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vendredi 28 mars 2025

Témoins de Jéhovah et pratique de l'ostracisme en Norvège. Suite.

 




Nous évoquons, dans le billet ci-dessous, l'annulation par la justice norvégienne, en l'occurrence une cour d'appel, de la décision administrative de retrait des subventions au culte des Témoins de Jéhovah, du fait de l'ostracisme frappant les disciples qui ont quitté la congrégation.


Nous avons pu nous procurer le texte du jugement, rédigé dans la langue du pays et nous avons utilisé le logiciel de traduction on line doc translator. Nous vous proposons ici la version à partir de la traduction en format texte LibreOffice. Nous avons dû, pour ce faire, la relire et la remettre en forme.
Au cas où il se présenterait la moindre difficulté de lecture, nous donnons sous ce lien la traduction en format PDF, moins utilisable à notre sens, car elle supprime des membres de phrase.

Toutefois, le document est long, et pour les lecteurs qui souhaiteraient avoir une idée du contenu sans lire l'ensemble, nous donnons ci-dessous des extraits significatifs :

Comme indiqué ci-dessus, il est pratiquement facile de se désinscrire des Témoins de Jéhovah. Il suffit d’envoyer une lettre à la congrégation concernant le retrait. Il n’y a aucune preuve qu’un retrait ne soit pas respecté ou que la congrégation essaie particulièrement de persuader le membre de se réinscrire. Les obstacles possibles à la sortie sont donc liés aux conséquences d’un retrait, a savoir une réduction des contacts sociaux avec les membres restants, y compris les membres de la famille.Une telle réduction des contacts avec les anciens membres des Témoins de Jéhovah, et en particulier avec les membres proches de la famille, comme les parents et les enfants avec lesquels on ne vit plus, mais aussi, par exemple, les grands-parents et les petits-enfants, sera très difficile et pénible pour la plupart des gens. La Cour d’appel présume, sur la base des preuves,que les conséquences du retrait pour certains sont si négatives que certains membres choisissent de ne pas se retirer pour cette raison.
La Cour d'appel estime néanmoins que ces conséquences ne constituent pas une pression indue suffisante pour constituer une violation du droit du membre à démissionner librement en vertu de l'article 9(1) de la CEDH. 1 ou d’autres obligations en matière de droits de l’homme ou de la Constitution.

Si un enfant baptisé commet une violation de la norme, il résulte des règles que cela sera connu des anciens, soit par l'enfant lui-même, soit par d'autres membres qui le signaleront. Une telle activité de « rapport » est en elle-même pénible, tout comme le fait de signaler ses propres péchés. De plus, le fait que le mineur doive expliquer sa relation aux anciens de la congrégation – et avec ses parents lorsqu’il est mineur – peut être très inconfortable et humiliant. Bien que les politiques des Témoins de Jéhovah stipulent que les enquêtes des anciens doivent se dérouler de manière « amicale » et ne pas « entrer dans des détails qu’ils n’ont pas besoin de connaître » (The Watchtower Study Edition, août 2024, page 22), il est
inévitable qu’un certain degré de détail soit requis ; par exemple, si le péché commis est d’avoir eu des rapports sexuels. Pour les enfants mineurs en particulier, il faut supposer qu’il est très désagréable de devoir expliquer de telles choses à d’autres, en particulier aux aînés, qui sont toujours des hommes adultes. La Cour d’appel part du principe que les aînés n’ont généralement pas suffisamment de connaissances en matière d’enfants.
 Bien que le processus puisse être très désagréable, et dans certains cas humiliant, la Cour d’appel estime néanmoins – avec un certain doute – que le processus en tant que tel ne peut pas être considéré comme une violence psychologique.

Il faut supposer que le proclamateur mineur non baptisé se trouve dans une situation très inconfortable lorsqu’il suit le processus décrit dans le livre Organisert et le livre des Anciens en cas de péché grave tel que mentionné au point 3.3.7; situation très inconfortable à la fois parce qu’il doit se soumettre à une réunion avec deux anciens, il doit y dire s’il se repent, et ,  s’il ne se repent pas, la violation de la norme entraîne la privation du statut de prédicateur non baptisé la congrégation en est informée et sera alors « prudente » quant à ses relations avec l’enfant. Cela pourrait amener d’autres membres de la congrégation à garder leurs distances avec l’enfant, y compris d’autres jeunes qui gardent leurs distances de leur plein gré ou parce qu’ils sont encouragés à le faire par leurs parents. Il faut aussi vivre cela comme une forme d'ignorance du fait que l'on peut ne pas être autorisé à parler dans les réunions de la congrégation pendant un certain temps, même si l'on lève la main pour répondre, cf. la citation du livre des Anciens reproduite dans la section 3.3.7.
La Cour d'appel estime cependant qu'il n'a pas été prouvé qu'une telle pratique envers les proclamateurs non baptisés constitue une violence psychologique ou un contrôle social négatif dirigé contre les enfants d'une manière constitutive d’une violation des droits de l'enfant.


« Pour moi, c'est un mélange de soulagement et, en même temps, de sentiment de quasi-noyade. Mais je ne dirais pas que cela occupe une grande partie de ma vie maintenant – à bien des égards, j’ai l’impression d’avoir évolué. Mais il est clair qu'à chaque fois que les problèmes reviennent, je m'emporte un peu à nouveau. Mais je ne veux pas non plus me retirer, car il ne s’agit pas seulement de moi. Il y a beaucoup de gens qui savent que je suis là pour eux et que je mène ce combat » dit-il.

Bonne lecture !








samedi 22 mars 2025

Témoins de Jéhovah et pratique de l'ostracisme en Norvège.



Nous avions déjà évoqué à plusieurs reprises la procédure qui opposait les Témoins de Jéhovah à l'administration du district d'Oslo. La congrégation s'était vue retirer les subventions accordées aux cultes en raison de l'ostracisme qui frappait les personnes qui la quittaient. Elle s'était pourvue en justice contre cette décision administrative. Elle a été déboutée en première instance. Toutefois, la cour d'appel lui a donné satisfaction. Nous ne disposons pas encore de la décision dans son intégralité, mais nous avons trouvé le blog d'un avocat norvégien qui relate la procédure en appel.

https://www.advokatbladet.no/borgarting-lagmannsrett-jehovas-vitner-psykisk-vold/jehovas-vitner-vant-mot-staten-i-borgarting-lagmannsrett/226250

Nous l'avons transcrite en français grâce au logiciel de traduction online translator.

Nous répétons ci-dessous notre position : en soi, nous n'avons rien contre les Témoins de Jéhovah. Là où ils sont persécutés (nous y reviendrons peut-être dans peu de temps), nous réprouvons les atteintes aux libertés et aux personnes.

Nous n'ignorons pas que le juge doit prioriser l'une ou l'autre de deux libertés. D'une part chaque religion est libre de s'organiser sans ingérence de l'État, mais d'autre part la Convention européenne des droits de l'homme protège la vie privée et familiale. Et, pour faire court, la politique d'ostracisme des témoins de Jéhovah porte atteinte à la vie familiale. Nous aurions nettement préféré que le juge norvégien la protège tout autant, tout en laissant bien entendu les Témoins de Jéhovah libres de s'organiser, tant qu'ils ne portent pas atteinte à un droit énoncé par les rédacteurs de la CEDH.



