Pour
faciliter la compréhension de nos lecteurs, nous précisons un peu les
contours juridiques de l’instruction en famille. Que les juristes qui
n'en ignorent rien veuillent bien nous excuser.
À
l’occasion d’une procédure devant le Conseil constitutionnel, les Sages
peuvent ériger une loi ou une notion en principe fondamental reconnu par
les lois de la république, qui acquiert dès lors une valeur
constitutionnelle et ne peut recevoir de modification par voie
législative. C’est le cas de principes tels la dignité humaine, la
liberté de l’enseignement, la liberté d’association, la liberté des
professeurs d’université. D’après l’auteure du blog, les craintes
gouvernementales seraient que le Conseil constitutionnel érige la
liberté d’instruire en famille en principe à valeur constitutionnelle.
Liberté, Libertés chéries: Enseignement au sein de la famille : le projet de ... https://t.co/7JPlix2UZK
De
la même façon, Madame Letteron, qui enseigne le droit à l'Université,
cite deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Cette
juridiction est placée sous l'égide du Conseil de l’Europe.
Après-guerre, aucun traité contraignant n’avait été signé en application
de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Aussi les États
européens ont-ils élaboré leur propre traité.
Quelques
articles reprennent, parfois en suivant de très près des dispositions
de la Déclaration universelle, en apportant des limitations. pour
certains articles.
La plupart des articles était consacrée à la procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme...
Dans
les faits, les traditions juridiques des États membres étaient fort
diverses. Aussi le traité européen n'a retenu que des grands principes
dans lesquels tous les Etats, au-delà de cette diversité des traditions,
pouvaient se reconnaître. Et la Cour européenne a toujours reconnu, en
respectant l’histoire de chaque État membre, une marge d’appréciation .
C’est
ainsi qu’elle n’a pas condamné la Grande-Bretagne pour son acceptation
de l’instruction en famille, Elle n’a pas non plus condamné la République fédérale allemande qui, saisi par un couple d’évangéliques
qui souhaitait retirer ses enfants de l’école, s'était vu refuser ce
droit. En Allemagne, les enfants sont tenus de fréquenter une école
publique ou privée agréée par l’État.
Les
liens vers ces arrêts se trouvent inclus dans l’article du blog de
Madame Letteron, nous donnons ici le résumé de l’article de l’arrêt
concernant la république fédérale allemande. Autoriser ou interdire
l'instruction hors de l'école, ce choix ne relève donc pas de la
jurisprudence de la Cour. Les deux alternatives peuvent être mises en
oeuvre dans le respect des droits de l'Homme tels que la jurisprudence de
la Cour européenne les conçoit.
Voici le cadre
juridique et des éléments de réflexion, en revanche, s'il appartiendra
à l’exécutif et aux juridictions françaises d’apprécier la légalité
d’une limitation de l’instruction en famille, nous pouvons, en
reconnaissant aux partisans de la déscolarisation la liberté
d'expression, pouvoir nous exprimer nous aussi en affirmant notre
préférence pour une école publique qui éduque au respect de l’autre, et
qui, surtout, permet à des enfants issus de milieux sociaux
philosophiques et politiques dissemblables, de se connaître et de
s’apprécier au-delà des différences.
Nous ressentons
l'action du groupe de pressions en faveur de l'instruction à domicile
comme un pierre dans le jardin des laïques: pour preuves cette vidéo de T.CASASNOVAS: les personnes interrogées (descolarisation.org) une heure exactement après le début de la conversation,
émettent le souhait que l'expansion de cette pratique mène à la
fermeture d'écoles!
De même, la procédure initiée devant le Conseil
d'Etat et dont Mme Letteron donne le lien a vu se regrouper une
association de parents qui la pratiquent l'instruction en famille (les
enfants d'abord) , Créer son École, EUDEC (écoles démocratiques) , les
écoles Waldorf et le Printemps de l'Education, la liste n'est pas
exhaustive..
