lundi 20 septembre 2021

la vaccination et les écoles Steiner, court extrait du livre de Mme Salvadori et M.VIGNAUD, que nous remercions pour leur autorisation de reproduction!

Nous avons rendu compte dans un précédent billet y a quelques mois du livre remarquable de Laurent Henri Vignaud et Françoise Salvadori sur le thème ANTIVAX. Il se fait que depuis, Monsieur Vignaud nous a fait le plaisir de nous donner une conférence en distanciel. Et les deux coauteurs du livre viennent de nous autoriser à reproduire le passage qu'ils ont consacré à l'anti vaccination au sein des écoles Steiner Waldorf. Pour plus de facilité, nous ferons suivre l'extrait du livre des liens nécessaires vers les documents évoqués. Nous renvoyons également au billet que nous avons consacré à la parution de l'ouvrage, que nous recommandons bien entendu à nos lecteurs.

Une précision : sur les réseaux sociaux, un internaute Steinerien à protesté, précisant que sa mouvance n'était pas anti vaccination. Afin de de couper court aux polémiques, nous rappelons que nous avons cité des extraits du site du Goetheanum favorables aux politiques vaccinales. Ce qui n'empêche que des réticences à la vaccination peuvent être observées dans des écoles Steiner ou encore que des appels à la désobéissance civile peuvent être lancés sur les réseaux sociaux contre les précautions sanitaires, appels agrémentés parfois de références au couvre-feu… de 1944. Nous avons constaté, et, conformément à nos habitudes, nous nous en tenons aux faits. Nous laissons nos lecteurs libres de se forger leur propre opinion sur cette contradiction, tout en rappelant que discuter sur des arguments n'implique nullement l'irrespect ni le mépris envers des individus.




Las, au printemps 2015,un groupe de jeunes alsaciens non vaccinés voyage à Berlin, ville où, les mouvements anti vaccinations sont très présents, reviennent avec le virus ; ils sont à l'origine d'une épidémie de plus de 200 cas, représentant les deux tiers des cas français de l'année 2015. (…)

Les limiers de la santé publique ont mené l'enquête sur le « patient zéro » de l'épidémie de rougeole de 2015 : on a vite trouvé que l'adolescent était scolarisé dans un établissement privé proche de Colmar, adhérent à la pédagogie Steiner. Et alors ? Des journalistes ont tendu leur micro à la sortie des classes : une mère avance que « la rougeole ça fait grandir les enfants », un père préfère « laisser la nature faire » et un autre se place sur un registre plus scientifique en affirmant que « les maladies infantiles permettent de renforcer les défenses immunitaires naturelles de l'enfant, c'est un choix aussi » ! L'école est rapidement fermée par les autorités compétentes puis mise en quarantaine, et n’y reviendront que les enfants vaccinés ou immunisés « naturellement » par le virus qui vient de les frapper. Plus de la moitié des enfants inscrits dans cette école n'étaient pas vaccinés contre la rougeole, même si beaucoup de parents, se pliant à la loi, avait assuré les trois vaccins alors obligatoires en France (diphtérie, tétanos et polio).

Rudolf Steiner, père de l'anthroposophie et de l'agriculture « biodynamique » actuellement très à la mode dans certains vignobles certifiés par le label Demeter, développa au début du siècle dernier une médecine d'inspiration homéopathique encore pratiquée par quelques milliers de médecins dans le monde, et fonda en 1921 la société Weleda qui fabrique et commercialise toujours avec succès des cosmétiques et médicaments élaborés selon une conception « tenant compte des correspondances profondes qui existent entre l'être humain et la nature ». Le mouvement pédagogique dit « Steiner Waldorf » créé en 1919 se porte plutôt bien. Développé surtout après la seconde guerre mondiale, son plus fort succès actuel s'observe en Allemagne et en Europe du Nord – environ 2500 élèves dans 22 établissements, créés pour la plupart dans les années 1950 – mais on compte le monde un millier d'écoles et près de 2000 jardins inspirés par cette pédagogie qui scolariseraient au total 250 000 élèves.

La « conscience écologique «  précocement »exprimée par Steiner est mise en application dans les écoles Waldorf par l'utilisation dans les classes de matériaux bruts et naturels (« qui ne trompent pas les sens ») , par la pratique du jardinage et d'activités liées à l'environnement ; les restaurants scolaires proposent des menus à larges dominantes végétariennes, certifiés en « biodynamie ». Sur les sites officiels vantant les écoles du mouvement Waldorf, les porte-parole de l'institution sont toutefois très prudents ; ils mettent en avant l'écoute individualisée et l'absence de contrainte permettant à chacun de découvrir son potentiel, l'expression artistique et corporelle, autant d'orientations pédagogiques partagées par tous les tenants de l'éducation nouvelle, et alléchantes pour les parents, mais la doctrine anthroposophique, fondement de l'enseignement, à laquelle les enseignants se doivent adhérer, n'est pas enseignée en classe, prétend-t-on. Sur la question du respect du calendrier vaccinal par le public, ils se montrent prudents également : ne souhaitant pas se démarquer officiellement et éventuellement sortir de la légalité, ils déclarent laisser ce choix aux familles. Malgré cette sagesse affichée, les écoles Waldorf ont été plus d'une fois, et pas seulement dans notre pays, épinglées par les autorités sanitaires éducatives : le non-respect des obligations ou recommandations vaccinales y est associé à davantage d'épidémies, et le niveau scolaire y a été jugé plus faible que la moyenne au Canada, en France, aux États-Unis, en particulier en sciences.

