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lundi 9 juin 2025

Décès lors d’un stage de jeûne hydrique / développements juridiques.


Indre-et-Loire : interdit de stage de jeûne hydrique, le naturopathe poursuit ses activités en visioconférence - ici

Nous avons déjà évoqué la survenue d’un décès lors d'un stage de jeune hydrique organisé par un naturopathe.


L'organisateur de ces sessions n'a pas semblé se remettre excessivement en cause puisqu'il continue à en proposer au public. Mais le préfet de Vendée les a interdites. Deux réflexions à ce sujet.


En premier lieu, le fondement juridique est on ne peut plus simple. Traditionnellement, la définition de l'ordre public en droit administratif français est celle d'un ordre public matériel uniquement : la sûreté, la tranquillité et la salubrité publique. Nous nous référons ici au professeur Rivero : « Il s’agit d’éviter les désordres visibles. Dans les régimes libéraux, distincts en cela des régimes totalitaires, l’ordre dans les esprits et dans les mœurs, ne relève pas de la police ; seules justifient son intervention les manifestations extérieures du désordre. L’immoralité notamment, n’est pas, en elle-même, objet de police tant qu’elle n’est pas en relation avec des désordres extérieurs, soit directement, soit du fait des réactions que le scandale peut susciter ». J. Rivero, droit administratif, édition Dalloz, 1975, p. 412.

Ce n'est que postérieurement que le Conseil d'État a inclus la protection de la dignité humaine dans la définition de l'ordre public.

L'argument de l'administration est donc extrêmement simple : l'interdiction de ce stage est fondée sur le grave risque sanitaire qui pèse sur l'ordre public.



En second lieu, il est fort rare qu'une situation quelle qu'elle soit ne soit pas le résultat d'un conflit de droits et ne mette pas en cause deux libertés contradictoires. Par exemple, pendant la pandémie, la liberté d'aller et venir était en conflit avec les impératifs de santé publique. Dans notre cas présent, l'impératif sanitaire se heurte au principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Il appartient donc au juge de trancher sur le point de savoir si l'interdiction de la session n'est pas disproportionnée au point de porter une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre.

Ce n'est point le cas répond la juridiction : d'une part, il peut continuer à exercer en tant que naturopathe sans avoir recours au jeûne hydrique, d'autre part, il n'a pas manifesté l'intention d'exercer son activité en l’expurgeant des pratiques les plus dangereuses. Le jugement cite d'ailleurs les principaux risques. La possibilité d'une issue fatale subsiste toujours.



Nous pouvons nous semble-t-il légitimement nous demander si ce raisonnement ne serait pas applicable à bien des propositions susceptibles de conséquences tragiques même si elles ne mènent pas à une issue fatale.



Cette décision judiciaire nous paraît particulièrement emblématique du sens de la nuance qu'il convient de cultiver pour que la légitime prévention du sectarisme, loin de restreindre les libertés publiques, en constitue un élément essentiel.



Ci-dessous, quelques extraits significatifs du jugement du tribunal administratif de Nantes, le lien vers l'intégralité de ce document ainsi que vers d'autres documents pour aider à la compréhension de cette affaire :



L'arrêté attaqué vise les dispositions qui le fondent, notamment le code général des collectivités territoriales, énonce, comme il a été dit, qu'il appartient à l'autorité administrative dans l'exercice de son pouvoir de police générale de prendre toutes les mesures de nature à garantir la salubrité, laquelle s'étend à la protection de la santé publique, et précise, par ailleurs que la pratique du jeûne hydrique non encadrée médicalement peut avoir des conséquences graves pour la santé dès lors que le jeûne excède deux semaines, que les stages proposés par M. C ne sont pas encadrés médicalement et peuvent durer jusqu'à 42 jours, enfin, qu'une stagiaire est décédée le 11 août 2021 après avoir suivi une cure de plus de deux semaines de jeûne organisée par M. C dans le département d'Indre-et-Loire. Par suite, l'arrêté attaqué comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit qui le fondent. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté. 

Ainsi qu'il a déjà été dit au point 4, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Vendée a entendu interdire l'organisation de stages de jeûne hydrique par M. C, en raison des dangers que représentent pour la santé des participants l'absence d'encadrement médical de ces stages, la préconisation d'un lavement quotidien du colon par voie basse et le fait que ces stages s'adressent notamment à un public placé dans une situation de vulnérabilité particulière. Ainsi, en interdisant l'organisation de ces stages de jeûne, dont il est constant que la durée pouvait aller de 14 à 42 jours, exposant les stagiaires à des risques de troubles cardiaques, d'anémies et de perforations du colon, le préfet de la Vendée a entendu prendre une mesure préventive dont la finalité est de préserver l'ordre et la santé publics, alors que l'ouverture d'un stage dès le 1er octobre 2021 justifiait l'urgence de son intervention, les stages proposés par M. C pendant la période automnale et hivernale étant organisés en Vendée. Il s'ensuit que la décision attaquée, si elle vise de façon superfétatoire le Code pénal, ne constitue pas une sanction à l'encontre de l'intéressé à raison du décès d'une stagiaire intervenu le 11 août 2021, la procédure pénale ouverte à la suite de ce décès étant d'ailleurs toujours en cours. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. 


