vendredi 30 septembre 2022

COMMENT PRÉVENIR LES DÉRIVES SECTAIRES ? Quatre vidéos proposées par KISEL FORMATION Remerciements à toutes celles et tous ceux qui ont permis de vous proposer ces vidéos



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COMMENT PREVENIR LES DERIVES SECTAIRES?

Les structures à tendances sectaires prennent des visages multiples. Des entreprises, des associations, des établissements publics peuvent en être victimes, tout comme les familles et les individus. Comment les identifier? Comment s’en prévenir? Que faire lorsqu’on est confronté à cette situation?

Kisel Formation vous propose quatre vidéo en accès libre,  pour mieux comprendre ce phénomène, l’identifier et tenter de s’en protéger. Elles abordent les thèmes suivants :

    1. Qu’est-ce qu’une dérive sectaire ?
    2. La mécanique des dérives sectaires
    3. Les dérives sectaires et le droit
    4. Les outils de prévention et de lutte

 

Ces vidéos ont été élaborées avec le Cercle laïque pour la prévention du sectarisme (CLPS) dans le cadre d’un appel à projets du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation et avec le soutien de la Miviludes.

N’hésitez pas à les partager.

L’idéologie des colibris est-elle soluble dans la laïcité ?

 



Il y a de cela maintenant plusieurs années, nous avions donné pour titre à un de nos documents relatifs à la mouvance de Steiner l'intitulé suivant : « l'anthroposophie un Janus à deux visages ». Nous avions également relevé dans ce document la proximité du réseau affilié à cette mouvance avec celui des colibris, créé par Pierre Rabhi.

Nous exprimions notre malaise en nous gardant de toute pensée binaire et de toute tentation de manichéisme face un courant de pensée qui pouvait mener à des réalisations tout à fait séduisantes, mais qui dissimulait des aspects beaucoup plus déplaisants du moins à nos yeux. Ici, nous notons une porosité troublante, pour des raisons à peu près identiques, entre certains mouvements laïques que nous citerons et les colibris, pour des raisons à peu près semblables : la coexistence entre des aspects susceptibles de séduire et d'autres qui à nos yeux contredisent l'idéal laïque auquel nous nous référons.

Les citoyens français, et notamment les enseignants, connaissent bien la mutuelle d'assurances dédiée à ces derniers, la MAIF. Cette très importante mutuelle, qui rend de grands services à ses sociétaires, et dont nous ne contestons pas l'utilité, bien au contraire, organise des conférences.

La première des intervenantes sur laquelle nous avons mené quelques recherches, c'est Juliette Duquesne, qui a créé la collection carnets d'alerte avec Pierre Rabhi.

Elle a édité de nombreux petits ouvrages accessibles et bon marché, coécrits avec le fondateur de Terre et humanisme. Elle a été invitée à s'exprimer devant le public à la mi-septembre en Haute Saône, et doit réitérer cette prestation au profit de la mutuelle fin septembre à Reims.

Nous ne mettons nullement en  doute la sincérité des disciples de Rabhi. Nous pensons même que parmi nos propres adhérents, nous aurions bien du mal à en trouver qui seraient hostiles à l'idée d'éradiquer la faim dans le monde, ou qui souhaiteraient une régression dans le domaine de l'écologie ! De plus, la conception de l'écologie énoncée par Pierre Rabhi ne nous semble pas faire l'unanimité parmi les militants écologistes.

En revanche, nous pouvons être réservés sur l'incitation récurrente à « faire sa part ». Cela revient à privilégier les initiatives individuelles au détriment d'un effort collectif piloté par des institutions publiques et notamment par l'État. Ainsi a-t-on déjà observé, nous l'avons relaté dans ces colonnes, le fondateur d'une école démocratique à Paris qui estimait, une fois cette école mise en place, avoir fait sa « part de colibri ». Et, en créant en Ariège un « village démocratique », dans lequel chacun versait ce qu'il voulait, soit le RSA, soit des revenus immobiliers, soit rien du tout, où les enfants étaient « mutualisés », il estimait poursuivre la réalisation de cette part du colibri.

Créer des écoles alternatives en concurrence avec l'école publique, est-ce compatible avec notre idéal alors que la MAIF a été créée par des instituteurs laïques ?

