Les derniers samedi et dimanche de novembre se déroule la fête de Noël des écoles Waldorf Steiner de Verrières le Buisson dans l'Essonne. Une petite annonce parue dans Télérama la présente comme une journée portes ouvertes. L'ambiance est festive, comme toute kermesse scolaire. Le plan du marché de Noël est distribué à l'entrée, il propose la visite d'une grotte des lutins ou de multiples ventes de produits bio.
Dès
l'entrée est annoncée une librairie anthroposophique. Divers panneaux d'exposition sont disséminés dans les
bâtiments de l'école. Ils résument la pensée et l'action de
Rudolf Steiner. Retenons des panneaux sur l'agriculture biodynamique
ou sur les conceptions politiques de l''inspirateur, partisan de la
triarticulation de la société, sur les autonomies de l'Etat
législateur, de l'économie et de la vie spirituelle et culturelle
(qui implique l'indépendance des écoles par rapport à l'Etat).
La
bibliothèque est relativement peu achalandée, on y trouve en
bonne place les oeuvres de Steiner sur la pédagogie Waldorf, mais
aussi, en vente, PANSER LA VIE, le bulletin de l'association SIOA qui
regroupe les praticiens en soins infirmiers d'orientation
anthroposophique. Y est également présenté le Docteur Schweitzer,
notoirement protestant.La
journée "portes ouvertes" montre une présence forte de l'inspiration de Rudolf Steiner.Les
enseignants accueillent dans une salle où sont exposés les "chefs
d'oeuvre" des élèves en fin de scolarité. L'une d'elles
précise d'emblée, mais sans donner de précision sur le contenu de
la doctrine, que l'école s'inspire de l'anthroposophie de Rudolf
Steiner. Elle présente des travaux artistiques en donnant pour
exemple le travail du bois. Selon elle, cet établissement présente
l'avantage de s'adapter aux rythmes de l'enfant. Mais l'école
publique ne s'y adapte-t-elle pas également? Peut-être mais la
pédagogie WALDORF a pour particularité d'éduquer la volonté des
élèves qui lui sont confiés.A
la question de savoir si l'école répond à la définition de ce
qu'on appelle enseignement privé laïque, l'enseignante hésite et
renvoie à une de ses collègues qui affirme que oui, l'établissement
est laïque et n'enseigne aucune religion.
Cette
réponse est conforme à la présentation que fait la Fédération des Ecoles Steiner de sa pédagogie sur son site. "Les
écoles Steiner-Waldorf sont laïques au sens strict du terme et non
confessionnelles. Réconcilier de façon moderne Science, Art et
Religion est cependant un des objectifs de la pédagogie
Steiner-Waldorf.(...)La perte de sens de nos sociétés et la montée
des intégrismes appellent à une réflexion sur la juste place du
religieux et nos écoles travaillent dans le sens d'une réponse
ouverte et moderne à ce besoin de notre temps. Par contre, les cours
d'instruction religieuse n'entrent pas dans le programme
Steiner-Waldorf".En
revanche, plusieurs questions se posent. Nous sommes une association
loi de 1901, sans subsides publics ; nous pouvons accéder à une
manifestation ouverte et publique mais nous ne pouvons pénétrer
l'établissement pendant les heures de cours. Si des classes sont
sous contrat avec l'Etat, l'établissement, selon les termes de la
loi Debré, est libre de de garder son caractère propre, ici c'est
pour le visiteur profane l'inspiration steinerienne, mais doit aussi
garantir la liberté de conscience des élèves qui lui sont confiés.
Cette forte prégnance de la doctrine anthroposophique lors du marché
de Noël est-elle compatible avec un enseignement répondant aux
exigences imposées aux écoles sous contrat? Pour
toutes les classes, sous contrat ou non, l'enseignement prodigué
est-il conforme aux exigences de la loi qui assigne le droit de
tous les enfants à une éducation respectueuse des prescriptions du
Code de l'Education?