Il ressort des pièces de la fiche réalisée à partir du rapport de l’Inserm de janvier 2014, produite par le préfet de la Vendée, que le jeûne à visée préventive ou thérapeutique « consiste à s’abstenir de tout aliment (solide ou liquide) à l’exception de l’eau pendant une période plus ou moins longue afin d’améliorer sa santé », et comporte des risques sérieux lorsqu’il est réalisé en dehors d’une structure médicalisée, notamment des risques cardiaques qui peuvent même conduire au décès, ainsi que des risques importants d’aggravation des symptômes si le jeûne se substitue à un traitement médical. Par ailleurs, il ressort de la fiche établie le 1er février 2022 par la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, également produite par le préfet, que « la pratique du jeûne, quelle que soit sa source d’inspiration, est toujours risquée. L’absence de qualification des encadrants peut conduire à des situations dramatiques », cette pratique participant, par ailleurs, à rejeter les méthodes de la médecine conventionnelle. Ainsi, s’il est constant que le préfet de la Vendée a interdit à M. C l’organisation de stages reposant sur la pratique du jeûne hydrique, quelle que soit leur durée, ce dernier, contrairement à ce qu’il soutient et par les pièces qu’il produit, ne justifie pas avoir organisé des stages d’une durée inférieure à 14 jours, durée qui excède la recommandation maximale de 7 jours préconisée pour ne pas exposer les stagiaires à des risques accrus de complications médicales. Il ne fait pas non plus état d’une intention de revoir à la baisse la durée de ses stages. Ainsi, compte tenu de la durée des stages proposés, de l’absence d’encadrement médicalisé des stagiaires, qui selon les allégations du requérant non assortie d’éléments de preuve, ne bénéficient que d’un simple « suivi physiologique » réalisé par des intervenants dont il n’est pas justifié qu’ils aient une quelconque formation médicale, l’interdiction des stages de jeûne hydrique organisés par M. C présente un caractère nécessaire et proportionné, alors même que cette interdiction s’applique sans limitation de temps. En effet, par cette mesure, limitée au seul département de la Vendée et aux stages reposant sur la promotion du jeûne, le préfet de la Vendée n’a aucunement interdit à M. C l’exercice de la naturopathie contrairement à ce que soutient l’intéressé. Elle ne fait non plus obstacle à ce que M. C sollicite la levée de cette interdiction en justifiant avoir modifié de façon substantielle l’organisation de ses stages. Ainsi, cette mesure qui est limitée à la seule organisation de stages de jeûne hydrique, si elle a eu pour effet d’entrainer une baisse du chiffre d’affaires réalisé par M. C, ne saurait être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l’industrie ou à la liberté d’entreprendre. Par suite, les moyens tirés de l’erreur d’appréciation, de la disproportion, du détournement de procédure et de l’atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie doivent être écartés.


TA Nantes, 5e ch., 7 mai 2025, n° 2113505. 

Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/TA/Nantes/2025/TA02E7DC4587734F870E85


Le lien vers le blog de Maître Landot qui donne le texte du jugement et des liens vers des articles de presse.


Jeûne juridique pour le (mortel) jeûne hydrique



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lundi 2 juin 2025

L'affaire de Betharram ce n’est pas du passé : interroger l’idéologie punitive en France - THE CONVERSATION

 

L'affaire de Betharram ce n’est pas du passé : interroger l’idéologie punitive en France

Éric Debarbieux, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)

Si le recours aux châtiments corporels est désormais condamné, l’idéologie qui a autorisé ces pratiques est loin d’avoir disparu en France. En témoignent ces discours faisant primer le répressif sur l’éducatif. L’affaire de Bétharram nous invite à interroger les effets de système qui perdurent et les mécanismes de reproduction de la violence.


Plus de 200 plaintes ont été déposées pour des faits de violences physiques et sexuelles, commis des années 1950 aux années 2000, dans une école catholique des Pyrénées-Atlantiques. L’affaire de Bétharram défraie la chronique depuis des mois, au point de menacer un premier ministre soupçonné d’avoir couvert ces faits.

Mais, comme le disent les victimes, cette affaire ne doit pas être masquée en une « affaire Bayrou » : il convient de la penser au-delà des responsabilités éventuelles de cet homme politique.

Le châtiment corporel, c’était avant-hier ?

Des claques, des coups, de l’isolement à genoux sur le perron, par une nuit glaciale, le catalogue des châtiments corporels infligés surprend. Il s’agirait d’une violence d’une autre époque, révolue. C’est l’argument de défense de l’institution, et la conséquence judiciaire en est la prescription s’appliquant à la plupart des affaires révélées.

« Affaire de Bétharram : il témoigne des violences dans l’établissement scolaire » (Le Monde, mars 2025).

En soi, cela n’est pas faux. L’évolution pluriséculaire du regard sur l’enfant a fortement démonétisé l’usage de la violence en éducation, comme cela a été démontré par bien des historiens, au regard de l’histoire longue. Cela a été acté juridiquement et anciennement.

Le droit français a interdit le châtiment corporel à l’école dès 1803, même s’il a fallu longtemps pour que cette interdiction s’applique. Celle-ci a été répétée dans une circulaire de 1991. Beaucoup plus récente a été l’interdiction faite aux familles par la loi du 10 juillet 2019 relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires qui a précisé que l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques.

Les enquêtes de victimation à l’école témoignent de la rareté, mais non de l’absence du châtiment corporel dans les écoles publiques. Il en est ainsi dans une enquête, menée sous ma direction pour l’Unicef, en 2010, qui montre (p.22) qu’il s’agit encore en moyenne d’environ 6 % des élèves du primaire qui déclarent avoir été frappés par un membre du personnel.

Quantitativement cela est minoritaire, ce qui n’est pas une raison pour l’admettre, et l’on peut comparer avec les taux obtenus par le même type de recherche menée dans des pays du continent africain, qui peuvent atteindre 80 % d’élèves concernés. Aux États-Unis, ce sont encore au moins 19 États, principalement au Sud, qui autorisent le châtiment corporel à l’école, y compris avec un instrument (le paddle).

… ou c’est demain ?

Aussi, dira-t-on, la violence, c’était avant et c’est ailleurs ? Oui, mais. Mais l’idéologie qui autorise ces pratiques est loin d’avoir disparu en France, et si celles-ci se sont en moyenne raréfiées, cachées, celle-là reste bien vivace.

Elle est idéologie du redressement de l’enfant, de sa domination par le « bon père de famille », y compris dans les déclarations du premier ministre lorsqu’il justifie la gifle en disant qu’il s’agit d’un « geste éducatif », paroles que j’ai commentées dans une chronique récente.

Elle est aussi idéologie de son enfermement et de son éloignement en cas de déviance : les victimes en ont témoigné, être en internat à Bétharram était bien en soi une punition. Un moyen de redresser l’enfant, d’en faire « un homme » en l’éloignant.