Les Témoins de Jéhovah ont gagné contre l'État devant la Cour d'appel de Borgarting

La pratique de la communauté religieuse consistant à limiter les contacts avec les membres exclus et démissionnaires n'est pas en conflit avec le droit de démissionner librement des communautés religieuses ni avec les droits des enfants, selon la Cour d'appel de Borgarting.

Il n'est pas prouvé que les mineurs baptisés qui grandissent en tant que Témoins de Jéhovah aient généralement des difficultés psychologiques plus importantes que les autres membres de la population, estime la Cour d'appel de Borgarting.

Entre 2021 et 2024, l'État a rejeté la demande de subventions des Témoins de Jéhovah, et les Témoins ont également été privés de leur enregistrement en tant que communauté religieuse.

La communauté religieuse a poursuivi l'État et a perdu devant le tribunal de district d'Oslo. L'État a justifié la décision de révoquer les subventions et l'enregistrement comme suit, selon le résumé du jugement :

« Les subventions et l’enregistrement de l’État sont refusés au motif que les Témoins de Jéhovah violent gravement les droits et les libertés d’autrui, cf. Loi sur les communautés religieuses, article 6, cf. §§ 2 et 4. L'État prétend que les Témoins de Jéhovah empêchent le droit au retrait libre et exposent les enfants baptisés à la violence psychologique et au contrôle social négatif ».

Les parties à l'affaire

Appelant : Témoins de Jéhovah représentés par l'avocat Anders Christian Stray Ryssdal, Glittertind

Intimé : L'État c. Ministère de l'Enfance et de la Famille, par l'avocate Liv Inger Gjone Gabrielsen, procureure du gouvernement

Juges : Jørgen Monn, Anne Kristin Vike et Rolf Ytrehus


« On dit que cela est le résultat d’une pratique motivée par la religion qui exige que personne dans les congrégations n’ait de contact avec d’anciens membres qui ont été exclus (expulsés) ou qui ont démissionné. Selon l'État, les droits des enfants sont également violés par une autre pratique qui s'applique aux mineurs non baptisés qui ont le statut d'éditeurs. « S'ils commettent un péché grave, en tant que personnes non baptisées, ils ne peuvent pas être excommuniés, mais ils risquent l'exclusion et l'isolement social de la communauté dans la congrégation - parce que l'accord est qu'il faut faire attention à ses relations avec l'enfant », indique le résumé du jugement du litige.

Les Témoins de Jéhovah, pour leur part, affirment que l'État a une compréhension erronée de la pratique religieuse et que les conditions pour refuser les subventions de l'État et l'enregistrement ne sont de toute façon pas remplies.

La Cour d'appel de Borgarting a statué vendredi (24-081251ASD-BORG/02).

Contrairement au tribunal de district, la Cour d'appel a conclu que les décisions étaient invalides et que les conditions de refus prévues à l'article 6 de la loi sur les communautés religieuses, cf. L’article 4 n’est pas respecté.

La Cour d’appel a estimé qu’il n’était pas probable que la pratique de distanciation sociale des Témoins de Jéhovah envers les membres baptisés qui quittent la communauté religieuse constitue une violation du droit des membres à quitter librement une communauté religieuse.

Il n’a pas non plus été prouvé que la pratique de distanciation sociale des Témoins de Jéhovah envers les membres baptisés mineurs qui sont expulsés ou qui démissionnent des Témoins de Jéhovah, ou la pratique envers les prédicateurs mineurs non baptisés qui commettent des violations des normes, constitue une violence psychologique ou un contrôle social négatif dirigé contre les enfants d’une manière qui viole les droits des enfants.

État : La pratique constitue une violence psychologique

L’État estimait qu’il y avait deux circonstances qui constituaient des motifs suffisants pour refuser les subventions et l’enregistrement :

« Premièrement, la pratique des Témoins de Jéhovah consistant à couper tout contact avec les membres qui souhaitent quitter la communauté religieuse signifie que la communauté religieuse empêche le retrait libre. Cela viole le droit de chaque membre à modifier librement ses convictions ou ses opinions en vertu de l’article 9 de la CEDH, de l’article 16 de la Constitution et de l’article 18 de la Constitution. »

En outre, l’État estime que l’exclusion des enfants est très grave :

« Deuxièmement, les pratiques d’exclusion des Témoins de Jéhovah envers les mineurs baptisés constituent une violation des droits de l’enfant, cf. Loi sur les communautés religieuses, article 6, premier paragraphe, troisième alternative, sous forme de violence psychologique et de contrôle social négatif dirigé contre les enfants. L’exclusion est généralement très stressante psychologiquement, et pour les enfants, le stress sera particulièrement grave. Si l’exclusion est mise en œuvre, elle implique de graves violations de l’intégrité, de l’isolement et un grand stress psychologique, ce qui constitue une violence psychologique ».

Il n’est pas contesté que la distanciation sociale est en vigueur.

Le facteur décisif pour déterminer si les décisions de rejet sont valables est de savoir si la communauté religieuse, ou les personnes agissant en son nom, ont agi ou encouragé une action d'une manière décrite à l'article 6, premier alinéa, de la loi sur les communautés religieuses.

L'article 6 stipule que « si une communauté religieuse ou philosophique, ou des individus agissant au nom de la communauté, exercent la violence ou la coercition, profèrent des menaces, violent les droits des enfants, violent les interdictions légales de discrimination ou violent gravement d'une autre manière les droits et libertés d'autrui, la communauté peut se voir refuser un financement ou son financement peut être réduit. »

La Cour d’appel a jugé qu’il ne faisait aucun doute que la pratique de la distanciation sociale pouvait être liée aux Témoins de Jéhovah en tant que communauté religieuse.

Néanmoins, le tribunal a jugé que cette pratique n’était pas en conflit avec le droit des membres de se retirer et ne constituait pas une violation des droits des enfants.

Non incompatible avec le droit de rétractation gratuit.

La Cour d’appel a convenu avec l’État que la conséquence d’une démission peut être vécue comme très négative pour l’individu :

« La Cour d'appel suppose, sur la base des preuves, que les conséquences du retrait pour certains sont si négatives que certains membres choisissent de ne pas se retirer pour cette raison. »

La Cour a néanmoins estimé que les conséquences n’étaient pas suffisamment graves pour constituer une violation du droit à la liberté d’expression au sens de l’article 9 de la CEDH.

Le tribunal a souligné, entre autres, que les conséquences sociales d'une démission sont mentionnées dans le règlement de la communauté religieuse, afin que cela ne soit pas une surprise pour ceux qui démissionnent.