La même Juliette Duquesne était invitée à s'exprimer il y a quelque temps devant les élèves d'un établissement secondaire public à Nancy. Ce n'est que notre point de vue, mais nous pensons pouvoir l’exprimer dans nos propres colonnes, la laïcité nous semble consubstantielle à la confrontation de points de vue différents. Ici, inviter soit pour une conférence organisée par des grandes institutions laïques, soit a fortiori devant des élèves dans le cadre du service public une intervenante proche des colibris ne nous semble pas relever de cette volonté de confronter les points de vue de manière à permettre aux auditeurs de se forger leur idée personnelle en toute connaissance de cause.

Mais nous avions promis en introduction à ce billet de ne pas être manichéens. Tenons parole : le site de carnets d'alerte cite Paul Ariès. Ce dernier a déjà coécrit avec Pierre Rabhi, et il est l'auteur d'un ouvrage sur la « simplicité volontaire ». (Un concept proche de la sobriété heureuse ? ). Et, paradoxalement, en même temps, il fut l'auteur il y a une vingtaine d'années de deux ouvrages édités par Golias, l'un intitulé la scientologie, laboratoire du futur, et l'autre l'anthroposophie, enquête sur un pouvoir occulte.

Faisons preuve d'humilité en refusant le manichéisme précisément et en reconnaissant la complexité à laquelle nous sommes confrontés. Il n'y a pas les bons, qui ne se trompent jamais, d'un côté, et les mauvais, toujours dans l'erreur, de l'autre.

Autre conférencier accueilli par la mutuelle: Pablo Servigne. Ce dernier est un auteur, qui a contribué à l'émergence de la notion de collapsologie. Il semble avoir des liens avec le groupe masculiniste Mankind project, ainsi qu'avec extinction rébellion que nous avons évoqué récemment. Pour la mutuelle, il intervient sur l'entraide ; sans doute un thème digne d'éloges, mais derrière la générosité de la démarche de la MAIF, peut-on être certains de la conformité des thèses qu'il exprimera lors de ses conférences avec une démarche laïque ?

Notre cercle laïque pour la prévention du sectarisme a reçu également un signalement concernant une école privée hors contrat laïque comme elle se définit elle-même, dans le département de la Drôme a Anneyron. Sur le site de l'école, les initiateurs se réclament de deux inspirateurs : Pierre Rabhi et Krishnamurti.

Elle se dit également ouverte aux IEF, c'est-à-dire aux enfants instruits en famille. Elle a d'ailleurs organisé des conférences avec André Stern, l'un des promoteurs en France de l'instruction en famille, sur les thèmes suivants : « écologie de l'enfance, un projet de vie » et les « enfants gardiens de nos potentiels ». Elle a également organisé une projection du film « le cercle des petits philosophes » réalisé par Frédéric Lenoir (qui semble-t-il ouvrait les séances de discussions philosophiques pour enfants par des minutes de méditation de pleine conscience ). Sur son site, l'école fait la promotion des ouvrages de Céline Alvarez. Des ateliers, au cours de diverses forums qu'elle a organisées, ont traité des pédagogies de Maria Montessori et Freinet. Précisons que nous citons tous les auteurs qui ont été étudiés au cours de ces forums sans poser nous-mêmes des jugements de valeur !

En principe, n'ayant pas signé de contrat avec l'État, l'école ne peut être financée par fonds publics. Cependant indirectement, elle est en train de recruter un service civique… par l'intermédiaire de la fédération départementale de la Drôme de la ligue de l'enseignement.

La raison d'être de notre association, le cercle laïque pour la prévention du sectarisme, c'est la défense du libre arbitre, la liberté de conscience, de la dignité. Le droit de tout être humain à la santé, avec  un environnement le moins pollué possible est fondamental. Mais il existe encore des débats sur les voies à emprunter pour y parvenir. En tant que militants de la laïcité, nous pensons que la formation du citoyen exige un pluralisme des informations. Les colibris, favorables à l'instruction en famille et à l'instruction à domicile, ont choisi une option, qui n'est certes pas la nôtre, celle de l'école accueillante pour tous les petits Français. Les écoles hors contrat, qui ne sont quand même pas accessibles à toutes les bourses, favorisent un entre-soi que nous ressentons comme aux antipodes de notre idéal, même si nous croyons comprendre les raisons de cette option, et par ailleurs nous respectons ce choix. Le printemps de l'éducation, qui n'existe plus formellement, regroupait notamment les colibris, la fédération des écoles Steiner Waldorf, la revue Kaizen, et, entre autres… l'Office central pour la coopération à l'école, qui regroupe les coopératives des écoles publiques. Nous souhaiterions tant pouvoir en discuter avec nos partenaires laïques !