Cette idéologie de l’enfermement orthopédique et de la primauté du répressif sur l’éducatif n’a sans doute pas autant régressé qu’espéré. Ce désir d’enfermer, ce réflexe punitif, sont (re)devenus dominants et ils traversent toutes les couches de la société. C’est un mantra politique et populiste. Une loi réformant la justice des mineurs, révulsant les juristes et les éducateurs, vient d’être votée avec comme souhait des peines de prison ferme pour les adolescents dès 13 ans, de manière à leur causer une sorte de « choc carcéral », suivant les mots de Gabriel Attal, ex-ministre de l’éducation.

Malgré un rapport très critique de la Cour des comptes, les centres éducatifs fermés continuent d’être une solution dispendieuse, inefficace et humainement destructrice, pourtant largement affirmée par le pouvoir exécutif.

« Dans un centre éducatif fermé pour mineurs délinquants » (France Info, 2025)

Sur le plan de la punition, il est une expérience commune qui consiste, lorsque l’on critique la « fessée » ou la « claque », voire les violences éducatives ordinaires, de s’entendre rétorquer : « On ne peut plus rien faire. »

Il est évident qu’il ne s’agit pas ici d’une quelconque apologie du laisser-faire mais de la condamnation de la violence en éducation. À ce « On ne peut plus rien faire » correspond très bien le « On ne peut plus rien dire » qui oppose les réticences patriarcales à la dénonciation du sexisme commun.

Violences et soumission

Bétharram est l’exemple même des effets d’un milieu clos et d’une culture qui favorisent systémiquement les violences de domination : soumission par les coups et la crainte qui peut dériver vers une soumission sidérée aux actes pédocriminels. Il existe un continuum des violences répressives et sexuelles. C’est largement démontré dans les milieux clos, par la recherche sur les populations vulnérables, tout autant qu’en milieu carcéral.

Ce n’est pas simplement la responsabilité individuelle des prédateurs qui est en jeu : dans la recherche actuelle sur les auteurs de violence sexuelle, de plus en plus est abandonnée la théorie de « la pomme pourrie », c’est-à-dire de l’individu seul déviant dans un milieu sain : on lira à cet égard l’excellent article du psychologue Nicolas Port dans la revue l’Année canonique en 2024 et portant entre autres sur les profils des prêtres agresseurs sexuels.

Le milieu culturel et le contexte institutionnel font partie des conditions du passage à l’acte, de sa détection possible et des cécités réelles ou de… mauvaise foi. On se dira alors que le catholicisme lui-même est en jeu. Son organisation est en effet largement empreinte de domination patriarcale. Celle-ci agit dans le vocabulaire (« Mon père »), dans la hiérarchie du genre qui est minoration du féminin, officialisée par l’impossible ordination des femmes, ce qui est contesté par le féminisme chrétien.

L’enseignement catholique est lui-même fracturé idéologiquement et si « l’ordre » reste un argument de légitimation, il n’en est pas moins que bien de ses écoles se rapprochent plus de l’univers de la pédagogie Montessori que de celui de Bétharram, suivant l’idéologie des classes moyennes supérieures.

La ligne de fracture est sans doute désormais plus politique que théologique. Certes, c’est dans l’électorat catholique et religieux qu’ont été recrutées une bonne partie des troupes de la Manif pour tous et il y a une porosité de cet électorat aux thèses identitaires extrêmes. Mais cet électorat ne s’y résume pas, loin de là, même si l’on peut craindre un élargissement des franges traditionnalistes. Cela nécessite – en éducation comme sur bien des points – un aggiornamento de la doctrine et de l’organisation du catholicisme, à cet égard l’affaire de Bétharram peut puissamment y aider.


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Il serait en outre totalement contre-productif d’assimiler les violences révélées à l’ensemble des chrétiens : mutatis mutandis, ce serait la même erreur que celle qui assimile musulmans et terroristes… L’option fondamentaliste et pseudo-traditionnelle dans toutes les religions du livre est en jeu. Ainsi, dans une recherche menée en Israël et relatée dans un livre majeur sur la violence en contexte à l’école, Benbenishty et Astor démontrent la plus grande présence des violences sexuelles dans les écoles islamiques fondamentalistes et dans les écoles juives ultraorthodoxes, ces dernières fournissant les troupes d’extrême droite maintenant au pouvoir dans ce pays.

Des mineurs violents ?

Enfin, une dernière erreur à éviter est de séparer le problème de la violence des adultes et celle de la violence commise par des mineurs, y compris la violence sexuelle. Bien sûr, la plupart des victimes ne deviennent pas des agresseurs et tentent de se protéger de la dure loi de conservation de la violence.

Mais il n’empêche qu’être battu est un facteur de risque important de devenir sexuellement victime, et éventuellement d’être un agresseur. Toute la littérature par facteurs de risque l’a démontré. Les témoignages recueillis à Bétharram montrent parmi les perpétrateurs de grands élèves utilisés comme surveillants. Plus loin, la parution récente d’un livre d’Aude Lorriaux, bien documenté, sur les violences sexuelles commises par des mineurs pose avec force le lien entre l’idéologie masculiniste et sa reproduction violente de ces violences par les mineurs.

Il ne s’agit pas d’y voir une jeunesse perverse, mais bien un effet de système, renforcé par une idéologie dont le trumpisme est un avatar. Les adultes peuvent aussi, terriblement, être de mauvais exemples.

Aussi, s’il est vrai qu’un meilleur contrôle des lieux éducatifs clos, une meilleure formation des personnels, une information plus précise de tous les élèves sur le consentement et la vie affective et sexuelle peuvent être une partie de la solution, il n’en reste pas moins que l’affaire de Bétharram, sans forcément être une affaire Bayrou, est bien une affaire politique.The Conversation

Éric Debarbieux, Professeur émérite en sciences de l'éducation, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Violences sexuelles, scandale de Bétharram : ce que révèlent les archives de l’Église, in THE CONVERSATION

 

Violences sexuelles, scandale de Bétharram : ce que révèlent les archives de l’Église

Thomas Boullu, Université de Strasbourg

Avec le scandale de Notre-Dame de Bétharram, la question des violences sexuelles au sein de l’Église et des établissements d’enseignement catholiques est à nouveau au cœur de l’actualité. Le rapport Sauvé (2021) estimait à 330 000 le nombre de victimes depuis les années 1950 (un tiers des abus auraient été commis dans les établissements scolaires). L’Église, qui a multiplié les dispositifs et communications depuis les années 2000, agit-elle efficacement contre ces crimes ? L’État et la justice civile ont-ils changé de posture face à une institution religieuse très autonome qui a longtemps dissimulé ces violences ? Quid du cas particulier de Bétharram et de François Bayrou ? Entretien avec Thomas Boullu, historien du droit, qui a enquêté au sein des diocèses et des communautés afin de comprendre l’évolution du phénomène.