Pas de défis psychologiques plus importants que d’autres

« L'État n'a pas démontré spécifiquement si et dans quelle mesure les membres baptisés mineurs des Témoins de Jéhovah subissent effectivement des pressions pour ne pas commettre de violations des normes ou pour ne pas démissionner, par peur de subir un processus d'exclusion (en cas de violations des normes) et de perdre des relations avec leur famille et leurs amis dans la communauté religieuse », indique le jugement.

Et plus loin :

« Il faut également supposer que le fait d’être soumis à un contrôle social négatif pendant une longue période peut également provoquer un stress psychologique chez de nombreuses personnes. » Cependant, il n’a pas été prouvé que les mineurs baptisés qui grandissent parmi les Témoins de Jéhovah ont généralement des difficultés psychologiques plus importantes que les autres membres de la population.

La Cour d’appel conclut comme suit :

« La Cour d'appel a donc conclu qu'il n'a pas été prouvé que les pratiques des Témoins de Jéhovah impliquent un contrôle social négatif suffisamment étendu dirigé contre les enfants pour que ces pratiques puissent être considérées comme « violant les droits des enfants ». Dans cette évaluation, la Cour d'appel a mis l'accent en particulier sur la liberté de religion de l'enfant et des parents, et sur le fait que l'État n'a pas démontré que les mineurs baptisés - en raison de la pratique de la distanciation sociale - subissent une forte pression pour ne pas commettre de violations des normes ou pour ne pas se retirer, d'une manière qui constitue un contrôle social négatif dirigé contre les enfants.


vendredi 21 mars 2025

Bienvenue sur le blog du CLPS!






Nous sommes une organisation laïque, donc ouverte à la confrontation des idées. Nous ne prétendons pas, entre nous, défendre toujours les mêmes thèses. Ce qui nous réunit, c’est précisément le souci de ne pas masquer nos différences.

Le mot " secte " est une commodité de langage qui ne correspond à aucune catégorie juridique. Il n’existe en effet pas de définition de la secte en droit français. Dans l’intitulé de notre association, nous ne nous vouons donc pas à un combat contre les sectes, mais nous aspirons à prévenir le sectarisme.

En fait, peu nous importe que tel ou tel groupe étudié dans ce site soit ou non qualifié de secte. Pour nous, il représente, si nous en parlons, une atteinte à la laïcité. Le droit français leur permet d’exister. Il nous permet, à nous, de discuter leurs pratiques sans les enfermer dans une catégorie juridique, et ce, au seul nom du respect des droits de l’homme et de l’enfant et de la laïcité.




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NOTE SUR LES COMMENTAIRES

Le présent blog est le canal d'expression du CLPS. Nous veillons scrupuleusement à la qualité de l'information et des opinions exprimées. Nous avons maintes fois accepté d'accueillir des commentaires qui se trouvaient aux antipodes de nos convictions dès lors qu'ils étaient rédigés dans une langue correcte, qu'ils restaient courtois, et qu'ils apportaient de la matière au débat. 
Toutefois, suite à des propositions de commentaires qui ne respectaient pas ces conditions, nous nous devons de rappeler que ce blog n'est pas un forum. Nous nous refuserons en conséquence à publier les textes sarcastiques et a fortiori injurieux à l'égard de qui que ce soit, d'une longueur excessive par rapport au texte initial et les billets "en rafales" qui restent d'une lecture difficile et nuisent à la lisibilité de l'ensemble. Merci à nos contributeurs, qu'ils soutiennent ou contredisent nos thèses, de respecter ces quelques règles de savoir-vivre.



 

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jeudi 13 mars 2025

"l'enseignement catholique sous contrat": pourquoi en parler ici?









Le Cercle laïque pour la prévention du sectarisme vous informait déjà depuis deux décennies sur les maltraitances et les atteintes à la liberté de conscience dans des établissements d'enseignement privé hors contrat.

La multiplication récente de révélations d'atteintes à la liberté d'expression dans certains des établissements sous contrat, nous a amenés à considérer que nous devions les aborder, elles aussi, dans les présentes colonnes.

À ce titre, nous avons déjà proposé, ces dernières semaines, plusieurs articles au sujet de certains d'entre eux, dans la mesure où des atteintes à la dignité des mineurs qui leur sont confiés y ont été constatées.

En 2023, la Cour des Comptes a rendu public un rapport sur les relations entre l'enseignement privé et l'État. Deux très brefs passages sont éclairants sur les responsabilités de l'État. Les pages 21 et suivantes traitent des lois qui régissent les contrats : obligation de respecter la liberté de conscience et de suivre les programmes officiels, mais également reconnaissance d'un « caractère propre » de chaque établissement. Les pages 90 et suivantes permettent aux magistrats financiers de pointer les insuffisances du contrôle exercé.

Avant même que les langues se délient, les carences des inspections étaient déjà révélées.

Vous trouverez le rapport sur ce lien :

https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2023-10/20230601-enseignement-prive-sous-contrat.pdf

Pour vous informer, nous avons pris des contacts, et nous avons eu le plaisir d’obtenir une réponse favorable du syndicat UNSA de l'enseignement privé (SNEP-UNSA, Union Nationale des Syndicats Autonomes), ainsi que d’une contributrice du blog d’un collectif d’enseignants de l'enseignement catholique.

L'organisation syndicale suit, bien entendu avec beaucoup d'attention, ces événements et nous vous invitons à prendre connaissance de ses positions sur le lien ci-dessous. Sa position sur les rapports entre l'État et les établissements qui bénéficient de la reconnaissance d'un « caractère propre » mérite d'être connue de nos lecteurs afin de nourrir leur réflexion.

https://www.snep-unsa.fr/presse-betharram-ou-ailleurs-stop-a-l-omerta-dans-des-etablissements-prives-sous-contrat

Voici un paragraphe tiré du rapport de la Cour des Comptes susvisé (page 24).



Le syndicat s'en tient aux textes et à la Loi. Il considère que les enseignants des classes liées par contrat au service public de l'éducation accomplissent de ce fait une mission de service public. À ses yeux, la volonté du secrétariat général de l'enseignement catholique de s’ériger en interlocuteur de l'administration, alors qu'en droit les réseaux ne sont pas reconnus, est déjà le symptôme d'un repli.

Le contrat contraint l'association de gestion et le directeur, (et le préfet) c'est-à-dire les deux signataires, à respecter la liberté de conscience des élèves et à les accueillir tous sans discrimination. Pour sa part, le SNEP-UNSA ne partage pas l'opinion du secrétaire général de l'enseignement catholique selon laquelle une conférence donnée par un évêque sur le temps de travail scolaire serait un temps de culture générale légitimement obligatoire pour tous.

Mais surtout, obliger comme à Stanislas, tous les enfants de l'établissement à se rendre au local où se tiennent les confessions, même s'ils ne se confessent pas, est à ses yeux une atteinte grave à la loi et pour nous une violation de l'intime et de la vie privée et familiale qui relève de notre vigilance. 