Mais, rappelons-le, nous ne voulons surtout pas nous poser en moralistes, ni incarner le bien en lutte contre le mal ou la vérité contre l'obscurantisme… nous voulons entamer un débat.





14e salon du bien-être à Aubenas.

Nos correspondants en Ardèche nous ont fait parvenir des documents sur le 14e salon du bien-être à Aubenas.

Cette manifestation est placée sous l’égide de l’association Ardèche bien-être, dont les responsables sont, (entre autres), conseil en santé holistique, Numérologue et tarologue .
La Tribune , journal ardéchois, en date du 22 septembre dernier fait apparaître parmi les activités proposées aux courses de ce salon une école de numérologie, une conférence sur l’astrologie,etc.

mercredi 14 septembre 2022

Respect du droit à la vie, respect de la dignité humaine, et refus des transfusions sanguines par les témoins de Jéhovah : position récente du Conseil d’Etat (mai 2022).


En mai 2022, le conseil d'État a rejeté le pourvoi d'une famille de témoins de Jéhovah qui souhaitait  interdire à un établissement hospitalier de procéder à une transfusion sur la personne d'un accidenté qui avait notifié par écrit son refus de se voir administrer du sang humain. Les juges du Palais-Royal ont estimé qu'une transfusion limitée à ce qui était nécessaire pour permettre la survie du patient n'était pas fautive.

Nous avons retenu les passages les plus utiles de l'ordonnance, et nous avons souligné dans une couleur différente les quelques phrases qui en permettent une compréhension immédiate.

Bien entendu, nous avons mis un lien, pour nos lecteurs qui souhaiteraient s' y référer, vers le texte intégral.

Nous joindrons à la fin de ce billet les extraits significatifs des conclusions du commissaire du gouvernement lors d'une affaire similaire survenue il y a quelques décennies. Nous souscrivons à ce raisonnement juridique en regrettant que saisi en cassation, le conseil d'État y ait décelé une erreur de droit. Toutefois, nous constatons avec satisfaction que la justice administrative considère le droit à la vie, et par la même le devoir des soignants de la préserver, en cas de risque vital, comme le premier des impératifs à respecter. L'auteure de ces conclusions se référait explicitement à l'interdiction des lancers de nains ; le Conseil d'Etat avait redéfini l'ordre public en y incluant le respect de la dignité humaine.





Conseil d'État, Juge des référés, 20/05/2022, 463713, Inédit au recueil Lebon


Par une requête enregistrée le 3 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les consorts C... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'enjoindre à l'hôpital d'instruction des armées Saint-Anne de respecter la volonté de M. A... C... de ne pas recevoir de transfusion sanguine, de ne procéder en aucun cas à l'administration forcée de transfusion sanguine contre son gré et à l'insu de sa personne de confiance, et de recourir en substitution aux traitements médicaux sans transfusion de sang acceptés par le patient ;

(...) 

Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite, eu égard au risque que de nouvelles transfusions sanguines lui soient prodiguées, contre son gré, dès lors que M. A... C... demeure hospitalisé et alors que, d'une part, des transfusions sanguines lui ont été administrées le 2 mai et, d'autre part, l'équipe médicale a affirmé sa décision de renouveler les transfusions sanguines en dépit de la volonté du patient ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- les conditions d'hospitalisation de M. A... C... méconnaissent la liberté du patient de consentir aux soins qui lui sont prodigués, garantie par l'article 5 de la convention d'Oviedo, l'article 3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article L. 1111-4 du code la santé publique, et porte atteinte à l'intégrité du corps humain dès lors que, d'une part, la volonté M. A... C..., dûment exprimée par le biais de directives anticipées et répétée par sa personne de confiance de ne pas recevoir de transfusion sanguine, n'est pas respectée par l'équipe médicale et, d'autre part, l'obligation légale de respecter la volonté du patient s'impose à l'obligation réglementaire de lui donner des soins consciencieux ;
- elles méconnaissent l'interdiction des traitements inhumains et dégradants, garantie par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que, d'une part, une transfusion sanguine représente pour M. A... C... un traitement moralement inacceptable et le privant de sa dignité, selon ses croyances et, d'autre part, il risque de subir à nouveau un tel traitement ;
- elles portent atteinte au droit au respect de la vie privée et notamment ses composantes, le droit à l'autonomie personnelle et le droit à l'intégrité physique, garantis par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que le refus de transfusion sanguine par les témoins de Jéhovah ne peut être assimilé à un suicide mais à un choix thérapeutique ;
- elles portent atteinte à la liberté de pensée, de conscience et de religion, garanties par l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que, d'une part, les directives anticipées de M. A... C... attestant de son refus de transfusion sanguine constituent une objection de conscience et, d'autre part, le non-respect de la volonté du patient constitue une ingérence dans l'exercice de sa liberté de manifester un choix religieux et une carence de l'Etat dans son obligation positive de prévenir une telle ingérence ;
- elles méconnaissent l'article R. 4127-7 du code de la santé publique et le principe d'égalité dans la prise en charge du patient, garanti notamment par l'application combinée des articles 3, 8, 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que l'équipe médicale ne respecte pas son refus de transfusion sanguine.