The Conversation : Comment avez-vous mené votre enquête historique sur les violences sexuelles commises par des prêtres, dans le cadre du rapport Sauvé finalisé en octobre 2021 ?

Thomas Boullu : La commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), dirigée par Jean-Marc Sauvé, a proposé à plusieurs équipes de chercheurs d’enquêter sur les abus sexuels sur mineurs et sur les personnes vulnérables au sein de l’Église catholique depuis les années 1950. Une équipe a proposé une méthode d’analyse quantitative aboutissant à une estimation de 330 000 victimes. L’équipe à laquelle j’appartenais a fait un travail historique et qualitatif fondé sur l’étude d’archives.

Pendant deux ans, avec Philippe Portier, Anne Lancien et Paul Airiau, nous avons fouillé 30 archives diocésaines et 14 archives de congrégations de communautés et d’associations de fidèles pour essayer de comprendre ce qui explique la grande occurrence de ces violences sexuelles. Nous avons également utilisé les signalements faits par l'intermédiaire d’une cellule d’appel. Au total, nous avons identifié 1 789 individus auteurs condamnés ou accusés de violences sexuelles.

Sur place, lors de nos visites, l’accueil n’était pas toujours le même. Il était parfois très bon et la collaboration sincère. Dans d’autres cas, on nous a refusé tout accès, comme à Bayonne, dont dépend Notre-Dame de Bétharram. Il est également arrivé que les évêques nous accueillent, mais taisent volontairement l’existence de certaines archives compromettantes. Dans les congrégations et les communautés, l’expérience était toujours particulière. Certaines donnent le sentiment de vivre un peu hors du monde, comme chez les frères de Saint-Jean où mon arrivée coïncidait avec un jour de silence pour l’ensemble des frères. Ce qui n’est pas toujours pratique lorsqu’on enquête…

T. C. : Qu’a fait l’Église pour agir contre les violences sexuelles depuis le rapport Sauvé, il y a plus de trois ans ?

T. B. : La principale réforme est celle de la mise en place de l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr) pour les victimes. Cette dernière permet notamment de pallier l'impossibilité pour les victimes de se présenter devant la justice des hommes lorsque les faits sont prescrits ou lorsque l'auteur est décédé.

Au-delà de cette instance, la plupart des diocèses se sont engagés auprès de la justice en concluant des protocoles avec les parquets. Ces accords précisent que l’évêque s’engage à dénoncer ceux des prêtres placés sous son autorité qui sont suspectés d’avoir commis des violences sexuelles. Cette pratique avait commencé avant notre enquête, mais il y a eu une généralisation. Ces accords sont des accords particuliers entre l’Église et l’État. Comme si la dénonciation n’allait pas de soi. Ces protocoles – dont la valeur juridique peut largement être interrogée – sont assez surprenants et semblent, parfois, être un stigmate d’un ancien monde où l’Église fonctionnait à l’écart de la société civile.

Outre ces protocoles, des cellules d’écoute des victimes sont présentes presque partout maintenant dans les diocèses. Elles associent parfois des juristes, des procureurs, des psychologues, représentants d’associations et des membres de l’administration diocésaine. Mais, là encore, cela est piloté par l’Église qui se présente, au regard de ses paroissiens, comme apte à réagir en mettant en place des institutions nouvelles.


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Dans sa relation avec les tribunaux laïques (il existe des tribunaux canoniques), comme pour les cellules d’écoute, l’Église reste en partie pensée comme une « société parfaite », capable de gérer ces questions toute seule.

Dans l’ensemble, depuis les années 1950, un nombre important d’instances sur les problématiques sexuelles sont mises en place par l’Église, bien avant la commission Sauvé. Cette dernière réagit, comme elle le fait depuis des siècles, en traitant le problème en interne par la mise en place d’institutions, de politiques, de sanctions, de déplacements. La logique des sanctions prises par l’Église emprunte beaucoup au droit canonique et à son évolution. Il faut rappeler que si l’État limite la juridiction de l’Église à partir du XIVe siècle, cette dernière dispose au cours du Moyen Âge d’une vaste compétence en droit pénal. Contrairement au droit laïque, essentiellement répressif, le droit pénal canonique met en avant la repentance, le pardon, la réinsertion, le salut de l’âme.

Le prêtre fautif peut être amené à faire le jeûne, ou « tenir prison », c’est-à-dire se retirer dans une abbaye ou dans une trappe pour méditer sur ses fautes. On peut également faire l’objet d’un déplacement ou être placé dans des cliniques – réservées aux « prêtres dans la brume ». Ces dernières se multiplient à compter des années 1950 pour soigner les clercs souffrant d’alcoolisme, de maladies psychiatriques ou des auteurs d’agressions sexuelles.

Dans le diocèse de Bayonne, le même que celui de Bétharram, une clinique particulière s’installe à Cambo-les-Bains, entre 1956 et 1962. Elle sera ensuite déplacée à Bruges, près de Bordeaux.

Si sauver l’âme de l’auteur est impossible, reste la sanction ultime : l’excommunication, mais elle est rare.

T. C. : L’Église, qui possède une culture de sanctions propre, se soumet-elle désormais à la justice civile ?

T. B. : L’Église peine à se départir de son propre mode de fonctionnement qui a régi sa politique pendant plusieurs siècles, mais il faut toutefois noter une récente évolution et un rapprochement avec la justice des hommes.