(NDLR : il en est de même pour nous, CLPS, pour ne citer qu'un exemple parmi d'autres, de la promotion des pratiques de thérapies de conversion mentionnée dans le rapport mis en ligne par Médiapart)

https://actu-sectarisme.blogspot.com/2024/01/le-college-stanislas-paris-respecte-t.html

https://www.snep-unsa.fr/le-snep-unsa-a-demande-au-conseil-d-etat-d-annuler-un-protocole-qui-rendrait-les-interventions-du-sgec-officielles-ce-qui-pourrait-davantage-perturber-le-service-public-de-l-education

La chaîne Public Sénat a mis en ligne récemment un débat contradictoire auquel participait notamment Monsieur Philippe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique. Vous pouvez le visionner en suivant ce lien et vous forger votre opinion.

https://www.publicsenat.fr/emission/sens-public/betharram-comment-mieux-encadrer-les-etablissements-prives-e0

L'enseignement catholique en tant qu'institution prétend proposer aux élèves, tout en rappelant l'obligation d'ouverture à tous énoncés par la loi Debré, une « formation intégrale de la personnalité » qui inclut l'éducation spirituelle. 

L'organisation syndicale a précisé voir dans cette éducation globale qui inclut tant l'adaptation à la vie en société que la transmission des connaissances et… l'instruction religieuse, un repli, menant au sectarisme.

La reconnaissance par l'administration du secrétariat général de l'enseignement catholique comme interlocuteur représentatif d'un réseau, conjuguée à cette « éducation intégrale », ne menacerait pas seulement la laïcité des institutions, mais aussi l'intégrité des mineurs en générant séparatisme, voire sectarisme.

Nous remercions le secrétaire général du syndicat national des enseignants et personnels du privé de ces précisions.


De son côté, le collectif Stop aux souffrances dans les établissements catholiques vous propose sur son blog une revue de presse et des comptes-rendus très complets.

https://stopsouffranceetablissementscatho.blogspot.com/


Nous continuerons de vous informer sans nous substituer aux publications de ces acteurs.

Bien évidemment, nous ne publions ces informations que sous les angles exclusifs de l'atteinte à la personne humaine et de la prévention du phénomène sectaire.

À bientôt.










mercredi 5 mars 2025

Affaire Betharram : merci à la revue Golias.




http://www.golias-editions.fr



Avec son accord, nous invitons nos lecteurs à prendre connaissance de cet article de la revue Golias (Golias Hebdo numéro 853 semaine du 20 au 26 février 2025).


Sa pondération, exempte de tout esprit politicien, la densité des témoignages et la clarté du rappel final des dispositions juridiques régissant les différents délais de prescription en font un élément d’information précieux qui se démarque du flot ambiant.



                                            illustration Golias Hebdo

Golias Hebdo

Bétharram l'omerta :  Bayrou la vérité en face


130 victimes de l’institution catholique Notre-Dame de Bétharram dans les Pyrénées-Atlantiques se sont fait connaitre auprès du procureur de Pau pour des faits de violences physiques, d’agressions sexuelles ou de viols entre les années 1950 et 2000. 60 d’entre elles concernent à ce jour des violences sexuelles. Une enquête préliminaire a été ouverte ler février 2024. Président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques de 1992 à 2001, ministre de l’Education nationale de 1993 à 1997 et maire de Pau depuis 2014, François Bayrou a-t-il une quelconque responsabilité et savait-il ce qui se passait à Notre-Dame de Bétharram, cet établissement d’enseignement privé sous contrat ? 


François Bayrou est apparu touché et bouleversé à la sortie de l’entretien qu’il avait organisé ce 15 février à la mairie de Pau avec le collectif des victimes de l'institution du collège et lycée de Bétharram. Durant plus de trois heures, il a écouté le vécu et les abus subis. « C'était le surgissement d’un continent que j’ignorais, certifie le Premier ministre à la sortie de l’entrevue. Des actes d’une violence insoutenable et des agressions sexuelles abominables... L’expression de la vérité... »

Mais de quelle vérité parle-t-on ? De celle des victimes ?

« Entendez dans ces lieux la souffrance de tous ces enfants... Comment ça fait mal, la souffrance ! Entendez ces cris indélébiles qui resteront à jamais gravés au fond de nos tripes... », a lancé Alain Esquerre, porte-parole du collectif des victimes de Bétharram au Premier ministre et à la presse. Cette journée, qualifiée d’historique par plusieurs victimes, semble avoir apaisé et pansé pour certains la sensation du traumatisme. « C’est une journée qui nous a transportés », décrit Pascal (ancien élève). « Il y a eu beaucoup d’émotion et une écoute parfaite de la part de François Bayrou. J’ai eu le sentiment d’avoir tourné une page et d’avoir fait un pas en avant pour que toute la lumière soit faite sur Bétharram. Ce que Bayrou vient de faire, la Conférence des évêques de France et la congrégation de Bétharram ne l’ont pas fait. » Pour Pierre, élève de 1977 à 1984, c’est une révélation après un long tunnel. « Après avoir écouté le discours d'Alain et du Premier ministre français, je me sens enfin justifié », écrit-il sur le groupe Facebook créé par Alain Esquerre. « Ce que nous avons vécu n'était pas une banalité, mais un calvaire d’enfance. Il y a des moments dans la vie, où nous sommes confrontés à l'adversité, à la critique et au doute, non seulement de la part des autres, mais aussi parfois de nous-mêmes. Dans ces moments-là, on peut avoir l'impression que le monde est contre nous, que les choses auxquelles nous croyons, les chemins que nous avons choisis, sont tous erronés. Nous nous demandons si la lutte en vaut la peine, si le poids de l'incompréhension disparaîtra un jour. » Pierre a subi des attouchements de la part du surveillant général de l’époque et déplore la prescription des faits due au dépassement du délai de prescription. Après une garde à vue, son agresseur vient d'être relâché.

Alain Esquerre attendait de la part de François Bayrou de l’écoute et une réelle compassion pour les victimes. Il l’a senti sincère. Mais comment ne pas l’être ? Comment en arrive-t-on à de telles extrémités sur des enfants, sans qu’une voix intérieure ou supérieure ne vienne briser cet engrenage et remettre à leur place, l'amour et l'empathie que l'on doit à son prochain et aux plus faibles. Un manque d'humanité où les pervers se pardonnent entre eux afin de s'octroyer le paradis et l'absolution de leur Créateur. Des prédateurs qui ciblaient leurs victimes chez les élèves les plus fragiles, le plus souvent vivant à l’internat, sans contact journalier avec leurs parents. Des enfants qui porteront tous, en eux, le même sentiment de trahison et dont la vie a été modifiée, brisée et la parole étouffée.

De la vérité connue ?