(...) 


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

Sur le cadre juridique applicable au litige :

2. Aux termes de l'article L. 1110-1 du code la santé publique : " Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne ". L'article L. 1110-2 de ce code dispose que : " La personne malade a droit au respect de sa dignité ". L'article L. 1110-5 du même code dispose que : " Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. (...) "

3. L'article L. 1111-4 du code de santé publique est relatif au droit du patient de consentir, ou pas, à tout traitement, et en fixe les modalités, selon que le patient est ou non en état d'état exprimer sa volonté. Ainsi, dans sa rédaction issue de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, cet article dispose que : " Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. / Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif. / Le médecin a l'obligation de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d'interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical. L'ensemble de la procédure est inscrite dans le dossier médical du patient. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10. / Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. / Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. / Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. (...) ".

(...)

5. Il résulte de l'instruction que M. A... C..., âgé de 47 ans, a été victime le 19 avril 2022 d'un traumatisme grave survenu au cours d'un accident de la voie publique. Admis en salle d'accueil des urgences vitales de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne de Toulon, il présente un état de choc hémorragique et une grande instabilité hémodynamique. Le patient est transféré au bloc opératoire, intubé et ventilé artificiellement et une chirurgie courte, dite de damage control, révèle une hémorragie active et abondante. Durant cette prise en charge initiale, le patient est transfusé de 5 culots globulaires. Il reçoit également des facteurs de coagulation (6 plasma). Le 27 avril, une neurochirurgie permet de fixer la colonne cervicale sur la boîte crânienne. Une reprise chirurgicale s'avère nécessaire au niveau de l'abdomen les 21, 23 et 29 avril et les 2, 6, 9, 13 et 16 mai. Les interventions des 23 avril et 2 mai s'accompagnent d'une transfusion de, respectivement, 2 et 3 culots globulaires. A la date du 16 mai, la stratégie mise en place dès les premières heures de son admission (fer et EPO) commence à produire des effets, avec une régénération des globules rouges.

6. Il résulte également de l'instruction M. A... C... était porteur, lors de son accident, d'un document signé par lui dans lequel, d'une part, il indiquait refuser toute transfusion sanguine, " même si le personnel soignant estime qu'une telle transfusion s'impose pour me sauver la vie " et, d'autre part, il désignait M. B... C..., son frère, comme personne de confiance. M. B... C... a rappelé à l'équipe médicale, à plusieurs reprises pendant l'hospitalisation, que M. A... C... était témoin de Jéhovah et ne souhaitait en aucune circonstance recevoir de transfusion sanguine.

7. Il résulte enfin de l'instruction, et notamment des propos tenus à l'audience par le médecin, chef du service d'anesthésiologie de l'hôpital, que, pour tenir compte des instructions médicales écrites de M. C..., les transfusions faites ne l'ont été que dans la mesure strictement nécessaire au bon déroulement des actes permettant sa survie, alors que la stratégie transfusionnelle normalement appliquée à des patients dans l'état de M. C... est " libérale " et non " restrictive " et aurait abouti, en conséquence, à des transfusions d'un volume de sang plus élevé.