L’Église se transforme du fait de plusieurs dynamiques profondes qui la dépassent, notamment en raison d’une évolution des mentalités collectives vis-à-vis des violences sexuelles. Au XVIIIe  ou au XIXe siècles, ce n’est pas l’agresseur sexuel qu’on craint en premier. La société a davantage peur du voleur de nuit qui rôde et qui s’introduit dans les maisons et égorge ses habitants. La figure du criminel « pédophile » comme image du mal absolu est relativement récente. Les écrits de Tony Duvert ou de Gabriel Matzneff sont encore tolérés dans les années 1970-1980. Avec l’affaire Dutroux de 1996, le monde occidental connaît toutefois une nette évolution qui pénètre aussi l’Église : les paroissiens comme les prélats acceptent de plus en plus mal ces infractions.

La deuxième raison qui fait évoluer l’institution, c’est la question de la gestion des risques. En 2001, on a la première condamnation d’un évêque – l’évêque de Bayeux, Monseigneur Pican. Elle donne lieu à de très nombreux courriers au sein de l’épiscopat entre les prêtres eux-mêmes, au sein de la Conférence des évêques de France et même avec le Vatican. Ces courriers montrent bien qu’il y a une inquiétude. Le monde de l’Église se rend compte qu’il s’expose à des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à la prison.

En conséquence, les évêques commencent à consulter des avocats qui leur expliquent que les anciennes pratiques ne sont plus acceptables et les exposent à des condamnations. Une lettre rédigée par un avocat retrouvée dans les archives conseille, par exemple, aux évêques de supprimer les documents compromettants et de changer leur mode de gouvernance.

À partir de 2001, des réunions se tiennent au 106, rue du Bac, à Paris. Elles seront fréquentes et réunissent des évêques, des théologiens et des juristes réputés proches de l’Église. Des documents compromettants y circulent. Ce « groupe du 106 » envisage une communication plus large pour lutter contre ces abus, sans que la justice pénale ne s’en mêle. En 2001, une brochure est distribuée dans l’intégralité des paroisses pour lutter contre la pédophilie. C’est une première initiative qui traduit une évolution.

T. C. : L’Église a-t-elle couvert des crimes sexuels avec la tolérance de la justice ou d’institutions civiles ?

T. B. : Jusque dans les années 1960-1970, de nombreux procureurs acceptent de ne pas engager des poursuites contre un prêtre, voire de ne pas les arrêter, afin de permettre l’extraction du suspect. Les courriers entre les procureurs et les évêques, retrouvés dans les archives, montrent que ces derniers s’engageaient à retirer leur prêtre dans une logique de gestion interne et afin d’interrompre le trouble à l’ordre public. La plupart de ces lettres datent des années 1950.

Par la suite, ces pratiques tendent à reculer. Dans les années 1970, puis encore davantage dans les années 1980, les affaires sont plus difficiles à étouffer pour ces procureurs. La magistrature d’influence catholique recule au profit de nouveaux juges laïcs ou athées. J’ai pu découvrir des archives récentes où les procureurs sollicitent des entretiens avec les évêques pour faire le point comme ils s’adresseraient à des autorités au sein de leur territoire.

Dans ces écrits, il n’y a plus de place pour la dissimulation, mais pour une collaboration au service de la justice civile. C’est ainsi que ces protocoles parquet/diocèse doivent être compris. Des relations particulières entre les procureurs et les évêques peuvent subsister, mais la justice civile domine celle de l’Église. Concrètement, les prêtres et les évêques doivent donc dénoncer les leurs lorsqu’ils ont eu vent d’une agression sexuelle.

T. C. : Qu’avez-vous découvert dans vos archives concernant les relations entre médias et institution religieuse ?

T. B. : Pour que l’Église fonctionne en « société parfaite », elle a longtemps eu besoin de relais. Ces relais se trouvaient dans la magistrature, dans le monde politique et, globalement, dans la plupart des milieux influents. Nos archives nous montrent l’existence de ces relais dans les médias des années 1950, 1960 et 1970.

Des années 1950 aux années 1970, on trouve des lettres de responsables de journaux qui s’adressent à leurs évêques en leur disant : « Cher ami, Monseigneur, j’ai l’information sur notre territoire de plusieurs agressions sexuelles. Bien entendu, je ne ferai pas de papiers, mais, attention, le bruit pourrait s’ébruiter. »

Dans l’autre sens, nous avons trouvé des archives d’évêques qui écrivent au journal local sur le mode « Cher ami, le prêtre X est passé en jugement. Nous vous serions gré de ne pas rédiger d’articles sur ce sujet afin qu’un scandale n’éclabousse pas davantage notre institution ». Et les journaux – dans une logique de bonne collaboration au sein du territoire – acceptent les doléances de l’évêque et ne publient aucune information sur le sujet.

Désormais, l’Église ne bénéficie plus de ces relais. Les médias publient beaucoup sur le sujet des violences sexuelles et n’épargnent plus l’Église.

T. C. : Qu’en est-il des violences sexuelles dans les établissements scolaires à la suite du scandale de Bétharram ? François Bayrou est soupçonné d’avoir protégé cette institution…

T. B. : François Bayrou assume une certaine proximité avec des courants catholiques conservateurs ou faisant l’objet de nombreuses critiques. Il reconnaît en particulier être proche de la communauté des Béatitudes, fondée dans les années 1970 au lendemain du concile Vatican II et qui fait l’objet de très nombreuses plaintes pour phénomène sectaire et pour diverses agressions sexuelles.

Je crois que la question de Bétharram – entendue sous un angle politique – dépasse la simple question de la responsabilité de François Bayrou en matière de non-dénonciation. Elle pose également la question de la pertinence pour un premier ministre d’être proche de cette communauté. Cette dernière procédait à des séances de guérisons collectives et traverse des scandales de manière presque ininterrompue depuis sa fondation. De manière plus large, c’est aussi la question de la frontière entre la foi d’un homme politique et ses actions pour le bien de la nation qui est posée.

