Recherche
sur l'enseignement catholique hors contrat, à partir de nos propres
recherches et de l'enquête du comité national d'action laïque
Le
CLPS avait commencé à s'intéresser à l'enseignement hors contrat
à la suite d'un signalement fait par un sympathisant. Nous avions
alors saisi l'inspecteur d'académie qui nous avait répondu
brièvement que l'école répondait aux objectifs que la loi et la
réglementation fixaient. C'est ainsi que nous avons découvert le
réseau des établissements de la Fraternité Saint Pie X. De manière
tout a fait fortuite, un reportage sur une chaîne régionale avait
mis en évidence des dysfonctionnements de cette même école et
révélé quelques phrases d'un rapport d'inspection. Nous avions
alors, en nous référant à la loi de 1978 sur la communication des
documents administratifs, demandé
à la même administration communication de ce rapport d'inspection.
Devant un refus qui ne nous semblait pas étayé juridiquement, nous
avions saisi la commission d'accès aux documents administratifs qui
avait conclu à la communicabilité de ce rapport. C'était la
première fois que nous la saisissions, et ses avis ont toujours été
constants. L'inspecteur d'académie s'était alors plié à la
décision de l'autorité administrative indépendante et nous avait
communiqué le rapport demandé.
Une
précision : lorsque nous
citerons la synthèse du comité national action laïque (comme
d'ailleurs les résultats de notre enquête) nous ne ferons que
refléter les constatations opérées par les personnels
d'inspection. Ces comptes-rendus ne seront nullement un reflet d'une
appréciation, que
ce soit du CNAL ou
de notre association.
Sa
lecture avait révélé un enseignement proche de l'extrême droite.
Cependant,
les enseignants qui le dispensaient s'astreignaient à ne faire
aucune allusion de nature raciste ou antisémite de manière à ne
pas tomber sous le coup de la loi. L'enseignement était écrit comme
« pétainiste ». En substance, le rédacteur du rapport
d'inspection concluait que si le fonctionnement de l'école n'était
pas celui d'une secte, il relevait d'une certaine façon du
sectarisme. Mais il notait un enseignement sérieux (il n'est pas
dans nos habitudes de noircir systématiquement les tableaux),
surtout littéraire, qui reposait sur la lecture de grands auteurs
(choisis pour des raisons idéologiques) dans le texte, sans appareil
critique.
Dans
une autre école, les fonctionnaires chargés de l'inspecter
déploraient
un déséquilibre entre l'apprentissage des droits et celui des
devoirs, hypertrophié pour ce qui concerne ce dernier. Cette
insistance sur les devoirs aurait
été révélatrice d'une volonté,
non pas de stimuler l'esprit critique des élèves, mais de les
soumettre. Les méthodes pédagogiques étaient
vues comme passéistes. Toutefois,
dans cette même école, ni vexations ni brimades n’étaient
relevées.
Nous
avions également une série de rapports, quelque peu anciens, d'une
autre école sur laquelle nous ne nous étendrons pas, car elle est
maintenant fermée. Des brimades étaient alors relevées, telles
que le bonnet d'âne.
Une
dernière école, dont nous avions une suite conséquente de rapports
d'inspection, ne relevait pas de manquement grave et l'inspecteur
chargé de la visiter concluait en relevant la conformité de
l'enseignement dispensé avec les textes réglementaires en vigueur :
l'école apportait selon lui
aux élèves les connaissances requises par les textes, et
même si des observations ont été
faites, elle n'appelaient pas à la constatation de manquements
graves.
Il
y a de cela peu de temps, du fait que les rapports de
en notre possession
étaient déjà quelque peu anciens, nous avons envoyé à plusieurs
instances administratives des demandes similaires. Nous avons obtenu
peu de réponses et encore, elles étaient loin de nous satisfaire :
il nous était chaque fois répondu (coïncidence ou concertation
nous n'avons aucun moyen de l'affirmer
ou de le nier le savoir)
que la procédure n'était pas terminée.
Aussi
devrons-nous sans doute relancer cette enquête. Si on compare les
résultats que nous avons obtenus avec ceux que le comité national
d'action laïque a pu avoir suite à sa récente enquête, y a-t-il
eu une évolution, notamment suite aux inspections, ou bien
l'enseignement dispensé au sein
des établissements intégristes catholiques reste-t-il égal à
lui-même ?
Le
comité national d'action laïque relève tout d'abord des
défaillances en matière de contrôle du respect de l'obligation
vaccinale. Madame Lucie Guimier en avait fait un objet d'enquête.
(rapport
MIVILUDES 2016, p.115s.)
Les
extraits cités par
le CNAL font
apparaître une pédagogie par l'obéissance plus que par
l'appropriation des
connaissances. Peu d'échanges entre élèves, peu de recours à la
réflexion personnelle, des jugements dévalorisants à l'encontre
d'enfants en difficulté, un enseignement très traditionnel. Nous ne
relevons pas d'évolution majeure en ce domaine si l'on compare à la
majorité des documents que nous avions obtenus. Les manuels sont
obsolètes, et favorisent
plus un apprentissage automatique que la compréhension, notamment du
monde contemporain. Des carences sont également soulignées en
matière d'éducation physique et sportive. Notamment, la natation
est très peu enseignée. Graves lacunes également en matière
d'éducation à la sexualité, dans la transmission des savoirs en
matière de maladies sexuellement transmissibles ou de contraception.