8. Le droit pour le patient majeur de donner son consentement à un traitement médical revêt le caractère d'une liberté fondamentale. En ne s'écartant des instructions médicales écrites dont M. C... était porteur lors de son accident que par des actes indispensables à sa survie et proportionnés à son état, alors qu'il était hors d'état d'exprimer sa volonté, les médecins de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne n'ont pas porté atteinte à ce droit, non plus qu'aux autres libertés fondamentales garanties par les stipulations internationales invoquées, d'atteinte manifestement illégale.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit enjoint aux médecins de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne de ne procéder à aucune transfusion sanguine sur M. A... C.... Leurs conclusions ne peuvent par suite qu'être rejetées, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête des consorts C... est rejetée.
(...) 




Retour sur l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur une affaire similaire, en date du 9 juin 1998

Conclusions du Commissaire du Gouvernement: « La dignité de la personne, principe absolu s’il en est, ne saurait s’accommoder des conceptions subjectives que chacun peut en avoir, même l’intéressé. »

(...) «La représentation française de l’autonomie a un sens (…), inspiré du droit romain mais aussi de Rousseau et de Kant : c’est la capacité de poser et de respecter des devoirs universels, des lois, envers les autres et envers soi-même comme membre de l’humanité. Un être autonome ne peut vouloir rationnellement un comportement qui n’est pas universalisable. Dans cette conception, le gréviste de la faim, celui qui refuse un soin vital, n’est pas autonome, ce qui justifie l’intervention de l’Etat ou du médecin. (…). C’est ainsi que l’on explique la jurisprudence du Conseil d’Etat relative à la nécessité du consentement à l’acte médical qui ne consacre pas cette exigence comme un absolu."

(...) « Pour en revenir au présent litige, y-a-t-il eu manquement aux obligations légales du praticien hospitalier ? La nécessaire conciliation entre respect de la volonté du malade et finalité thérapeutique de l’activité médicale s’opère souvent sans difficulté insurmontable quand la relation peut s’inscrire dans la durée et en l’absence d’urgence vitale. Mais dans les cas extrêmes, il est inéluctable de faire prévaloir une exigence légale sur l’autre. Or, en l’espèce, d’une part nous sommes bien dans un cas limite et d’autre part les devoirs du médecin ne se limitent pas au respect de la volonté individuelle».

Arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris,  9 juin 1998, : « Si la thérapeutique appliquée à la requérante a pu, eu égard à la qualité de Témoin de Jéhovah de l’intéressée, constituer une atteinte à la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, cette circonstance n’est nullement constitutive d’une violation de cette disposition, dès lors qu’elle résulte, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, du respect par le médecin de l’obligation de protection de la santé et donc, en dernier ressort, de la vie qui s’impose à lui ».


GK


vendredi 2 septembre 2022

refus de transfuser des enfants (Témoins de Jéhovah): la jurisprudence du Québec





Au Québec, un centre hospitalier universitaire avait prescrit une transfusion à un bébé né prématurément. Au moment de la prescription, ses jours n'étaient pas en danger immédiat, mais le médecin craignait que cette naissance avant terme n'entraîne son décès à moyen terme.

Aussi la cour supérieure du Québec, c'est le nom de la juridiction, a-t-elle été saisie. Elle a rendu son jugement le 19 août dernier. Le texte est long, mais nous sommes toujours soucieux d'apporter l'information la plus complète possible.Aussi le reproduisons-nous ci-dessous dans son intégralité.


CONTEXTE

[1] Les défendeurs sont les parents de X, né le [...] 2022. L’enfant est né à 26 semaines et 6 jours de grossesse, ce qui fait de lui un prématuré extrême.

[2] Le CHU de Québec – Université Laval (« CHUQ ») demande l’autorisation d’administrer des produits sanguins à la fréquence et en quantité jugées médicalement nécessaires par l’état de santé de l’enfant et tel que déterminé par l’équipe de médecins traitants.

[3] Les parents, qui sont Témoins de Jéhovah, s’opposent à ces transfusions sanguines en raison de leurs croyances religieuses.

ANALYSE ET DÉCISION

[4] L’article 14 du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») confère aux parents l’autorité afin de consentir ou non aux soins requis par l’état de santé de leur enfant mineur :

14. Le consentement aux soins requis par l’état de santé du mineur est donné par le titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur.

Le mineur de 14 ans et plus peut, néanmoins, consentir seul à ces soins. Si son état exige qu’il demeure dans un établissement de santé ou de services sociaux pendant plus de 12 heures, le titulaire de l’autorité parentale ou le tuteur doit être informé de ce fait.