Seuls
les comptes rendus des inspections diligentées par l'Education
nationale pourraient nous aider à répondre à cette question; la
jurisprudence de la CADA nous permet, en principe, d'en prendre connaissance et
nous ne pouvons que souhaiter que l'administration ne nous amène
plus à solliciter cette autorité administrative indépendante, n'ignore plus les avis qu'elle rend et renonce à laisser nos demandes sans réponse, ne manifestant pas à notre égard
la courtoisie que dont nous pensons avoir toujours fait preuve.
Essai de réflexion:
Que signifie "respecter les rythmes de l'enfant"? Est-ce ce que nous avons trouvé dans l'ouvrage de Steiner, Les bases spirituelles de l'éducation, mais nous ne pouvons l'affirmer tant la formule est passe- partout:
En éducation, nous devons pouvoir atteindre la nature humaine en son entier ; or, elle comporte un corps, une âme et un esprit.Si l’on comprend bien l’éducation, on en arrive à ne pas chercher uniquement la connaissance de Dieu pour l’apaisement du cœur, mais on cherche à réaliser la volonté de Dieu afin d’agir selon ses intentions. L’éducation repose alors sur cette base spirituelle dont je vais vous parler dans les jours qui vont suivre.Toute la vie de l’enfant jusqu’à sa 7ème année est une constante imitation de ce qui se passe autour de lui (...) l’enfant est tout entier un organe sensible.
Observons le changement qui s’est produit dans l’enfant entre la 7ème et la 14ème année. D’organisme sensible qu’il était , il est devenu entièrement âme. Pas encore esprit, pas encore celui qui attachera la plus grande valeur à la logique, à l’intellect, ce qui n’arrivera que lorsque quelque chose durcira dans son âme. (...) l’enfant n’a pas encore besoin de la logique tandis qu’il n’a besoin de notre âme, de notre humanité.Que doit-être le maître pour qu’il devienne cette autorité évidente, ce médiateur entre l’ordre divin du monde et l’enfant? Là est le nœud du problème.Lorsque l’enfant qui a été soumis à l’autorité atteint la puberté, il acquiert par ce changement physiologique un rapport tout différent avec le monde extérieur. C’est maintenant l’heure où l’esprit s’éveille dans l’être humain. C’est le temps où l’adolescent cherche à comprendre dans tout l’élément du langage ce qui exprime l’élément rationnel, logique. Maintenant, nous pouvons faire appel avec quelque succès à l’intellect au moyen de l’éducation et de l’instruction.
Ces extraits ne se suivent pas nécessairement.
Maintenant, que représente l'éducation de la volonté??? Peut-être la volonté au sens courant du terme, mais peut-on en être sûr? Dans la deuxième conférence de Rudolf Steiner, parue dans l'ouvrage LA NATURE HUMAINE, aux éditions Triades, l'auteur définit la volonté comme "le germe déjà présent en nous de ce qui, après la mort, sera notre réalité spirituelle et psychique. Ainsi, lorsque vous vous représentez quelle réalité psycho-spirituelle vous deviendrez après la mort, vous obtenez la volonté". (page 34)
Enfin
concernant le rapport à la laïcité, Steiner, dans le même
ouvrage, en conclusion (page 209) ébauche une réponse, mais les
enseignants ont-ils en mémoire tous les ouvrages, souvent difficiles
à appréhender, de leur inspirateur?
Nous
ne créerons pas, à l'école Waldorf, une institution où soit
enseignée une conception du monde. L'école Waldorf ne sera pas
l'école d'une conception du monde dans laquelle nous gaverions les
enfants de la plus grande quantité possible d'anthroposophie.
L'anthroposophie n'est pas un objet d'enseignement mais nous aspirons
à en cultiver la pratique. Nous voulons transformer ce qui peut être
acquis dans le domaine anthroposophique en une véritable pratique de
l'anthroposophie. (...) L'enseignement religieux sera donné au sein
des communautés religieuses. Nous ne nous servirons de
l'anthroposophie que pour la méthode d'enseignement. Nous confierons
donc les enfants aux enseignants des différentes confessions.
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