutade mais, face au complotisme, je crois plus au pouvoir de la raclette qu'à celui du fastcheck. Changer les idées de son interlocuteur, restaurer un terrain de paix, savourer ensemble, donneront toujours de meilleurs résultats que l'affrontement ou le dénigrement – et permettront de retrouver assez de confiance pour, ensuite, si la personne qui est prête, parler de ses croyances. (…) Isoler d'un côté, accompagner de l'autre, exclure du débat public mais réintégrer socialement, tel est le défi ardu que nous lance le complotisme.

On retrouve dans l'ouvrage Thierry Casasnovas , Silvano Trotta, Jean-Jacques Crèvecœur, voire plus furtivement Soral et Dieudonné. Les dérives antisémites complotistes sont également pointées du doigt. On y retrouve également les dérives sectaires en matière de santé.