[5] L’article 16 C.c.Q. permet toutefois au tribunal d’autoriser que des soins soient prodigués à un enfant mineur lorsque :

 1. les parents sont empêchés de consentir ou refusent de le faire de façon injustifiée;

 2. les soins sont requis par l’état de santé du mineur.

[6] L’article 16 se lit comme suit :

16. L’autorisation du tribunal est nécessaire en cas d’empêchement ou de refus injustifié de celui qui peut consentir à des soins requis par l’état de santé d’un mineur ou d’un majeur inapte à donner son consentement; elle l’est également si le majeur inapte à consentir refuse catégoriquement de recevoir les soins, à moins qu’il ne s’agisse de soins d’hygiène ou d’un cas d’urgence.

Elle est, enfin, nécessaire pour soumettre un mineur âgé de 14 ans et plus à des soins qu’il refuse, à moins qu’il n’y ait urgence et que sa vie ne soit en danger ou son intégrité menacée, auquel cas le consentement du titulaire de l’autorité parentale ou du tuteur suffit.

[7] C’est en vertu de ce dernier article que le CHUQ présente sa demande.

Refus injustifié des parents

[8] La preuve démontre que l’équipe traitante a informé les parents des risques encourus par l’enfant au cours des premiers mois de vie en raison de sa prématurité extrême. Il est à risque de développer une anémie sévère qui, en l’absence de transfusion sanguine, peut entraîner des dommages irréversibles et même le décès.

[9] Comme déjà indiqué, c’est en raison de leurs croyances religieuses sincères que les parents refusent de consentir à une transfusion sanguine.

[10] La Cour suprême du Canada a statué que, bien que les parents aient le droit d’éduquer leurs enfants selon leurs croyances religieuses et aient le choix des traitements médicaux, le droit à la liberté ne comprend pas celui de refuser à leurs enfants un traitement médical jugé nécessaire et pour lequel il n’existe aucune autre solution.

[11] Toute décision relative à l’enfant doit être prise dans son intérêt et le respect de ses droits. La santé de l’enfant est un élément déterminant devant être considéré dans l’analyse de ce qui est dans son intérêt.

[12] À plusieurs reprises, la Cour supérieure a statué que le refus des parents de consentir, pour des convictions religieuses, à des transfusions sanguines requises par l’état de santé de leur enfant mineur constituait un refus injustifié au sens de l’article 16 C.c.Q. La situation en l’espèce n’est pas différente.

Soins requis par l’état de santé du mineur

[13] À l’instruction, le CHUQ fait entendre le médecin traitant de l’enfant, Dre Geneviève Tremblay, pédiatre-néonatologiste.

[14] Elle explique que l’enfant est actuellement hospitalisé à l’unité des soins intensifs pédiatriques. Il reçoit un support respiratoire et une alimentation intraveineuse. Dre Tremblay anticipe que la condition de l’enfant requerra son hospitalisation pour quatre mois au cours desquels il devra notamment recevoir des supports respiratoire, hémodynamique et nutritionnel.

[15] Selon Dre Tremblay, en raison de sa prématurité extrême, l’enfant développera une anémie du prématuré. Il est également à risque d’hémorragies et de septicémie pouvant entraîner une anémie sévère. Ces conditions nécessitent l’administration de produits sanguins. En l’absence de traitement, le risque de morbidités sévères est accru telle l’augmentation des apnées, de l’hypertension pulmonaire, d’hémorragie cérébrale, de séquelles neurodéveloppementales sévères irréversibles et même de décès.

[16] Bien que, malgré les circonstances, X présente actuellement une bonne condition, Dre Tremblay témoigne qu’il est susceptible de se détériorer rapidement. D’ailleurs, elle explique que les études scientifiques démontrent que 90 % des nouveau‑nés grands prématurés doivent recevoir des produits sanguins par transfusion.

[17] Les défendeurs plaident que l’autorisation ne devrait pas être accordée puisque l’état actuel de X ne requiert pas qu’il soit transfusé.

[18] Il est vrai que sa condition est présentement stable. Connaissant les convictions religieuses des parents, l’équipe traitante a pris tous les moyens à sa disposition pour s’assurer que le taux d’hémoglobine de l’enfant demeure à des niveaux acceptables. Malgré ces précautions, le témoignage de Dre Tremblay établit que les nouveau-nés prématurés sont à fort risque d’une dégradation rapide de leur état. Des transfusions urgentes peuvent être requises, notamment en cas d’hémorragie active, d’une chirurgie ou d’une dégradation clinique associée à une anémie, une thrombopénie ou un trouble de coagulation.