Le
comité national d'action laïque relève également que l'initiation
aux valeurs civiques et sociales se fait par le biais de
l'instruction religieuse. Il ne fournit qu'un seul exemple, mais qui
conforte ce que nous avions perçus à la lecture des rapports que
nous avons reçus et qui concernaient la décennie précédente. À
travers quelques exemples, il est également noté que la formation
au numérique, à l'analyse critique de la presse, permettant aux
jeunes de se forger son
leur opinion
personnelle, relèvent des tâches parentales.
Enfin,
un certain nombre de manquements seraient
à déplorer, dont l'énoncé confirme ce que nous avions nous-mêmes
ressentis lors de notre précédente recherche. Ainsi,
selon le CNAL, les sciences sont
négligées, et notamment les sciences dures, au profit des lettres.
L'enseignement de l'histoire est imprégné de religion. Il a été
observé également des silences et des omissions sur le rôle du
gouvernement de Vichy dans le génocide des juifs. Ou encore
l'assimilation des Lumières à un complot. L'enseignement de la
géographie peut aussi permettre de se
survaloriser l'idée de race, ce qui pourrait induire le
racialisme.
Il
convient quand même d'opérer une distinction : la fraternité Saint
Pie X est issue de la scission initiée par Mgr Lefebvre, et qui
avait mené, alors qu'à l'époque l'église se modernisait et se
libéralisait avec le concile Vatican II, à la création d'une
dissidence proche de l'extrême droite. Il suffit pour cela de se
reporter à un film, « Au nom des fils », qui relate le procès de
l'abbé Cottard. Responsable des « scouts marins », ce dernier
avait été jugé suite à la noyade de plusieurs enfants, un jour de
tempête, et du décès d'un plaisancier venu à leur secours. Les
parents avaient refusé de porter plainte, et lui-même été
l'aumônier de l'école de Mantes-la-Jolie, gérée par la fraternité
Saint Pie X. Les déviances constatées autour de ladite fraternité
n'engagent donc en rien l'église catholique dont, malgré des
tentatives de rapprochement avortées, elle est restée totalement
indépendante. Rappelons les propos tenus par Mgr Williamson, évêque
au sein de cette dissidence, propos
qui relevaient
du négationnisme. (arrêt de
la CEDH 31/01/2019)
D'autres
groupes se sont formés, mais ne sont pas pour autant séparés de
l'église catholique, ils conservent une certaine autonomie, mais
n'ont pas désiré en quitter le giron. Parmi eux, la fraternité
Saint-Pierre, qui conserve la messe en latin, le port de la soutane,
ans pour autant entrer en dissidence. Nous avons obtenu trois
rapports d'inspection. Ils
nous semblaient s'attarder surtout sur les conditions matérielles de
l'accueil des élèves, ans entrer dans le vif du sujet des méthodes
pédagogiques. Le seul rapport qui reflétait la pédagogie était
extrêmement laconique. Voici maintenant ce que le comité national
d'action laïque laisse percevoir des écoles catholiques hors
contrat hors de la fraternité Saint Pie X. On peut penser que
certaines d'entre elles dépendent de la fraternité Saint-Pierre :
mais comme nos amis ont observé les mêmes règles de prudence que
celle auxquelles nous nous sommes astreints, les établissements ne
sont pas mentionnés. Voici donc leurs observations :
Les
rapports qu'il a obtenus, grosso modo, remontaient aux années 2010,
alors que ceux dont nous disposons ont été rédigés pendant les
années 2000, et plutôt à la fin, pendant la décennie précédente.
Il
n'y est pas question de maltraitance. Mais en croisant des extraits
cités à propos de plusieurs établissements, on arrive à quelques
constatations : les enseignements visent plus à des apprentissages
qu'à la formation de la réflexion et de l'esprit critique. Dans un
cas, il est précisé que les enfants savent lire mais sans vraiment
comprendre ce qu'ils lisent ; il y a une insuffisance nette dans la
transmission des valeurs de la République et des idéaux de
démocratie et de droits de l'homme. Il n'y a pas de contact avec
l'actualité, la presse n'est pas objet d'enseignement. Les
enseignements scientifiques et artistiques ne sont pas satisfaisants.
Conclusion
générale
Dix
ans après la lecture des rapports d'inspection en
notre possession, la synthèse du
comité national action laïque concernant les écoles de la
fraternité Saint Pie X ne nous semble pas révéler d'évolution
majeure. Mais pour cela il faudrait que nous puissions comparer les
rapports eux-mêmes… Si nous n'avons pu obtenir plus de rapports
récents
en ce qui
nous concerne, c'est avant tout du fait de la méfiance de
l'administration, méfiance que nous estimons imméritée. Un
journaliste écrivant sur
le sujet a déploré
publiquement que nous n'ayons pas
accédé à sa demande de Aussi
nous étonnons-nous beaucoup du mutisme de l’administration. Notre
philosophie intègre la défense du service public, alors pourquoi
ledit service public est-il si réticent, alors que la «
jurisprudence » de la commission d'accès aux documents
administratifs a toujours estimé que la communication des rapports
d'inspection est une obligation légale ?