vendredi 15 octobre 2021

début 2020, fermeture de facto de l'école démocratique LE CARRE LIBRE de Quimper

Dans notre précédent billet, nous avons tenté d'expliquer le mécanisme administratif, les textes qui permettaient à l'administration de mettre fin à l'activité d'une école hors contrat qui ne satisfaisait pas à ses obligations réglementaires. Nous avons évoqué à plusieurs reprises les écoles démocratiques. Nous avons vu que l'une d'elles, dans le département de l'Isère, avait été fermée. Or une autre école démocratique a dû cesser ses activités au tout début de l'année 2020. Le recteur avait adressé aux parents qui scolarisaient leurs enfants dans cette école un courrier par lequel il les enjoignait de les inscrire dans un établissement qui répondait aux conditions.

Les parents s'étaient pourvus devant le juge administratif, et le tribunal administratif de Rennes confirma la décision de l'autorité académique par un jugement en date du 7 janvier 2020. Ce jugement est très long, et c'est pourquoi nous ne le reproduisons pas intégralement sur ce billet. Toutefois, nous le mettons ici en lien afin que les lecteurs qui souhaiteraient en prendre connaissance dans son intégralité puissent le faire. Nous en donnons ci-dessous des extraits significatifs. Il est d'abord relevé que l'établissement, affilié au réseau des écoles démocratiques, pratique une pédagogie particulière fondée sur l’idée selon laquelle l’enfant doit être l’acteur de son apprentissage.

Contrairement à l'école démocratique qui a été fermée en Isère, nous n'avons pas trouvé de promotion du « carré libre » dans la littérature des colibris. En revanche, le magazine KAIZEN fondé par Cyril Dion présente sur son site une pétition en faveur d'un changement total de perspective dans l'éducation de l'enfance et de la jeunesse. Ce texte est signé par des représentants de l'instruction en famille, et par nombre de responsables d'écoles démocratiques dont une responsable du carré libre. Il est également signé par Cyril Dion lui-même ainsi que par Sophie Rabhi-Bouquet, qui avait d'ailleurs affilié « la ferme des enfants » qui se trouvent sur le domaine de son père, au réseau des écoles démocratiques. Il semble donc qu'il y ait une proximité entre le réseau qui se trouve dans le sillage de Pierre Rabhi et l'ensemble des écoles démocratiques.

L’école le carré libre ne mettait pas à la disposition des personnels d’inspection des traces écrites suffisantes  permettant de suivre la progression des élèves.

Voici maintenant des extraits de ce jugement du tribunal administratif qui éclaireront sur les fermetures d'écoles démocratiques.

L’établissement d’enseignement privé hors contrat Le Carré Libre, (...)à Quimper, a fait l’objet d’une inspection pédagogique le 28 janvier 2019. À l’issue de cette inspection, par décision du 1er mars 2019, le recteur de l’académie de Rennes a mis en demeure la directrice de cet établissement de faire part, dans un délai de deux mois, de ses explications sur les manquements constatés, notamment relativement à l’instruction obligatoire, et précisé qu’une nouvelle inspection vérifierait à l’issue de ce délai les améliorations qui auront été effectivement apportées. Une nouvelle inspection a ainsi eu lieu le 24 mai 2019 à l’issue de laquelle le rapport d’inspection établi le 27 mai 2019 a constaté la persistance de manquements à l’instruction obligatoire. Après avoir demandé par courrier du 16 juillet 2019 à la directrice de l’établissement de lui faire part de ses explications sur ces constats, il a, par décision du 3 septembre 2019, accordé un ultime délai de trois mois à cette directrice pour qu’elle puisse produire aux inspecteurs, lors d’un dernier contrôle, les traces d’apprentissage leur permettant de constater que l’établissement met ses élèves en mesure d’acquérir jusqu’à l’âge de seize ans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. À l’issue de la dernière inspection du 13 décembre 2019 et au vu du rapport émis par les inspecteurs le 17 décembre 2019, le recteur de l’académie de Rennes a, le même jour, avisé le procureur de la République des carences de l’établissement et adressé aux parents d’élèves, dont font partie M. et Mme C..., une mise en demeure d’inscrire leurs enfants dans un autre établissement.



Dans ces conditions, s’il est loisible aux établissements privés hors contrat de choisir tant leurs rythmes d’éducation que leurs méthodes pédagogiques afin de mettre leurs élèves en mesure d’acquérir, à l’issue de leur période de scolarité obligatoire, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, ces rythmes comme ces méthodes ou la manière de les appliquer ne doivent ni, d’une part, conduire ces établissements à ne pas mettre en mesure leurs élèves d’acquérir ledit socle, ni, d’autre part, faire obstacle à la possibilité pour l’autorité de l’État compétente de déterminer, dans le cadre d’un contrôle, si les établissements en cause respectent l’objet et le contenu de l’enseignement obligatoire



En troisième lieu, si les rythmes de l’établissement peuvent conduire à l’absence de linéarité des apprentissages, ils ne peuvent conduire à l’absence de progressivité sans faire obstacle à la possibilité pour les élèves d’acquérir à seize ans le socle commun, alors que le domaine principal de ce socle s’acquière nécessairement dans la durée. Ainsi, en exigeant de pouvoir contrôler par des traces suffisantes la progressivité des apprentissages dispensés dans l’établissement, conformément aux exigences des articles R. 131-12 et R. 131-13 du code de l’éducation, le recteur ne semble pas pouvoir être regardé comme ayant exigé de l’établissement en cause qu’il suive le rythme d’enseignement imposé dans les écoles publiques. À ce titre, il apparaît que les différents éléments des cycles d’apprentissage fixés par voie réglementaire, au demeurant employés par l’établissement pour la constitution de ses livrets de compétence, ont été utilisés par les inspecteurs, dans le cadre de l’article R. 131-13, comme une simple référence pour apprécier, à défaut de disposer des traces exigées, la progressivité des apprentissages des élèves et n’ont donc pas été imposés à l’établissement. Par suite, en l’état de l’instruction, le moyen tiré de l’erreur de droit commise par le recteur pour avoir imposé les rythmes de l’école publique n’est pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du constat opéré par le recteur sur la capacité de l’établissement en cause à permettre à ses élèves d’acquérir à seize ans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. En dernier lieu, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, que le recteur de l’académie de Rennes ne se soit pas fondé sur un refus de la directrice d’améliorer la situation de l’établissement pour décider d’aviser le procureur de la République et d’adresser la mise en demeure contestée. Par suite, le moyen tiré de l’erreur de droit commise par le recteur pour n’avoir pas constaté un refus de la directrice de l’établissement n’est pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la mise en demeure attaquée.


 

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