« Entendez comment ça fait mal à chacun de nous, de nous retrouver ici pour dénoncer l’omerta, le non-dit, l’hypocrisie d’un système qui nous a broyés » scande Alain Esquerre. Il ne faut pas mentir, la réputation sévère et rigide de cette institution privée catholique, très réputée à l’époque dans la région des Pyrénées-Atlantiques, était connue de tous. Mais se plonger dans les récits de violences, d’agressions sexuelles et de viols subis par certains anciens élèves de l’institution, a été, lors de mon reportage : « Bétharram, voyage au bout de l’enfer »1, un choc insoutenable. Les récits mettent à jour une perversité systémique et des méthodes éducatives récurrentes, utilisant la peur et les châtiments corporels, entraînant traumatismes, révoltes ou soumissions. « Des témoignages concordants, souligne François Bayrou alors que les victimes ne se connaissaient pas. Certains pensant être seuls à vivre ça. » Un modèle éducatif que l'on retrouve dans de nombreux établissements d'enseignement catholique ou de rééducation pour enfants comme l’institution religieuse de Riaumont, l’internat des Béatitudes à Autrey, la congrégation du Bon Pasteur, le lycée Stanislas où des faits similaires ont surgi plusieurs années après. Une ambiance propice à un certain entrisme règne dans ces milieux où les prédateurs se protègent en entretenant des conditions favorables à leurs méfaits. Ainsi, fermer les yeux sur les actions délictueuses de violence ou d’abus perpétrés par des assesseurs ou des pairs leur assure des années d’omerta. À Bétharram, les agresseurs furent des prêtres, des prêtres directeurs, des laïcs et même des élèves. Ce n’est pas le procès de François Bayrou que dénonce Alain Esquerre, mais le procès de tout un système qu’il met à jour. Il désigne les dysfonctionnements des services de l’État, de l’Éducation nationale, du corps enseignant qui « à quelques exceptions près a laissé faire sans réagir pendant plusieurs décennies ». Et il en appelle aussi à la responsabilité de la congrégation des pères de Bétharram qui a brillé « par son inaction et son réflexe de protection ». Joint la veille de cette rencontre avec François Bayrou, Alain Esquerre avait le souhait que « les pères reconnaissent l'intégralité des dommages et plaident coupable ». Où sont-ils aujourd'hui ?

De la vérité inavouable que l’on n’a pas voulu voir ?

Interrogé par plusieurs députés, François Bayrou affirme devant l’Assemblée nationale et dans la presse ignorer les violences physiques et les agressions sexuelles qui ont eu lieu à Bétharram.

Pourtant, François Bayrou est ministre de l'Éducation nationale (1993-1997) lors de la première plainte en février 1996 contre l’institution. Jean-François Lacoste-Séris, le vice-président de l’association des parents d’élèves, porte plainte pour « coups et blessures volontaires » et « traitements inhumains et dégradants » à l’encontre de son fils de quatorze ans mis « au perron » sur le bord du Gave à moitié nu, pendant plusieurs heures. Une alerte avait déjà été faite en 1993. Le jeune homme avait été frappé par le même surveillant et avait perdu quarante pour cent de son audition. Le surveillant général impliqué affirmera au tribunal « avoir usé de son devoir de correction afin de préserver la discipline de l’établissement ».

Pour cette « claque », François Bayrou dit avoir fait tout ce qu’il devait faire à l’époque. Il demande une inspection générale de l’établissement dont le rapport, au bout du compte, est rassurant. « Notre-Dame de Bétharram n’est pas un établissement où les élèves sont brutalisés. » L’inspecteur de l’époque comprend aujourd'hui que ce rapport ne tient pas la route. « Je n’ai pas cherché à savoir ce qui se passait dans les dortoirs ou dans des lieux de rencontre des élèves. Je suis reparti de l’établissement en ignorant totalement ce qui est actuellement reproché. »

L’omerta a bien fonctionné, et comme l’explique Adrien (ancien élève) présent sur le plateau du Petit Quotidien ce 19 février 2025, « là-bas, si vous parliez, vous ramassiez après ». D’ailleurs, François Bayrou le confirme dans son discours qui a suivi son entretien avec le collectif des victimes. « C’est toujours pareil dans les affaires de violence de cet ordre, on peut vivre à côté sans le savoir. » Et François Bayrou est certainement honnête lorsqu’il dit : « Croyez-vous que si j’avais eu connaissance d’agressions et de viols, j’aurais laissé là mes enfants ? » Par contre, il n’est pas tolérable de justifier l’ignorance des faits par le silence des victimes : « Et puis il y a tous ceux qui, depuis cette époque, se sont tus. C’était très frappant. Plusieurs des membres de la délégation ne savaient pas. Ils pensaient être tout seuls à subir ça. » Les victimes ne sont pas responsables du processus fomenté par le système qui les a broyés.

Et outre les responsabilités personnelles, le sentiment du déshonneur vécu par certains Béarnais et dont fait partie François Bayrou incombe, si on y réfléchit, à la responsabilité collective. En mai 1996, soit trois mois après la plainte déposée par Jean-François Lacoste-Séris, François Bayrou défendra l'institution de Bétharram et s’épanchera en ces termes lors de l’inauguration des travaux de réfection de la chapelle qu’il effectuera avec le ministre de la Culture de l'époque Philippe Douste-Blazy : « Nombreux sont les Béarnais qui ont ressenti ces attaques [contre Bétharram] avec un sentiment douloureux et un sentiment d’injustice. Ce n'est pas le ministre, ce n'est pas le parent d'élèves qui parle, c'est le Béarnais. »

De la vérité d’agir en vérité ?

Deux ans plus tard, le père Pierre Salviet-Carricart est mis en examen pour viol sur mineur. Cet ancien directeur de l’école, qualifié par une victime comme étant « l’Abbé Pierre du Béarn », est placé en détention provisoire le 28 mai 1998 par le juge d’instruction Christian Mirande. Cette incarcération suscite beaucoup d’émotion dans la région et le procureur général informe immédiatement la Chancellerie par téléphone.

Pourquoi, alors que le juge Mirande a deux plaintes pour viols répétés sur son bureau, le père Salviet Carricart est remis en liberté le 9 juin 1998 par la  chambre d’accusation, composée de trois magistrats et  d’un avocat du parquet général sans aucune contrainte d’un contrôle judiciaire quelconque ? « J’étais en passe de formaliser la mise en cause du prêtre dans une troisième affaire, avait précisé le juge Mirande à Golias  en juin 2024 et je devais l’entendre en janvier 2000 au  sujet de cette deuxième plainte, mais il ne s’est pas  présenté. » Le père Pierre Salviet-Carricart se suicide à Rome. L’action publique est arrêtée. Il est enterré le 10 février 2000 au cimetière de Bétharram. Élisabeth Bayrou est présente ainsi qu’un nombre important de personnalités.

Si François Bayrou était au courant de l’affaire du père Carricart, comme l’affirme le Juge Mirande, ainsi qu’Alain Hontang, le gendarme en charge de l’enquête, François Bayrou n’est plus ministre de l’Education depuis 1997, mais président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques (1992 à 2001). Une chose est certaine : chacun selon sa fonction aurait dû actionner tous les leviers pour enquêter et vérifier. Faut-il rappeler que ce sont des enfants qui étaient concernés ! Trois signalements écrits ont été adressés à l’ancienne garde des Sceaux Élisabeth Guigou entre 1998 et 2000, prévenant, selon l’AFP, « d’une possible affaire de grande ampleur au sein de l’établissement catholique de Notre-Dame de Bétharram ». S’il s’avérait que François Bayrou était informé, d’autres personnalités de par leur fonction auraient dû réagir. Pourquoi ne s’est-on pas inquiété au sujet d’éventuelles autres victimes ? Pourquoi d’autres inspections n’ont pas été demandées par le ministre en place de l’Éducation nationale ? Qu’a fait la direction diocésaine de l’enseignement catholique à l’époque ?

