illustration tirée du site de l'association quand elle se dénommait a-jir |
16.06.12
FRANCHE-COMTÉ : LES DEUX SOLEILS NE BRILLENT PLUS
Soupçonnée de dérives sectaires, l’association implantée à Servance, dont le gourou présumé est en détention, ferme ses boutiques les unes après les autres.
«Fermeture
définitive. » À Lure, où un laboratoire de traiteur bio avait vu
le jour en début d’année, c’en est donc fini. Idem à
Champagney, Luxeuil, Le Thillot. Subsistent la brasserie ouverte en
avril à Valentigney (25) et l’épicerie d’Héricourt. Depuis la
révélation, dans les colonnes de L’Est Républicain (notre
édition du 2 juin) de la mise en examen et de l’incarcération
de Luce Barbe, les affaires de la société Lustra s’avèrent
délicates.
Luce
Barbe, du nom de celle que la justice soupçonne d’être le gourou
d’une secte œuvrant sous couvert d’un retour au naturel via le
maraîchage bio. Cette thérapeute de 49 ans, spécialiste des
méthodes alternatives, aurait, selon les enquêteurs, pris un
ascendant psychologique sur la vingtaine d’adhérents que compte
cette structure associative. Surveillée depuis 2004 après
l’internement d’un membre qui « n’avait pas supporté les
séances de magnétisme et de globalisation des énergies »
pratiquées lors d’un séminaire dans le Jura, elle a plusieurs
fois changé d’appellations, comme de siège social. Avant de
s’implanter à Servance, en 2009, sous la dénomination « Espace
nature éveil ».
Ici,
dans une ferme située sur les hauteurs de la commune achetée sous
forme de SCI par l’ensemble de la communauté, les occupants
entendent faire valoir leur indépendance. Et dénoncent «
l’amalgame » dressé entre les accusations portées contre Luce
Barbe et les activités développées à travers Lustra et la Société
civile d’exploitation agricole, les deux entreprises destinées à
produire et commercialiser les fruits et légumes notamment produits
sous les serres implantées à Saint-Germain, à quelques encablures
de là. À leurs yeux, les personnes ayant porté plainte seraient
animées d’un esprit de revanche et surtout par la volonté de
récupérer l’argent investi, qui se monte parfois à plusieurs
dizaines de milliers d’euros.
« TAISEZ-VOUS, JE TRANSMUTE »
«
Tout ça », martèle Claude, « ce sont des outils qu’on veut
apporter aux gens pour qu’ils se sentent mieux. » Membre de
l’association depuis ses débuts en 2004, cet ancien dessinateur
industriel aujourd’hui au RSA assure ne pas se rappeler de
l’épisode de l’internement. Il pointe plutôt un choix de vie
qui aurait tendance à susciter la suspicion. Tous ici reconnaissent
Luce Barbe comme leur thérapeute. Ne nient pas le recours de cette
dernière à la pratique des souvenirs induits. Une méthode,
sectaire selon l’observatoire des sectes en France, consistant à
vous assimiler à un personnage du passé coupable du pire. Ce qui
aurait tendance à favoriser l’emprise sur le patient. « C’est
un travail de lecture, de décryptage visant à se défaire du mal »,
explique Pascal, le mari du gourou présumé. Lui, comme les autres,
se défend d’être victime de toute manipulation. Alors qu’il
était calme en garde à vue au commissariat de Vesoul pour avoir
retourné un bureau dans un service préfectoral, il reconnaît être
subitement devenu très agressif après avoir eu son épouse au
téléphone. « Elle m’a fait comprendre que j’étais sous
l’emprise des policiers, ça fait partie de son travail : ne pas
tomber dans certains travers psychologiques. »
Ici,
les enfants fréquentent l’école publique. « On veut juste monter
une société et vivre selon un mode de vie que l’on a choisi. »
Reste que depuis la révélation de l’affaire, des proches de
membres se sont fait connaître. « C’est bien que les langues se
délient », philosophe Pascal.
À
quelques centaines de mètres, un voisin raconte : « Quand on les a
vus assis en cercle, que l’une a dit aux enfants : ‘’Taisez-vous,
je transmute’’, on s’est vraiment posé des questions ».
On
ne doute pas, au sein de l’association, que les réponses soient de
nature à la laver de tout soupçon…
Sébastien
MICHAUX
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