T. C. : Dans le rapport Sauvé, un tiers des violences sexuelles dénombrées a lieu dans des établissements catholiques. Élisabeth Borne a déclaré qu’il y aurait un plus grand nombre de contrôles désormais, ils étaient extrêmement faibles jusqu’à présent…

T. B. : Notre étude pointe du doigt les violences sexuelles commises dans les établissements scolaires catholiques. Les violences perpétrées dans les années 1950-1960 ou 1970 sont légion. Elles sont souvent commises en milieu scolaire ou dans le cadre du « petit séminaire » qui, éventuellement, prépare ensuite à une carrière ecclésiale. Dans bon nombre de ces institutions, les enfants dorment alors sur place. Il y a des dortoirs avec des individus chargés de les surveiller, de la promiscuité.

Ce sont les FEC, les Frères des Écoles chrétiennes, qui arrivent en tête des congrégations en termes du nombre d’agresseurs sexuels. D’autres congrégations suivent, comme les Frères maristes ou les Frères de l’instruction de Ploërmel. Si on ajoute les jésuites – qui assurent également des missions d’enseignement –, il y a une nette prévalence de ces institutions par rapport aux autres.

À partir des années 1970, avec un net mouvement de laïcisation et le recul de l’enseignement catholique, les violences sexuelles au sein de ces institutions tendent à diminuer. Ces congrégations enseignantes ont une activité très résiduelle voire nulle aujourd’hui. Les collèges et les lycées privés actuels ne sont guère comparables avec les anciennes institutions et les agressions y sont assurément moins nombreuses.

T. C. : Les violences contemporaines sont plutôt situées dans les diocèses désormais ?

T. B. : Absolument. Si les violences sexuelles au sein des établissements scolaires catholiques continuent à exister, la plupart des agressions ont surtout lieu dans les diocèses, au cœur des paroisses désormais.

Cette évolution se mesure d’ailleurs si l’on observe le profil des victimes et des agresseurs. Dans les années 1950-1960 ou 1970, la victime type identifiée par les archives est un garçon placé auprès des congrégations enseignantes et qui, en moyenne, a entre 7 et 10 ans. Désormais, le profil premier des personnes abusées, ce sont des jeunes filles de 13, 14, 15 ans. Des paroissiennes qui sont au contact du curé et qui ont des liens privilégiés avec lui.

Cas typique : les parents de la victime sont amis avec le curé, fréquemment invité à manger ou à dormir à la maison. Dans d’autres cas, les parents ne s’occupent pas de l’enfant, et le prêtre se considère comme responsable de son éducation. Un rapport de domination s’installe, susceptible de dériver vers une agression.

Le troisième modèle, fréquemment rencontré, est celui mieux connu des centres de vacances ou du scoutisme. C’est le cas dans l’affaire Preynat qui a dérivé sur l’affaire du cardinal Barbarin que les journaux ont largement relayé et dont le scandale est à l’origine de la formation de la commission Sauvé.

T. C. : Quid des violences sexuelles dans les « communautés nouvelles » ?

T. B. : Les communautés nouvelles naissent au cours des années 1970. Elles s'inscrivent dans un mouvement désigné sous le terme de renouveau charismatique qui suppose un rapport particulier avec la grâce et une relation repensée avec Jésus-Christ. J’ai cité les Béatitudes, mais on peut également évoquer le Chemin neuf ou les Puits de Jacob. De manière générale, les années 1970 donnent lieu à la création de nombreuses nouvelles structures ou communautés qui – même si elles se détachent parfois du mouvement charismatique – vont être sévèrement touchées par la question des violences sexuelles.

Dans nombre de ces structures, on note la fréquence de grappes d’agresseurs sexuels. Ces foyers sont souvent à l’écart des villes, dans des endroits un peu reclus, où l’on vit en totale synergie et communauté. À compter des années 1970, les archives montrent que de nombreuses agressions ont lieu dans ces nouvelles communautés. Par exemple, 40 individus ont ainsi été identifiés dans la communauté des Frères de Saint-Jean. En outre, les agresseurs de ces communautés sont davantage multirécidivistes que dans les congrégations enseignantes.

T. C. : Quelle est la sociologie des auteurs de violences sexuelles dans l’Église ?

T. B. : Comme pour les victimes, il y a une évolution du profil des auteurs au cours du siècle. Dans les années 2020, le prêtre agresseur a 58 ans en moyenne alors qu’il n’a que 38 ans en moyenne dans les années 1950. Cette évolution s’explique principalement par le vieillissement progressif de la population cléricale en France. Les jeunes sont également moins concernés actuellement en raison de la qualité de la formation au grand séminaire qui évolue entre les années 1950 et 2020. Sans être absolument centrale, la problématique de la sexualité est un peu mieux appréhendée – ce qui pourrait expliquer le recul des agresseurs jeunes dans nos statistiques.


Propos recueillis par David Bornstein.The Conversation

Thomas Boullu, Maître de conférences en histoire du droit, université de Strasbourg, Université de Strasbourg

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

vendredi 9 mai 2025

Ostracisme et Témoins de Jéhovah: l'appel qui a donné satisfaction à la congrégation ne met pas fin pour autant à la procéduire

 




https://www.tv2.no/direkte/jpybz/siste-nytt/680a395940f8204f650a7653/staten-anker-jehovas-vitnersaken-til-hoyesterett


Lagmannsretten konkluderte med at statens vedtak om å frata Jehovas vitner statstilskudd, var ugyldig. Staten anker saken til Høyesterett.

– Saken reiser viktige spørsmål både om den enkeltes rett til å forlate et trossamfunn og barns rettigheter innenfor et trossamfunn. Barne- og familiedepartementet mener dette fortjener en behandling i Høyesterett, sier Liv Inger Gjone Gabrielsen hos Regjeringsadvokaten, som fører saken for staten, i en pressemelding.

Jehovas vitner tapte den første rettsrunden i tingretten i mars 2024, før de gikk seirende ut i lagmannsretten.

De gikk til sak mot staten etter at Statsforvalteren i Oslo og Viken i 2022 fratok Jehovas vitner statstilskudd og offentlig registrering som trossamfunn.

Grunnen til at staten fratok statstilskudd, er at de mener eksklusjonspraksisen til Jehovas vitner innebærer negativ sosial kontroll og hindrer fri utmelding fra trossamfunnet.

Dette mener staten er i strid med trossamfunnsloven, som blant annet regulerer tilskudd til tros- og livssynssamfunn.

Før saken kan behandles av Høyesterett, må den gjennom Høyesteretts ankeutvalg.





La Cour d'appel a conclu que la décision de l'État de priver les Témoins de Jéhovah des subventions de l'État était invalide. L'État se pourvoit en cassation.




- Cette affaire soulève d'importantes questions sur le droit des individus à quitter une communauté religieuse et sur les droits des enfants au sein d'une communauté religieuse. Le ministère de l'enfance et de la famille estime que cette affaire mérite d'être entendue par la Cour suprême », déclare Liv Inger Gjone Gabrielsen, du bureau du procureur du gouvernement norvégien, qui s'occupe de l'affaire pour le compte de l'État, dans un communiqué de presse.

Les Témoins de Jéhovah ont perdu la première phase de la procédure devant le tribunal de district en mars 2024, avant de remporter la victoire devant la cour d'appel.

Ils ont poursuivi l'État après que l'administrateur de l'État d'Oslo et de Viken a privé les Témoins de Jéhovah des subventions de l'État et de l'enregistrement public en tant que communauté religieuse en 2022.

La raison pour laquelle l'État a retiré la subvention publique est qu'il estime que les pratiques d'exclusion des Témoins de Jéhovah entraînent un contrôle social négatif et empêchent le libre retrait de la communauté religieuse.

L'État affirme que ces pratiques sont contraires à la loi sur les communautés religieuses, qui régit les subventions accordées aux communautés religieuses et aux communautés de vie.

Avant que l'affaire ne soit entendue par la Cour suprême, elle doit passer par le Comité d'appel de la Cour suprême.

Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

lundi 5 mai 2025

Colibris : à Luchon, Haute-Garonne, un réseau très organisé qui a des projets.

 




Un lecteur du présent blog, en sympathie avec notre association, nous a informés récemment de l'existence d'un réseau autour du groupe local des Colibris à Luchon, en Haute-Garonne, au pied des Pyrénées, non loin de la frontière espagnole.

Le groupe parait très actif. Il organise du troc de plants et graines, de vêtements, d'accessoires et de jouets. Il réfléchit à l'avenir de la vallée.

Ce groupe a notamment pour projet de créer un tiers-lieu, et a constitué une association dédiée spécifiquement à cette fin : l’association « Le Cairn » date de création : 14/02/2023.

Objet de l'association : rassembler les personnes autour de la création d'un Tiers-lieu dont les objectifs sont : Créer et favoriser le lien social, le partage et la convivialité entre toutes et tous ; Participer à l'animation socio-culturelle du territoire ; Instaurer de nouvelles solidarités personnelles et professionnelles ; Développer un réseau des acteurs de l'économie locale ; Soutenir les initiatives et s'inscrire dans une démarche d'économie sociale et solidaire ; Promouvoir l'éco-citoyenneté et ?œuvrer à l'émergence d'une société écologique et solidaire ; Agir pour l'intérêt collectif et contribuer à la vie du territoire, en particulier par la création, la gouvernance, la gestion, le développement et l'animation d'un Tiers-lieu

Économie, tiers-lieu, agir, animation socio-culturelle, Développement, éco-citoyenneté, écologique, Emergence, gouvernance, Intérêt collectif, LA CRéation, lien social, Promouvoir, réseau

L'association est domiciliée en mairie de Bagnères-de-Luchon

En attendant, elle organise des activités relayées sur sa page Facebook : 

https://www.facebook.com/tierslieulecairnluchon/

D'après le groupe local des Colibris, la maison des jeunes et de la culture de Luchon est également impliquée dans ce projet de tiers-lieu.

https://colibris-groupeslocaux.org/?PresentationDuTiersLieuEnCreationSurLeM

Cette MJC fonctionne grâce à la signature par la mairie d’une « convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens avec la MJC et la FRMJC Occitanie ». Ce document contractuel nous est révélé par la délibération du conseil municipal de Luchon en date d'avril 2024.

Cette association « Le Cairn » organise aussi des commandes et distributions de produits bio, et, en liaison avec « Le cocon vivenciel » dont nous reparlerons, des ateliers de portage bébé.

L’association Le cocon vivenciel est très investie dans la promotion de types de liens parentaux, tant entre enfants et parents que dans les fratries.

https://www.facebook.com/LeCocon.31110

Elle organise des ateliers parents-enfants, un lieu d'accueil parents-enfants dont les activités se déroulent à la maison des jeunes et la culture.  Elle a par ailleurs proposé dans la Drôme un stage de process Work, une méthode qui se veut destinée à gérer les conflits, « libérer les énergies bloquées », etc.

Elle propose aussi des activités de Biodanza.

Un lieu d’accueil parents-enfants, géré par la communauté de communes, est de toute évidence partenaire des associations « Le Cairn » et « Le cocon vivenciel ». En effet, les logos de la communauté de communes et de la mutualité sociale agricole apparaissent souvent sur les annonces des manifestations proposées par Le cocon, parfois en liaison avec Le Cairn. Il suffit de se reporter aux pages Facebook du lieu d'accueil parents-enfants ou du cocon pour le vérifier.

Sur sa page Facebook, le groupe local Colibri promeut aussi le Coust éco, un futur éco lieu. Nous extrayons quelques passages de la présentation de ses membres faite sur son site Internet :


Depuis plus de 2 ans, je vis à Montauban-de-Luchon et suis heureuse de découvrir le Comminges et ses habitants au travers des projets dans lesquels je m’investis : L’Habitat Participatif Le Coust ’éco, le tiers-lieu Le Cairn, et la création d’un pôle d’accompagnement à la parentalité.