Françoise Gullung, qui avait témoigné dans Le Point en juillet 2024, récidive chez Médiapart le 20 février. Dans une vidéo, elle détaille les alertes qu’elle a lancées entre 1994 et 1996 alors qu’elle était enseignante au collège Notre-Dame de Bétharram. Elle confirme à la cellule investigation de Radio France, le 21 février, sa rencontre avec Mme Bayrou. Elle précise avoir alerté la direction diocésaine de l’enseignement catholique qui lui aurait répondu qu’elle exagérait. Elle écrit alors au médecin directeur de la PMI de l’époque et à François Bayrou. Elle raconte aussi s’être retrouvée un jour au collège, avec Mme Bayrou qui enseignait la catéchèse, dans une situation où elles auraient dû intervenir en faveur d’un enfant qui subissait des violences et qui demandait grâce. « Je regrette de ne pas avoir foncé et ouvert la porte, mais je venais d’arriver au collège. » Elle tente alors d’alerter François Bayrou, le 17 mars 1997, lors d’une cérémonie à Pau, à laquelle ils étaient présents. Lui ne s’en souvient pas. « Jamais personne ne m’a alerté sur ce sujet, du moins dans mon souvenir. » À l’époque, elle a remis la copie de ses lettres au père directeur, le père Landel. Elle est alors mise au ban de l’administration de l’école qui oublie de la convoquer à certaines réunions et conseils de classe.

Le silence des pères

Qu’en est-il alors du silence et de la responsabilité despères de Bétharram et de l’Église ? Qu’a fait le père Couture alors directeur de l’établissement, lorsque le père Descomps, directeur de conscience de Jean-Marie Delbos, le prévient en 1962 des agressions sexuelles que l’enfant a subies entre 1956 et 1961 de la part du père Henri Lamasse dans le dortoir de l’apostolicat, l’internat destiné à de futurs séminaristes ? « Il m'a convoqué avec force et menaces, mais je n’en avais cure », raconte Jean-Marie Delbos, soulagé dans un premier temps que le père Henri Lamasse soit relevé de sa garde au dortoir. Plus tard, le directeur, flanqué de deux autres prêtres, ira menacer sa grand-mère qui l’élève seul, lui et ses sœurs : « Si cette affaire a une suite, nous vous ferons saisir vos biens. » Si les responsables de l'institution de Notre-Dame de Bétharram n'avaient pas couvert à l’époque les agressions de Jean-Marie Delbos, auraient-elles continué ?

Dans une lettre adressée à son bourreau, le 11 novembre 2016, jean-Marie Delbos résume parfaitement la situation : « En 1962, quand votre hiérarchie a eu connaissance des faits vous concernant, elle a omis délibérément de rendre compte au procureur de la République du département, comme la loi les y obligeait. » Des années plus tard, Jean-Marie Delbos déposera deux plaintes à l’encontre du père Henri Lamasse, en 2010 et en 2016. Les faits sont prescrits, mais elles auront par contre, des répercussions au sein du diocèse jusqu’à encore très récemment. À la suite de la première plainte en 2010, le père Henri Lamasse est envoyé en Palestine. Mgr Aillet - l'évêque du Béarn - (adressera, le 18 mai 2016, à la suite de la deuxième plainte un courrier à Jean-Marie Delbos dans lequel il écrit : « Quand les pères de Bétharram ont été saisis de votre légitime plainte, le P. Lamasse était en poste dans le diocèse de Limoges. En lien avec l'évêque de Limoges, le P. Lamasse a été démis de toutes ses fonctions et un signalement a étéfait au procureur de la République. Les faits étant prescrits, le P. Lamasse a été transféré dans un couvent en Terre Sainte. »

Le 19 juin 2016, une première rencontre a lieu chez Jean-Marie Delbos autour d’un déjeûner préparé par le maître de maison lui-même. Sont présents le père Gaspar Fernández Pérez scj, supérieur général de la congrégation, le père Jean Dominique Delgue, vicaire général des Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram, le père Laurent Bacho, responsable de la cellule d‘écoute des victimes de pédophilie au sein de la congrégation et Mgr Aillet. Une procédure canonique est alors enclenchée à l’encontre du prêtre. Le père Jean Dominique Delgue, informé par le père Gaspar Fernández Pérez scj, prévient Jean-Marie Delbos par courrier. « Le dossier instruit a été déposé, hier matin, le 17 octobre 2016, à la Congrégation de la Doctrine de la Foi au Vatican à Rome. » Six mois plus tard, le 22 novembre 2017, Jean-Marie Delbos est convoqué au presbytère de Navareinx par le père Gustavo Agín, réélu en 2023 à la tête de la congrégation en tant que supérieur général des pères du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram, pour l’informer du résultat de l’enquête canonique. Sont présents, Mgr Marc Aillet, le père Jean-Dominique Delgue et le père Laurent Bacho.

Le père Gustavo Agín explique : « Le père Henri Lamasse restera à Bethléem. » Il sera interdit de tout ministère et ne devra pas célébrer la messe en public. Mais en 2019, le père Henri Lamasse est de retour à Bétharram à l’Ehpad de la congrégation. Quelle claque pour Jean-Marie Delbos dont la colère enfle. « Comment des responsables religieux ont-ils pu laisser un tel prédateur se mouvoir dans toutes les couches de la société ? Pour Jean-Marie Delbos, c’est inconcevable. Toute sa vie, vous imaginez, non, vous n'imaginez pas ! » Le 6 novembre 2021, il est sur le parvis de la cathédrale de Lourdes lors de la conférence des évêques de France, pour dénoncer les violences sexuelles vécues à Bétharram. « J’étais parti pour la gloire ! », dit-il avec humour. Mais il ne suscite pas grand intérêt de la part des évêques présents. Un seul lui parlera. Le 16 mars 2024, il envoie une lettre à François Bayrou qui restera sans réponse.

La congrégation de Bétharram a reconnu les agressions sexuelles de la part du père Henri Lamasse à son encontre et Jean-Marie Delbos a été indemnisé en 2022 par la CRR, la Commission de Réparation et de Reconnaissance des violences sexuelles commises par des membres des instituts religieux. Le 20 février 2025, le père Henri Lamasse qui a été entendu par la gendarmerie de Pau dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte le 1ᵉʳ février 2024 a été relâché, mais a reconnu les faits envers Jean-Marie Delbos.