Il est très clair que la vaccination reste en opposition au principe même de l'anthrophosophie :on peut d'ailleurs lire sur un site officiel de l'organisation que l'immunisation « entre en conflit avec le développement karmique et cycles de la réincarnation ». Une maladie infantile telle que la rougeole y est décrite comme un rite de passage, une expérience par laquelle la personnalité de l'enfant s'affirmera, une étape qui le fera mûrir et devenir adulte. Les médecins anthroposophes pensent que la fièvre et l'inflammation observées lors de ces maladies aident l'organisme à éliminer ces composantes vieillies, à la croissance et au renouvellement du système immunitaire. Parmi les questions que le site suggère aux parents de poser lors des réunions à l'école, l'une interroge même la possibilité médicale d'annuler une vaccination, afin qu'un enfant puisse tirer bénéfice de contracter la maladie. On voit ici, dans cette théorie de l'épuration par la maladie, une résurgence d'un concept déjà utilisé contre la vaccine. Sur la même page du site Waldorf, on peut lire qu'en cas de complications graves, voire de décès de l'enfant, c'est que son destin est prédestiné, les parents ne porteront pas la faute de la perte de leur enfant suite à ce choix de non vaccination, puisque son destin était tracé… rien de neuf là non plus, puisque l'appel à la providence a été maintes fois repris par les antivax. À les entendre parler de « nature » et de « grandir par la maladie » à la sortie de l'école, on n'entend donc rien d'autre en 2015 chez ses parents de Colmar, que les préceptes bien compris de Steiner en matière de santé, préceptes eux-mêmes pas très nouveaux.

Une question se pose pour tenter de mieux cerner l'influence de ces écoles sur les parents : ceux qui décident d'inscrire leur enfant dans les écoles Steiner partagent-t-ils tous cette position anti vaccins, ou bien est-ce la fréquentation de ces écoles qui formatent leur opinion ? Dans un article paru en 2015, l'andropologue Elisa Sobo analyse en détail la culture sociale du refus et/ou du retard vaccinal dans la micro société des parents d'élèves d'une école Steiner californienne, choisie car le taux d'exemption à la vaccination pour « croyances personnelle » y est de 51 % (10 fois plus élevées que la moyenne des écoles privées de l'État). Elle montre bien les mécanismes sociaux qui font et soutiennent une norme culturelle renforçant le groupe. Les Parents Waldorf typiques ne vaccinent pas ; toutefois de nombreux parents précisent bien qu'ils n'ont pas choisi cette école pour ses conceptions en matière de santé mais bien pour la philosophie des valeurs qu'elle développe. Il y a un « penchant alternatif » à l'école, qui concerne autant les programmes et méthodes pédagogiques que ceux de la médecine officielle, mettant l'accent sur des vertus naturelles assez mal définies. Si une proportion supérieure à la moyenne des plus jeunes élèves manquait quelques vaccins lors de la première inscription, la fabrique sociale de l'école sert d'incubateur, et elle aboutit à ses taux d'exemption extraordinairement élevés renforçant les stéréotypes anti vaccinations. Ils augmentent ainsi avec le temps de fréquentation d'une famille, le nombre de ses enfants inscrits, ainsi qu'avec le nombre de personnes « anti » méfiantes dans le réseau parental. L'hésitation vaccinale est ici marque d'une indépendance d'esprit, part importante de l'identité communautaire Waldorfienne, mais au sein d'une communauté dans laquelle il est difficile de contrevenir à la norme sans menacer son appartenance au groupe ; c'est une distinction aussi. Cette étude est un éclairage sur une école particulière américaine ; toutefois, une forte implication dans la vie de l'école semble se confirmer d'ailleurs, tels ces parents français mis à contribution pour la construction des bâtiments, ou le ménage. L'école tend à se substituer à la famille dans ses missions éducatives, renforçant les liens entre les parents qui y adhèrent. L'équipe pédagogique devient une famille élargie comme très protectrice en elle-même face a un monde extérieur hostile, décadent, et surtout prendre. Dans ces conditions, la forte identité communautaire est propice à influencer des choix en matière de santé par exemple, ce qui fait craindre un certain penchant à la dérive sectaire de la part de ces groupes. 

 

NOTRE BILLET LORS DE LA PARUTION DU LIVRE 

retrouver les reportages mentionnés. 



 

 

 LA CONFERENCE DE M.VIGNAUD (rappel)

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