Ce témoignage nous semble intéressant. Nous nous faisons un devoir de le publier, non pas que nous portions un jugement global sur la sophrologie, mais parce que nous percevons dans ce vécu la dérive qui guette nombre de charlatans, voire de professionnels: que la relation professionnelle ou thérapeutique se transforme en immixtion, en intrusion dans la vraie vie.
Témoignage
sur la sophrologie
Je
consultais régulièrement un médecin homéopathe et acupuncteur,
rencontré via des amis communs. Un jour, dans sa salle d'attente,
pour patienter, je lis un document de présentation de la formation
en sophrologie qu'il dispense au sein de son école, créée sous la
forme d'une association.
Lors
de la consultation, je lui pose quelques questions. Je suis un peu
méfiant, tout en me disant que la démarche pourrait intéresser mon
épouse : au foyer depuis plusieurs années, elle souhaite
reprendre une activité professionnelle, mais semble vouloir éviter
retourner dans une profession commerciale, dont elle ne partage plus
les valeurs.
Elle
aimerait aider les autres, mais sans savoir comment.
Je
suis toutefois méfiant quant aux dérives sectaires. J'en parle
directement à cet ami – médecin. Il est habitué à cette
méfiance et n'est pas choqué par la question. Il insiste sur le
libre arbitre et sur le fait qu'il ne faut pas faire n'importe quoi
avec la sophrologie. Il me parle d'une charte, me met en garde contre
les sophrologues non caycédiens, qui, selon lui, vont à l'encontre
de cette charte déontologique.
Il
me parle même d'une sophrologue de la région qui aurait conduit une
de ses clientes au suicide. Son association -école se serait portée
partie civile, afin de montrer sa distance par rapport à ces
pratiques.
Cet
argument me rassure : il me semble alors que la démarche est
nourrie par une vraie éthique.
Je
rapporte la documentation à mon épouse. D'abord réticente, mon
épouse est de plus en plus en plus intéressée au fur et à mesure
où elle en discute avec ce médecin. Elle s'inscrit à la formation.
Cette
formation dure deux an. Elle débouche sur un diplôme de sophrologue
caycédien. Un diplôme qui n'a alors aucune valeur ; depuis les
sophrologues français ont réussi à faire inscrire ce diplôme au
RNCP (registre national des certifications professionnelles) et
délivrent un titre professionnel de sophrologie de niveau III
(équivalent bac+2).
La
formation se déroule à raison d'une journée de formation par
mois ; les heures « d’entraînement » à la maison
sont comptabilisées comme des heures de formation. Le futur diplômé
doit présenté un mémoire de fin d'études, soutenu en public,
devant les autres stagiaires (la « fête de l'école »).
Mon
épouse débute la formation. Elle vit au départ très difficilement
la séparation durant un samedi entier de notre cocon familial et
l'éloignement avec nos filles. Mais ce malaise est vite remplacé
par un autre : elle revient de ces journée de formation très
perturbée. Un jour, elle me confie même avoir fait un malaise avec
perte de connaissance. Je m'inquiète de plus en plus et lui suggère
d'abandonner. Elle refuse, car elle pense que cette formation lui
permet de résoudre des problèmes de fond, liés à plusieurs
traumatisme (enfant non désirée, maltraitée, viol ; par un
ami de son père).
Elle
achève sa formation et semble épanouie ; je suis un peu
rassuré.
Cependant,
elle décide de poursuivre en s'inscrivant à l'école de sophrologie
caycédienne désormais gérée par la fille du fondateur de la
discipline. Cette école est installée à Andorre, paradis fiscal.
Cela me rend méfiant. Pour me rassurer, lors de la première
formation, elle emmène ma mère et mes filles. Et ça marche.
Cependant,
lors de ses séjours suivants, elle devient différente. Lorsque nous
nous téléphonons, elle semble absente, ailleurs. De retour à la
maison, elle semble éteinte. Aujourd'hui, j'ai coutume de dire que
c'est un peu comme si on lui avait dit : « Vous êtes
malheureuse, vous devez tout changer, quitte à renverser la table ».