Aujourd’hui, la Conférence des évêques de France déplore « des faits graves », mais qu’a-t-elle fait en 1998 ? Qu’à fait Mgr Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron depuis 2008 ? Il se dit terriblement choqué par les abus sexuels à Notre-Dame de Bétharram. Et qu’on fait les responsables des pères de Bétharram ? Le père Landel, directeur de l’établissement de 1993 à 2000 ? Il est envoyé au Maroc en février 2000 pour être consacré archevêque coadjuteur de Rabat. Puis archevêque le 5 mai 2001. Il démissionnera en décembre 2017. Les alertes sont passées sous les radars et l’omerta a étouffé les plaintes.

Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique réagit enfin le 20 février : « Toute la société est responsable. Il n ’y a pas que l’école, il n ’y a pas que l’école catholique », insiste-t-il, sur RMC. Élisabeth Borne, l’actuelle ministre de l’Éducation nationale, admet que l’État n’a pas été au rendez-vous dans cette affaire. « C’est difficile de comprendre pourquoi on n 'a pas réagi plus tôt. C’est pour cela qu’il faut que l’on agisse en renforçant les contrôles. » La Ciivise, chargée de conseiller le gouvernement dans la lutte contre la pédocriminalité, vient de demander un audit global sur les dispositifs d’alerte existants dans tous les établissements accueillant des enfants. Ségolène Royal, mise en cause en tant que ministre déléguée de juin 1997 à mars 2000, à l'enseignement scolaire auprès du ministre décédé de l’Éducation nationale Claude Allègre, avait pourtant mis en place la circulaire Royal, le 26 août 1997. Ce texte, visant les agents publics dans l'exercice de leurs fonctions, rappelle l'obligation légale faite à toute personne de signaler aux autorités judiciaires tout crime ou délit dont elle aurait eu connaissance. Le délit de non-dénonciation étant condamné par l’article 434-3 du Code Pénal. D’ailleurs, une proposition de loi a été déposée le 19 novembre 2024 afin que les délais de prescription de non-dénonciation et du délit d’omission de porter secours coïncident avec les délais de prescription des crimes et agressions sexuelles sur mineurs qui commencent à courir à la majorité de la victime. Selon la loi « Schiappa » du 3 août 2018, pour un viol commis sur une personne mineure, le délai de prescription est de 30 ans, pour une agression sexuelle, de 10 ans et si l’agression est commise par plusieurs personnes ou par un ascendant, de 20 ans.

En 2021 est entrée en vigueur la notion de prescription glissante. Si l’auteur d’une agression ou d’un viol sur mineur récidive, le délai de prescription de la première agression est prolongé jusqu’à la date de prescription de la nouvelle. Une notion importante pour les victimes mineures de Bétharram. À ce jour, une seule personne a été mise en détention provisoire pour des faits non prescrits. Toutes les plaintes d’agressions sexuelles et de viols ne seront pas toutes recevables par le procureur en raison de ces délais de prescription.

A quand l’imprescriptibilité des violences sexuelles faites aux mineurs ?

La récupération politique dénoncée dans cette affaire a le bon ton de faire avancer l’enquête et de rendre publique les violences et les agressions sexuelles faites aux enfants dans notre société. Le collectif des victimes de Bétharram souhaite que les violences sexuelles deviennent une cause nationale, que des inspections aléatoires interviennent dans les internats et que des cours de sensibilisation à la pédocriminalité soient mis en place dans les écoles de France. Par ailleurs, ils demandent qu’un fond d’indemnisation soit créé pour les victimes d‘abus physiques et sexuels de la part de laïcs.

Ils portent aussi des responsabilités dont ne peuvent pas s’exonérer les responsables qui les engagent, selon François Bayrou. Mais le chemin semble encore long, le programme Evars, lancé le 5 février dernier par le gouvernent et le ministère de l’Éducation nationale sur l’éveil à la vie affective, relationnelle et sexuelle, ne fait pas l’unanimité. Le secrétaire général de l’enseignement catholique, Philippe Delorme, émet des réserves. Le programme a été vivement critiqué par certains groupes conservateurs catholiques. L’enquête, elle se poursuit et les différents Provinciaux de la congrégation devraient, selon une source, être convoqués pour être entendus. Le jeudi 27 février, les victimes sont convoquées au tribunal de Pau pour une réunion d‘information avec la gendarmerie et le procureur Rodolphe Jarry. Affaire à suivre... D'autant qu"une plainte - pour non dénonciation de crime et délit - visant François Bayrou a été déposée le 21 février dernier. 

https://www.golias-editions.fr/2025/02/26/46364/  

(réservé aux abonnés)

https://www.golias-editions.fr/2025/02/13/betharramvoyage-au-bout-de-lenfer/        

(accessible à tous)




jeudi 13 février 2025

Courrier du rectorat de Strasbourg à l’école Steiner Waldorf



La lecture de la presse permet de connaître l’existence d’un courrier adressé par le rectorat de Strasbourg à l’école Steiner Waldorf de la même ville. France Info et les Dernières Nouvelles d’Alsace se sont saisis du sujet, ci-dessous de larges extraits: 

France Info révèle certains griefs du rectorat et ce faisant se réfère au long article des DNA.

L'équipe d'inspection a relevé "la faiblesse des horaires consacrés aux disciplines, ajoutée à l'absence totale d'un certain nombre de contenus attendus pour la maîtrise du socle commun", et a conclu à "un défaut général de niveau d'enseignement au regard des compétences dont la maîtrise est attendue en fin de scolarité obligatoire". La lettre explique également qu'une "confusion règne en matière de distinction entre récit et histoire, science et croyance. Un certain nombre de faits présentés comme véridiques ne sont pas assez questionnés, tant en sciences dites dures, qu'en sciences humaines".

Édition du 29 janvier des Dernières Nouvelles d'Alsace :

"L’équipe d’inspection relève que le temps consacré à l’apprentissage des mathématiques, notamment, est insuffisant. Les emplois du temps ne mentionnent aucun enseignement en science, ni en histoire-géographie, ni en éducation morale et civique. (...) L’approche de la géométrie est plus artistique et sensible que raisonnée. La combinaison de ces approches à la faiblesse des horaires consacrés aux disciplines, ajoutée à l’absence totale d’un certain nombre de contenus attendus pour la maîtrise du socle commun, amène l’équipe d’inspection à la conclusion d'un défaut général du niveau d’enseignement"

Interrogés par les DNA, les cadres de l’école regrettent un rapport à charge, et voient un décalage entre les contacts avec l’équipe d’inspection et le contenu final du rapport. La procédure contentieuse semble longue et complexe, elle a été retardée par une question prioritaire de constitutionnalité, que le Conseil d'État doit décider de transmettre ou non au Conseil constitutionnel.

Voici les liens vers les articles de France Info. Celui des DNA est malheureusement réservé aux abonnés, et nous nous faisons un devoir de ne pas déroger au copyright. Aussitôt que nous aurons les détails de la procédure transmise au Conseil d'État, vous en serez informés.

Nouvelle mise en cause d'une école Steiner en Alsace

École Steiner épinglée : la Région Grand Est suspend aussi sa subvention, "par précaution"

Strasbourg. Après deux inspections, l’école Michaël, pédagogie Steiner, épinglée

 


jeudi 6 février 2025

Souffrances d’enseignants


 



Nous nous sommes fait l'écho à plusieurs reprises dont très récemment, de problèmes survenus dans des établissements d'enseignement sous contrat.