Je suis engagée dans le milieu associatif de Luchon : professeure de yoga à la MJC de Luchon, trésorière d’une association de parents d’élèves, membre du cercle cœur du groupe local Colibris 31 Luchon et ses vallées et coordinatrice du collectif du tiers-lieu Le Cairn (en création). J’ai choisi d’intégrer le joyeux collectif du Coust ‘éco pour mettre en pratique au quotidien les valeurs d’entraide, de gouvernance partagée, d’ouverture, de partage, d’écocitoyenneté et d’écologie qui m’animent. 


Aujourd’hui, je vis en région parisienne et je vais y finir ma carrière dans quelques années, à la même période où le Coust ‘éco accueillera ses premiers habitants. Un grand saut en perspective ! Je suis également professeur de Biodanza, une pratique dansée qui permet de s’épanouir physiquement, mais aussi affectivement grâce à des propositions de danses qui créent du lien bienveillant et joyeux dans un groupe. Danser Ensemble, cela nous met sur le chemin de Vivre Mieux Ensemble ! Une citation qui me parle : « Que se passerait-il si, au lieu de construire seulement notre vie, nous avions la folie ou la sagesse de la danser ? » Roger Garaudy – « Danser sa vie » (1973)


Les valeurs qui me sont chères : solidarité, coopération, respect. Aujourd’hui, j’ai très envie de véhiculer ces valeurs à travers des projets concrets et écologiques qui ont du sens. Participer à la création d’un habitat participatif, c’est me sentir utile au quotidien, c’est être dans l’action !         « Si chacun de nous fait le peu qu’il peut avec conviction et responsabilité, je vous assure que l’on fera énormément. » Pierre Rabhi


À retrouver ici :

https://ecolieu.cousteco.fr/qui-sommes-nous/


À notre sens, il s'agit d'un réseau très organisé, en lien étroit et affirmé avec les collectivités locales.

Comme nous le faisons habituellement, nous soumettons les faits avérés sur la base des données qui nous ont été fournies, ainsi que de celles que nous avons consultées en complément. À nos lecteurs de se faire une opinion.

Et un grand merci à notre lecteur qui nous a apporté la documentation initiale !

À bientôt.





jeudi 24 avril 2025

Lycée Averroès de Lille : annulation de la décision du préfet par le tribunal administratif et rétablissement du contrat.



Nous avions déjà mis à la disposition de nos lecteurs le lien vers le rapport de la chambre régionale des comptes des Hauts-de-France sur le lycée Averroès à Lille dont le préfet avait résilié le contrat le liant à l'administration de l'éducation nationale. Le tribunal administratif de Lille a été saisi de cette résiliation qu'il a annulée en rétablissant le contrat. 
Nous donnons ci-dessous le communiqué de la juridiction, suivi du lien vers le texte intégral du jugement.
Nous ne commentons pas les affaires en cours. Et nous ne discutons des termes des décisions judiciaires que lorsque nous disposons d'arguments purement juridiques.

Aussi, ici, conformément à cette pratique, nous laissons nos lecteurs se forger leur opinion personnelle.


Communiqué :

Le tribunal a annulé la décision du préfet du Nord du 7 décembre 2023 de résilier le contrat d’association liant l’établissement à l’État, en jugeant que la condition tenant à l’existence de manquements graves au droit n’était pas remplie et que la procédure suivie était entachée d’irrégularités.

Le lycée confessionnel musulman Averroès, situé à Lille était placé sous le régime du contrat d’association avec l’enseignement public, depuis 2008 mais par une décision de résiliation du 7 décembre 2023, le préfet du Nord a mis fin à cette association, en application des articles L. 442-10 et R. 442-62 du code de l’éducation.

Le préfet avait justifié cette décision par plusieurs manquements graves qu’il reprochait à l’établissement d’avoir commis, en particulier des lacunes dans la documentation accessible aux élèves, la contrariété du cours d’éthique musulmane aux valeurs de la République, une mauvaise volonté à se conformer aux contrôles, des éléments d’opacité dans son financement et sa gestion et un fonctionnement parfois non conformes à ses statuts.

Saisi d’une contestation de cette résiliation, le tribunal a d’abord traité une question préalable : il a en effet relevé qu’en dépit du vocabulaire contractuel utilisé par le code de l’éducation sur l’association de l’enseignement privé à l’enseignement public, le cadre juridique dans lequel il convenait de se positionner n’était pas celui des contrats administratifs. En raison de l’environnement législatif et réglementaire très contraignant dans lequel évoluent les établissements d’enseignement soumis au contrôle de l’État, le tribunal a jugé que l’acte de résiliation constituait un acte administratif unilatéral, susceptible à ce titre d’un recours pour excès de pouvoir.

En venant au fond du litige, le tribunal a retenu plusieurs motifs d’annulation.

Pour plusieurs des manquements reprochés à l’établissement, il a estimé que l’administration n’avait pas suffisamment démontré leur existence : tel était le cas de ceux tenant au manque de pluralisme culturel de la documentation accessible aux lycéens, au caractère contraire aux valeurs de la République du cours d’éthique musulmane, à la mise en œuvre d’une stratégie d’intimidation des inspecteurs et à l’existence d’un système de financement illicite.

Pour les seuls manquements dont la démonstration avait été apportée, à savoir un refus d’inspection inopinée devant se tenir en même temps qu’une commission de sécurité, ainsi qu’un fonctionnement non conforme aux statuts de l’association de son bureau exécutif, le tribunal a considéré qu’ils n’étaient pas d’une gravité telle qu’ils pouvaient justifier la résiliation contestée.

Par ailleurs, le tribunal a aussi retenu l’existence de vices de procédure ayant entaché la réunion de la commission de concertation, qui le 27 novembre 2023, devait rendre un avis contradictoire sur le projet de résiliation et en particulier le fait que l’un des manquements reprochés à l’association n’avait été porté à sa connaissance que trop tardivement pour pouvoir s’en expliquer et il en avait été de même de la communication du principal document sur lequel reposait la critique de la  documentation accessible aux élèves.

Tous ces motifs ont donc conduit le tribunal à prononcer l’annulation de la décision préfectorale.


https://lille.tribunal-administratif.fr/Media/mediatheque-ta-lille/documents/2025/jugt-n-2400205-2400235-2400236-2400268