C'est
ce qu'elle a fini par faire : ce qu'elle considérait comme lui
plus précieux, à savoir notre famille et notre couple, lui a semblé
être une prison. Dans cette inversion de valeurs, ses parents
maltraitants ont désormais toutes les excuses.
Bref,
cette formation de deux ans à Andorre l'a transfigurée, mais au
détriment de notre socle familial. Cette formation débouche sur un
« master en sophrologie caycédienne ». Master qui,
faut-il le préciser, n'a aucune valeur en France.
Cela
ne lui suffit pas : elle décide de suivre une formation
complémentaire en « sophrologie ludique », dispensée
par un couple suisse. Elle s'intéresse alors aux enfants dits
« précoces » et propose cette méthode pour les aider.
Elle voit commence à intervenir dans des écoles, des collèges pour
gérer le stress des ados et/ou leur hyper activité. Pour elle,
l'échec scolaire n'existe pas : ce sont tous des enfants
précoces non diagnostiqués. Nos filles, qui ne sont pourtant pas en
échec scolaire, seraient elles-mêmes des enfants précoces. Et
elle-même, parce qu'elle se sent différente, est une enfant précoce
qui n'a pas été identifiés.
Et
tout cela doit se solutionner par la sophrologie, notamment la
sophrologie ludique.
Mon,
épouse décide alors de donner la priorité à toutes ses
aspirations. Elle se lève avant l'aurore pour profiter du lever de
soleil, randonne par tout temps et se donne des objectifs sportifs :
la sophrologie doit lui permettre de se dépasser.
Bref,
elle prend de plus en plus de distance vis-à-vis de notre foyer, et
comme je ne la suis pas dans cette démarche, elle finit par décider
de divorcer.
Aujourd'hui,
je serais tenté de dire qu'elle a été entraînée dans une
mécanique qui a fait lentement, mais sûrement son œuvre.
La
sophrologie part du principe que ses adeptes sont victimes de
déséquilibres qui nuisent à leur équilibre ou à leur santé et
les invite à se débarrasser. Ses déséquilibres sont, selon les
cas, la famille, l'environnement professionnel, le cadre social. La
sophrologie est présentée alors comme une solution miracle pour y
apporter une solution. Elle est censée affranchir l'adepte de ses
carcans et lui apporter une liberté alors qu'elle propose un
enfermement, puisque la sophrologie devient le filtre de tout
raisonnement de la vie, voir de la vie quotidienne). Sans se
préoccuper des causes profondes des malaises, qui, parfois, relèvent
de la psychologie clinique. En cela, elle jour aux
apprentis-sorciers.
La
formation au master est divisée en plusieurs degrés, qui
s'éloignent de plus en plus des techniques de relaxation des
premiers degrés. Peu à peu, cette formation se prétend de plus en
plus comme philosophique, voire spirituelle. Elle pose la
phénoménologie comme la clé de l'existence.
Il
faut savoir aussi que l'école d'Andorre fonctionne comme une
franchise. Elle autorise la création d'écoles de sophrologie
caycédienne (terme déposé) sous réserve de remplir un cahier des
charges et de payer une cotisation. Les directeurs de ces écoles
doivent suivre des « séminaires d'actualisation » tous
les deux ans, sous peine de perdre leur accréditation.
Les
sophrologues français sont en conflit avec l'école d'Andorre et lui
reprochent d'être devenue trop commerciale. Ils s'enorgueillissent
sur leur site d'avoir perdu un procès sur l'usage du terme de
sophrologue caycédien contre l'école d'Andorre au tribunal de
commerce de Paris : pour eux , cela confirme leurs
accusation de dérive commerciale.
Ils
ont choisi une autre voie ; celle de la reconnaissance au
registre des certifications professionnelle, auquel j'ai fait
référence plus haut. Leur stratégie est d'obtenir une
reconnaissance par la voie de la formation.
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