Il s'avérait que dans ces institutions, la liberté de conscience, principal pilier de notre objet statutaire, n'était pas respectée. Ni l'éducation dans l'esprit qu'énonce clairement la convention internationale des droits de l'enfant, ni la formation à l'exercice de la citoyenneté prévue par le code de l'éducation n'y étaient dispensées.

Un collectif, composé principalement d'enseignants d’établissements privés catholiques sous contrat, a mis en ligne une importante documentation sur toutes les atteintes aux dispositions légales érigeant le respect de la liberté de conscience des élèves du privé sous contrat en obligation impérieuse. Cette exigence est imposée par la loi concomitamment à la possibilité laissée aux établissements de développer leur caractère propre.

Nous invitons nos lecteurs à consulter ce blog :

 https://stopsouffranceetablissementscatho.blogspot.com

Un dossier complet est dédié à l'établissement de Compiègne :

https://stopsouffranceetablissementscatho.blogspot.com/2023/10/compiegne-les-documents-de-la-colere.html

Nous avions mis en ligne un lien vers l'article du journal local Oise hebdo, nos lecteurs ont ainsi pu prendre connaissance d'un résumé d'un rapport de visite de l'administration.


Le blog en a fourni la quasi-totalitéde la teneur dont nous donnons ici le lien.


Un business lucratif, documentaire sur Arte – et rappel de la distribution aux établissements scolaires français d’un « Atlas de la création »




Comme nous l’avions déjà fait à plusieurs reprises ces dernières années, nous signalons à nos lecteurs un documentaire visible sur le site d’Arte.

Merci à Arte pour son attention soutenue aux phénomènes d’emprise sectaire.


" Qui sont les gourous d'aujourd'hui ?"

Comment, partout dans le monde, des prédicateurs s'enrichissent sur le compte de la foi.

Enquête sur un business lucratif


Disponible jusqu'au 31/08/2025

Au Brésil, en Turquie et aux Etats-Unis, Kristoffer Eriksen part à la rencontre des prédicateurs les plus populaires, dont la grande vie contraste fortement avec celle des gens de leurs paroisses et avec la Bible qui prêche l'humilité et un mode de vie modéré. Ces télévangélistes prétendent faciliter les miracles et ont amassé de véritables fortunes grâce à leurs églises.

Au Brésil : Valdemiro Santiago prétend être le medium du Saint-Esprit et faciliter les miracles. Pour ses adeptes, il ouvre la voie à une vie meilleure. Il préfère d'ailleurs voyager en jet privé. Heureusement pour lui, l'église possède sa propre flotte, payée par les croyants.

En Turquie : Dans son pays, Adnan Oktar fait face à diverses accusations de mauvaise conduite et de crimes. Le journaliste danois Kristoffer Eriksen a eu accès à une rare interview d'Oktar dans son émission privée diffusée en direct, où il pose des questions au gourou pour mieux comprendre l'organisation.

Au Texas, aux États-Unis, le journaliste danois Kristoffer Eriksen rencontre le télévangéliste multimillionnaire T.D. Jakes pour découvrir comment le pasteur concilie ses énormes profits avec les préceptes de la Bible. »

Style journalistique et format inhabituels qui viennent en écho de leur sujet. Peut-être un peu déroutants au début.

https://www.arte.tv/fr/videos/RC-026106/gourous-un-business-lucratif/

Et puis, parce que notre vigilance s’exerce dans la durée, rappelons que le gourou turc Adnan Oktar (pseudonyme Harun Yahya) avait, en 2006-2007, distribué en abondance aux établissements scolaires français son « Atlas de la création ».





Voici, ci-dessous le communiqué des professeurs de SVT du SNES que nous avons retrouvé :

L’Atlas de l’Evolution de Harun Yahya n’a pas sa place dans nos écoles...

Groupe SVT-SNES , février 2007

L’atlas créationniste de Harun Yahya, pseudonyme d’Adnan Oktar, un "intellectuel" turc auteur de dizaines d’ouvrages depuis les années 1980, pèse quelques kilos, a l’air d’un livre pour enfants et a été envoyé en nombre début 2007 dans l’Éducation Nationale (établissements scolaires et universitaires, CDI).

Au premier abord, c’est un livre somptueux. L’Atlas de la création, édité en décembre 2006 en Turquie, est un pavé de 770 pages richement illustré. Plusieurs milliers de photographies en couleur de fossiles d’animaux lui confèrent l’apparence d’un ouvrage de vulgarisation scientifique.

Sous couvert de pédagogie, cet Atlas de la Création conteste les travaux de Darwin et la théorie de l’évolution des espèces.. Dans le dernier chapître, l’auteur affirme que "la matière n’existe pas" : le monde ne serait qu’un ensemble d’images présentées par Dieu à l’âme humaine pour la tester... On serait tenté de rire, mais vu les moyens financiers employés pour diffuser cet Atlas dévoyé, l’auteur n’est certainement pas un plaisantin.

Si ces remarques sont encore peu fréquentes et non violentes, il est clair que ces idées contre-scientifiques peuvent parfois séduire des jeunes en quête de sens à leur vie. La diffusion massive, dans nos établissements, de « l’Atlas de la création » niant l’Évolution et la vérité scientifique est à cet égard particulièrement pernicieuse, et le SNES a exigé que le ministère s’assure de son retrait immédiat de tous les établissements scolaires, chose faite puisque le ministère de l’Education nationale a immédiatement mis en garde les établissements scolaires contre cet ouvrage.

Communiqué de Presse du SNES    Paris, le 05/02/2007

L’Atlas de la création » n’a pas sa place dans notre école !

Si la société française, laïque, offre moins de prise aux créationnistes que dans d’autres pays, elle n’en est pas moins traversée par des mouvances fondamentalistes de tout bord. Des enseignants, souvent de SVT, se voient répliquer de plus en plus par des élèves que leur « référent religieux » (de quelque religion que ce soit) leur dit que « c’est Dieu qui a créé l’Homme » (voire tous les êtres vivants).

Si ces remarques sont encore peu fréquentes et non violentes, il est clair que ces idées contre scientifiques peuvent parfois séduire des jeunes en quête de sens à leur vie. La diffusion massive, dans nos établissements, de « l’Atlas de la création » niant l’Evolution et la vérité scientifique est à cet égard particulièrement pernicieuse, et le SNES exige que le ministère s’assure de son retrait immédiat de tous les établissements scolaires.

Le SNES travaille sur l’enseignement des sciences en lien étroit et régulier avec des chercheurs. Il organisera en octobre 2007 un colloque intitulé « L’Évolution : entre remise en cause et instrumentalisation » réunissant des philosophes, des biologistes, des sociologues, mais aussi des formateurs et des enseignants.

Le SNES entend mettre en débat les contenus de formation des enseignants, et ceux qui permettront aux jeunes de s’emparer des enjeux des sciences contemporaines et de mener une critique rigoureuse de ces « déviations ».