Formulaire de contact

Nom

E-mail *

Message *

Rechercher dans ce blog

jeudi 15 décembre 2022

Actualisation de la jurisprudence concernant les Témoins de Jéhovah à la lumière d’un podcast du Ministère de l’Intérieur

 

Dans les années qui suivirent la création du CCMM, devenu centre Roger Ikor à la mort de son fondateur, l'association obtint une subvention destinée à l'édition d'un opuscule de mise en garde contre ce qu'on appelait à l'époque les « sectes ». L'Eglise de scientologie avait choisi non pas de poursuivre l'association sur le fondement du droit de la presse, mais de mettre en cause devant le juge administratif le principe de ladite subvention, lequel était à ses yeux attentatoire à la neutralité de l'État.



Saisi en première instance, le tribunal administratif de Paris dans son arrêt Eglise de scientologie contre État en date du 12 février 1987, s'était rendu aux arguments de l'administration : « aucun texte législatif ou réglementaire n'interdisait d'accorder une subvention à une association laïque régulièrement déclarée poursuivant un but d'intérêt général consistant à participer à la protection de l'être humain et à s'opposer à toute action collective ou individuelle tendant par quelque moyen que ce soit, à asservir les individus et en particulier les jeunes ». Ce jugement fut confirmé par le Conseil d'État. Les juges du Palais-Royal, le 17 avril 1992 se sont refusés à donner à l'église requérante satisfaction au vu des « risques que peuvent présenter, notamment pour les jeunes, les pratiques de certains organismes communément appelés « sectes » et alors même que certains de ces mouvements prétendent poursuivre également un but religieux ».

Une formule qui fera date et sera reprise dans plusieurs décisions judiciaires en matière administrative. Récemment, un podcast du ministère de l'intérieur réunissait Monsieur Nicolas Jacquette, élevé par ses parents au sein des témoins de Jéhovah et qui, jeune encore, avait pris le parti de recouvrer ce qu'il ressentait comme sa liberté, et Monsieur le Préfet Gravel, qui dirige le Centre interministériel de prévention de la délinquance et la radicalisation. Monsieur Jacquette évoquait les péripéties judiciaires auxquelles il avait été confronté. La mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires avait contesté la mise en ligne de la présentation de son ouvrage, (Nicolas, 25 ans, rescapé des témoins de Jéhovah) sur son site Internet.





Hormis les procédures d'urgence, un Conseiller d'État, le rapporteur public, présente à la haute assemblée, à l'audience, des conclusions, à savoir une présentation juridique du dossier et une argumentation afin d'aider le Conseil à décider. Nous avons obtenu communication desdites conclusions. Nous ne pouvons légalement pas vous les soumettre dans leur intégralité, car elles sont régies par le droit de propriété intellectuelle, aussi nous ne pouvons qu'en extirper de courtes citations de manière à étayer notre argumentation.

Il faut effectivement admettre que la présentation « accrocheuse » qui est faite du témoignage de Nicolas Jacquette par la 4ème de couverture peut suffire à jeter le discrédit sur ces familles, l’effet étant renforcé par la sanction que l’administration a donné à ce témoignage en lui faisant de la publicité sur son site internet.

Vous avez reconnu à plusieurs reprises qu’eu égard aux risques que peuvent présenter les pratiques de certains organismes à caractère sectaire, l’administration pouvait, sans violer les principes de neutralité, de laïcité ni porter atteinte à la liberté religieuse, prendre les mesures pour informer le public sur ces dérives et améliorer l’efficacité de l’action préventive et répressive .

La Cour européenne des droits de l’homme admet elle aussi que la lutte contre les dérives sectaires puisse constituer un but d’intérêt général justifiant des ingérences dans la liberté religieuse, du moment que la mesure en cause est nécessaire et proportionnée au but poursuivi : car le « prosélytisme abusif » constitue selon la Cour « la corruption ou la déformation » du témoignage religieux, et ne respecte pas lui-même la liberté de pensée, de conscience et de religion .

Le 7 août 2008, le Conseil d'État rendait son arrêt, la mission interministérielle n'était pas tenue de retirer la mention du livre de Monsieur Jacquette de son site.

Considérant, en premier lieu, qu'eu égard aux risques que peuvent présenter les pratiques de certains organismes susceptibles de conduire à des dérives sectaires, alors même que ces mouvements se présentent comme poursuivant un but religieux, la décision par laquelle la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, conformément à la mission d'information du public qui lui a été confiée par les dispositions précitées de l'article 1er du décret du 28 novembre 2002 se borne, sans y adjoindre aucun commentaire, à signaler sous l'intitulé Témoignage dans la rubrique Bibliographie de son site Internet les références d'un ouvrage relatant le témoignage d'un ancien membre des témoins de Jéhovah ainsi que la reproduction de la 4ème de couverture de l'ouvrage, illustrée d'une photographie de la page de couverture, selon laquelle l'ouvrage entend dénoncer les dérives sectaires sous toutes [leurs] formes , ne méconnaît, dans les circonstances de l'espèce, ni le principe de neutralité et de laïcité de la République, ni l'obligation d'impartialité qui s'impose à l'autorité administrative, ni le principe de liberté du culte, dès lors, notamment, qu'il n'est pas établi que l'ouvrage dont s'agit présenterait un caractère mensonger ou diffamatoire

 

Il y avait donc une continuité dans la jurisprudence. Implicitement, la Haute Assemblée considérait comme légitime l'assertion selon laquelle des dérives sectaires affecteraient le fonctionnement des Témoins de Jéhovah.


GK

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire