« À la rencontre de vies alternatives... Un récit initiatique, remède contre l’éco-anxiété et
porteur d’espérance pour la génération Z » ...
Le centre écologique « Terre Vivante », en Isère, vient de publier le
livre d'un jeune homme, Théo Hareng : « Écolieux,
la fabrique de l'avenir ».
Après avoir obtenu une licence de biologie, Théo Hareng entreprend un
Tour de France de lieux dits alternatifs. Il se déplace en auto-stop, plus
écologique à ses yeux, car permettant d'économiser énergie et carburant. Il se
nourrit en pratiquant le wwofing (World Wide Opportunities on Organic Farms).
Ce mode de vie permet de se voir assurer le gîte et le couvert moyennant à peu
près cinq heures de travail hebdomadaire, notamment auprès d'agriculteurs.
Cette pratique est parfois désignée comme bénéfique aux deux parties. L'une trouvant
une main-d'œuvre non salariée, l'autre pouvant ainsi se former aux travaux de
la ferme. Le deuxième tome de cet ouvrage est encore à paraître. Le premier décrit
un certain nombre de fermes, de communautés, de chantiers participatifs, dans
lesquels l'auteur a séjourné.
Théo Hareng se réclame explicitement de la mouvance de Pierre Rabbi
et des Colibris. À ce titre, sa lecture est utile. Il est plus constructif à
nos yeux de chercher à comprendre la démarche de ceux qui ne pensent pas comme
nous que de nous abandonner à toute invective. L’auteur se réfère également aux
« Oasis en Tous Lieux » inspirés également par les idées de
l'agroécologiste. Il distingue d'ailleurs les « oasis de vie », habités
en permanence par deux foyers au minimum, et les « oasis ressources »,
qui hébergent des activités, mais n'ont pas forcément vocation à accueillir des
résidents permanents.
Dans certaines d'entre elles, la gouvernance est partagée et l'autorité ne
s'exerce pas de manière verticale. Référence est faite à « l’Université du
Nous » de Chambéry.
Théo part donc faire un Tour de France muni d'une faible somme d'argent. On
sent la volonté de diminuer autant que possible l'empreinte carbone, et le
désir de sobriété. La sincérité de ce jeune homme ne fait aucun doute.
Il mentionne la communauté de l'Arche. Il semble d'ailleurs annoncer que
son séjour fera l'objet d'un développement dans la deuxième partie de son
récit. Il évoque également Longo Maï, mais il n’est pas sûr qu'un développement
ultérieur lui soit consacré.
Théo vit donc de très peu, logé et nourri, et sans
frais de transport.
L'un des écolieux qu'il visite, et où il réside pendant l'absence des
propriétaires, est destiné à faire vivre un « projet porteur de sens ». Il en note
« l'orientation spirituelle » et des pratiques qui « réconcilient l'humain avec
le vivant ». Il rencontre une chamane, et assiste à un stage dans lequel il est
question de « voyage chamanique ». Un autre stage est orienté vers le
yoga, un autre comporte une session de méditation.
Il n'y a absolument rien d'illégal ni de répréhensible dans cette
démarche. Mais nous pouvons nous poser des questions.
La mouvance créée autour de la personne de Pierre Rabhi voit dans ce mode
de vie communautaire un moyen de réduire la consommation, notamment en
supprimant tout ce qui est inutile. Toutefois, dans la société, le travail est
rémunéré par un salaire. Le versement en est soumis à des retenues patronales
et salariales qui permettent de financer les retraites par répartition, les
services publics, la gratuité des soins, ou du moins de la plupart d'entre eux,
grâce à la Sécurité sociale, etc. Est-ce que le mode de vie de Théo Hareng est
vraiment, comme l'indique le titre de l'ouvrage, une « fabrique de l'avenir » ?
Serait-il possible de financer la solidarité nationale si les échanges s'opéraient
sans monnaie ? Si un économiste nous démontre que c'est possible, nous sommes
preneurs !
Nuançons cependant : si des participants à une communauté alternative
travaillent à l'extérieur ou perçoivent des revenus, ces sommes ne sont pas
concernées par notre observation. Les situations peuvent être diverses, et même
dans le « village démocratique » en Ariège, l'initiateur distinguait des
personnes qui percevaient des revenus fonciers et qui en faisaient don à la
communauté, d'autres qui percevaient le RSA, ou encore certains qui par
principe, ne le sollicitaient pas.
Sous forme d'Écovillages, d'Oasis, des communautés – d'ailleurs composées
de personnes tout à fait sociables et ouvertes au monde – vivent de
manière marginale de fait. Elles refusent habituellement l’Éducation nationale,
au profit du hors contrat, voire de l'instruction en famille. Nous avons
d'ailleurs déjà évoqué dans ce blog le « village démocratique »
créé en Ariège par l'initiateur de l'École dynamique de Paris. Il voyait dans
ces mises en œuvre la réalisation de sa « part de colibri ».
Souvenons-nous
également de la « Ferme des Deux Soleils », sur les contreforts du Ballon
de Servance, en Haute-Saône, où la collégialité se traduisait également par la
croyance en un archange.
Nous avons déjà reçu, verbalement, mais aussi parfois par écrit, des
signalements relatifs à des communautés alternatives. La description idyllique
qui en est occasionnellement faite dans la presse peut cacher, sans généralisation
toutefois, une certaine violence. Nous pouvons lire ce livre avec de la
sympathie pour l'auteur, visiblement bien intentionné, mais le titre peut
laisser cependant perplexe. Loin de nous l'idée de nier l'urgence écologique,
mais nous ne pouvons que rester vigilants lorsqu'on nous propose l’utopie.
L’utopie a souvent mené à une forme de totalitarisme ; l'histoire nous l'a
souvent montré.
Nous ne nourrissons aucun doute quant à la générosité et la sincérité de l’auteur
et de tous ceux qui s’engagent, à sa façon, dans une démarche de recherche personnelle
active guidée par ces mouvances. Nous les alertons cependant sur les dangers, aujourd’hui bien
documentés, de certains « voyages chamaniques » en vogue. Et nous les
invitons également à mesurer la séduction, puis exercer leur esprit critique en
se renseignant sur les véritables projets de société des organisations qu’ils
honorent de leur confiance.
Puisse, entre autres, notre blog être utile.
À bientôt.