ANNEXES
Voici donc le texte du résumé de l'arrêt de la Cour européenne tel qu'il figure sur son site:
Les
parents requérants, qui font partie d’une communauté chrétienne,
refusent que leurs enfants fréquentent quelque établissement que ce soit
(privé ou public) à cause des cours d’éducation sexuelle, de l’étude de
contes de fées en classe et de la violence physique et psychologique
croissante entre élèves. Ils éduquent leurs enfants chez eux en se
basant sur le programme d’une institution spécialisée qui aide les
parents chrétiens dans cette tâche mais qui n’est pas reconnue par
l’État comme une école privée. Ils déposèrent au nom de leurs enfants
une demande de dispense pour motifs religieux de la scolarité
obligatoire à l’école primaire. L’inspection académique rejeta la
demande et ce refus fut confirmé par les tribunaux allemands, qui
motivèrent leurs décisions comme suit. Du fait de leur jeune âge, les
enfants des requérants étaient incapables de mesurer les conséquences
liées au choix de leurs parents de leur faire suivre une éducation à
domicile, et ils ne pouvaient guère se déterminer de façon autonome en
la matière. Même si la Loi fondamentale autorisait les parents à éduquer
leurs enfants conformément à leurs convictions philosophiques ou
religieuses, ce droit n’était pas exclusif:
il était placé sur un pied d’égalité avec l’obligation
constitutionnelle pour l’État de prodiguer une instruction. Cette
obligation visait non seulement à ce que les enfants acquièrent un
savoir, mais aussi à ce qu’ils deviennent des citoyens responsables
jouant leur rôle dans une société démocratique et pluraliste. Seuls des
contacts réguliers avec la société permettaient d’acquérir les
compétences sociales nécessaires pour communiquer avec des personnes
ayant des points de vue différents et pour affirmer une opinion autre
que celle de la majorité. Cet objectif pouvait être atteint de manière
plus efficace par la scolarité, dans le cadre de laquelle des enfants
côtoient quotidiennement d’autres enfants, que par l’éducation à
domicile. L’intérêt général de la collectivité étant d’intégrer les
minorités et de prévenir l’émergence de sociétés parallèles, l’ingérence
litigieuse dans l’exercice par les requérants de leurs droits
fondamentaux devait être jugée proportionnée et raisonnable, car les
intéressés avaient toujours la possibilité d’éduquer leurs enfants avant
et après l’école ainsi que pendant le week-end. Les requérants étaient
également libres d’inscrire leurs enfants dans une école religieuse. De
plus, du fait de l’obligation de neutralité religieuse à laquelle
étaient soumis les établissements scolaires, les enfants des requérants
ne risquaient pas d’être endoctrinés contre leur gré ni d’être
influencés par des superstitions. Quant à la question de la violence,
les requérants ne prétendaient pas que les autorités scolaires restaient
en défaut de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les mauvais
traitements entre élèves.
La
Cour rappelle que des parents ne peuvent invoquer leurs convictions
pour refuser à un enfant le droit à l’instruction. La nature même de ce
droit exige une réglementation de la part de l’État, qui dispose d’une
certaine marge d’appréciation pour fixer et interpréter les règles
régissant son système éducatif. Il apparaît qu’il n’existe pas de
consensus entre les États contractants quant aux mérites respectifs de
l’éducation à domicile et de la scolarité obligatoire dans le primaire.
Les juridictions allemandes ont considéré que la première n’est pas
aussi efficace que la seconde pour atteindre les objectifs d’intégration
dans la société et d’acquisition de compétences sociales. Cette
conclusion relève de la marge d’appréciation dont jouissent les États en
la matière et est compatible avec la jurisprudence de la Cour qui
souligne l’importance du pluralisme pour la démocratie. En outre, le
droit pour les parents de donner à leurs enfants une instruction
conforme à leurs convictions religieuses n’a pas fait l’objet d’une
restriction disproportionnée:manifestement mal fondée.
Maintenant un extrait du rapport OBIN rédigé par des inspecteurs généraux de l'Education nationale en 2004:
La plupart des cas de déscolarisation n’ont pas de motif religieux. C’est le handicap, la
maladie, le « décrochage », la délinquance ou la marginalité qui les motivent. Cependant nous
avons rencontré, dans certains départements visités, quelques petits groupes religieux refusant
de scolariser les enfants. Ainsi, aux confins sud-est du Massif Central, un groupe protestant,
les ravinistes, ne scolarise les enfants dans le primaire qu’à plusieurs conditions : refus de
l’enseignement de l’évolution des espèces, du cinéma, de l’éducation sexuelle, de
l’informatique et des cours le samedi. Ces enfants sont déscolarisés en fin de CM2 et confiés à
un organisme d’enseignement à distance créé par les adeptes. Plus au nord, des deux côtés de
la Saône, un groupe catholique, pratiquant son culte clandestinement et connu sous
l’appellation « les Blancs », héritier de l’Eglise réfractaire de la Révolution, ne scolarise pas
non plus ses enfants. Enfin, dans la banlieue d’une grande ville de la vallée du Rhône, des
familles musulmanes regroupées autour d’un imam refusent également l’école. Par ailleurs,
dans un très petit nombre de cas, des élèves filles ont choisi de démissionner de leur
établissement à la suite d’un conflit portant sur le voile ou la tenue islamique qu’elles
portaient. La plupart n’étaient plus soumises à l’obligation scolaire.
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