[19] Conséquemment, la prépondérance de la preuve démontre que les soins proposés par le CHUQ sont requis par l’état de santé de X. 

[20] L’ordonnance est prononcée pour une période de quatre mois, ce qui correspond à la durée anticipée de l’hospitalisation de l’enfant.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[21] ABRÈGE les délais de signification et de présentation de la demande;

[22] ACCUEILLE la demande;

[23] ORDONNE l’anonymisation du présent jugement en cas de publication;

[24] AUTORISE le demandeur, par l’entremise de ses médecins et de son équipe traitante, à administrer à la personne de X, des transfusions de produits sanguins, à la fréquence et à la quantité qu’ils jugeront médicalement appropriées, et ce, pour une période de quatre (4) mois à compter du présent jugement;

[25] ORDONNE que le demandeur, par l’entremise de ses médecins et de son équipe traitante, minimise l’utilisation de produits sanguins sur la personne de X, et ce, à mesure où son état de santé le permet;

[26] ORDONNE au demandeur, par l’intermédiaire de ses médecins et de son équipe traitante, d’informer les défendeurs chaque fois qu’une transfusion de produits sanguins doit être administrée à la personne de X et de leur fournir toute explication raisonnable au sujet de cette procédure;

[27] ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement malgré appel;

[28] LE TOUT, sans frais de justice.



Ce n'est la première intervention de la justice canadienne devant ce type de situation. Ci-dessous une vidéo encore disponible, tirée des informations télévisées. 

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En guise de conclusion, une interrogation : le droit international et européen des droits de l'homme privilégie le droit à la vie, qui ne souffre, de même que l'interdiction de l'esclavage ou des traitements inhumains et dégradants, aucune dérogation. En revanche, la liberté de conscience est soumise à des limitations. Cela apparaît à la lecture de la Convention européenne des droits de l'homme comme à celle de la convention interaméricaine des droits de l'homme, à laquelle le Canada a souscrit.

Il nous semble que l'éthique la plus élémentaire devrait amener des parents à privilégier la vie de leur propre enfant, même s'ils sont confrontés à des prescriptions religieuses. Ce qui nous fait supposer que le sacrifice potentiel est accepté de la vie d'un enfant est le résultat d'un embrigadement subi dès la prime enfance. Ce qui nous amène à deux questions, en tant qu'humanistes et en tant que laïques attachés à la liberté de conscience, existe-t-il des outils pour contrecarrer l'embrigadement, notamment dans le cadre scolaire ? En second lieu, s'il semble difficile de dialoguer avec une personne déjà sous emprise, que faire ?

Précisons quand même que le droit français, en grande partie sinon dans sa totalité, est conscient des dommages occasionnés. Lorsqu'un malade est transfusé, l'établissement hospitalier est dégagé de toute responsabilité si les soignants ont tenté de dialoguer et si le risque était vital (CE, ordonnance du 12 aout 2002).

Des candidats à l'adoption peuvent se voir refuser l'agrément s'il s'avère qu'il ne feraient pas procéder à une transfusion en cas de danger (arrêt Frisetti  1992  Conseil d'État).

En 1985, l'association chrétienne des témoins de Jéhovah n'a pu bénéficier des dispositions favorables de loi de 1905 pour bénéficier de dons et legs (conclusions Michel Delon) ; l'arret était peu motivé mais les conclusions du Commissaire du Gouvernement étaient explicites sur l'atteinte à l'odre public social que constituait le refus de transfuser les mineurs. cette jurisprudence a été inversée 15 ans plus tard à l'occasion de contentieux relatif à l'exonération d'impôts locaux. (CE, 23 juin 2000). Pour le CLPS, la sauvegarde des droits fondamentaux, et notamment du droit à la vie, est un des piliers de l'ordre public. Rappelons s'il est encore nécessaire de le faire, que nous ne prônons ni la discrimination ni le mépris vis-à-vis des disciples des témoins de Jéhovah. Nous ne sommes que des modestes militants de la dignité humaine…


GK


association famille missionnaire DONUM DEI: appel interjeté par la partie perdante

 





Un militant du CLPS était présent dans la salle d'audience lors de la procédure en première instance devant le TGI d'Epinal; nous reviendrons vers vous dès que la Justice aura, suite à l'appel, rendu une décision définitive.