Visite
non autorisée au coeur des Jéhovah
CL
s'est invité discrètement à une assemblée de l'organisation
controversée des Témoins de Jéhovah. 4.500 personnes avaient fait
le déplacement ce week-end à Angoulême
Une
voix magnétique dans un silence de cathédrale. Celle du type en
chemise, au loin sur l'estrade. Sous le ciel noir imposé par le
plafond, la foule assise ne voit que lui. 4 500 visages aimantés par
un discours fleuve et presque indifférents à cette scène étrange,
samedi après-midi, au milieu de la salle. Une douzaine de personnes,
en cercle, qui tiennent un drap blanc et dissimulent quelqu'un,
allongé sur le sol. Un arrêt cardiaque.
Ce
week-end, venus de tout le sud-ouest, les Témoins de Jéhovah
étaient à Angoulême, dans les rues du centre-ville, dans les
grandes surfaces, mais surtout, pendant trois jours, en assemblée à
l'espace Carat.
Pour
s'approcher, deux options. Le verrou poli, mais absolument
hermétique, du service de communication. Ou la chance, le pas franc
et la chemise rentrée dans le pantalon, avec une réponse pour
convaincre les gars de la sécurité: «Je
viens pour écouter. C'est mon coeur qui m'a conduit ici».
Dans
la salle comble, aucun décor particulier. Aucun signe religieux.
Rien de rien, sauf cette banderole, sur le podium: «Préserve
ton coeur !». Sur le
badge que chacun doit porter, avec son nom et sa ville, les mêmes
mots: «Préserve ton
coeur !». Tout le
monde écoute l'homme au micro, seul sur la scène. Il parle
lentement, d'une voix agréable, du ministère chrétien et de
nonchalance, du vent de la trahison et d'adultère.
Les
pompiers arrivent, mais le discours se poursuit. Derrière le drap,
ils interviennent. Ce coeur-là n'aura lâché que quelques secondes.
Des mots résonnent depuis la scène. «Sa
nonchalance spirituelle l'a rapproché du Diable».
Le
public n'a rien d'atypique. Pas de signes extérieurs de marginalité
ou de folklore bigot. Il y a des jeunes femmes en jupes, des gosses
encore en couches, bien sûr une majorité de retraités avec des
bibles. Et puis ces hommes en costard crème, qui circulent entre les
rangs avec leur talkie et une allure paradoxale de mafieux sans vice,
d'hommes de mains victime d'arthrose.
Avec
son illusion d'apparente normalité, l'assemblée rappelle ces
congrès d'actionnaires qu'on voit parfois. Ce n'est pas une vue de
l'esprit. Les Témoins de Jehovah sont, à quelques détails près,
une multinationale, Watchtower, dont le siège mondial se trouve à
New York.
Un
autre homme a pris le micro. Le sujet de son intervention: «Le
service à plein-temps, c'est bon pour le coeur».
Traduction: faire du porte à porte ou une autre activité au service
de la société Jéhovah et ses filiales amène à la «vie
éternelle».
Sur
l'estrade, Justine vient témoigner.
-
Depuis petite, j'ai toujours été passionnée par les chevaux. Cela
m'empêchait d'offrir un coeur complet à Jéhovah.
-
Tu as pris des mesures radicales ?
-
J'ai tout arrêté.
Même
topo avec Jean-Pierre, un retraité qui a diminué le bricolage pour
«garder une bonne
relation avec Jéhovah».
Invités
à abréger leurs études et à se dérober si possible aux métiers
profanes, en résumé, n'être plus que les «compagnons
de travail de Jéhovah»,
les Témoins sont surtout incités à se méfier des autres. Des
autres, de la philosophie et des vaccinations, des transfusions
sanguines et des «oeuvres
de la chair».
Une
mécanique d'isolation sociale
Avant
d'aller taper à votre porte, les Témoins de Jéhovah sont priés de
balayer devant la leur. «Jeune,
tes seuls amis sont Jéhovah et ceux qui le servent»,
répète l'homme au micro, qui vitupère camarades de classes et
autres «stupides»
(sic) partisans de
l'évolution, «cette
conception tordue», ou
«amis du diable»
qui pensent que «l"homosexualité
est un mode de vie comme les autres».
Toute
une mécanique d'isolation sociale qui est le fonds commerce de
l'organisation. Une rhétorique parfois grossière vue de dehors,
témoin sans être Témoin, mais qui semble fonctionner à merveille
sur ce «peuple de
Jéhovah» estimé à
un millier de membres en Charente.
Les
manifestations de masse, comme celle de Carat ce week-end, sont le
prix de ce recrutement permanent. Une manière de rassembler les
fidèles avant de les éparpiller dans les rues et les couloirs
d'immeubles, en mission d'évangélisation. Une vieille logique de
parti politique selon laquelle persuader les autres est la meilleure
manière de se persuader soi-même.
Sur
la scène, avant de conclure l'après-midi, un intervenant présente
un DVD pour «inculquer
la parole de Dieu dans les petits coeurs».
«Vous allez être
scotché, promet-il.
Si vous connaissez les
studios d'animation Pixar, c'est de ce niveau-là».
Les
Témoins de Jéhovah savent aussi vivre avec leur temps. Et prendre
le meilleur d'un monde dont ils tentent pourtant de s'arracher. Un
monde dont ils ont souvent prédit la fin, toujours imminente.
La
dernière fois, l'apocalypse (Armageddon) était prévue pour l'année
1975. D'après nos informations, elle n'aurait eu lieu qu'à
l'intérieur de l'organisation: déçus de ne pas voir des boules de
feux fondre sur leurs têtes, 500 000 Témoins avaient alors quitté
le mouvement.
Lien ICI vers l'article de CHARENTE LIBRE sur le site du journal avec les illustrations et la discussion sur le forum.
Lien ICI vers l'article de CHARENTE LIBRE sur le site du journal avec les illustrations et la discussion sur le forum.
Bonjour,
RépondreSupprimerLes Témoins de Jéhovah ne vivent pas en communauté : ils passent 8h par jour avec des collègues de travail qui ne sont pas Témoins de Jéhovah. De plus, leurs enfants sont scolarisés à l'école publique et fréquentent l'université. On ne peut donc pas parler de "mécanique d'isolation sociale" les concernant.
Amicalement,
Jacques