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samedi 21 septembre 2019

Ferme des deux soleils: l'audience en cour d'appel de Besançon





Le 19 septembre a eu lieu en appel le procès concernant la ferme des deux soleils à Servance. L’expert psychologue qui avait été désigné était celui-là même que nous avions écouté en première instance. Nous entendons donc pas revenir sur des cas individuels des victimes qui se sont présentées à la barre, mais juste dégager l’essentiel de ce qu’il a été possible de mieux comprendre en matière de fonctionnement d’un groupe sectaire.



Comme en première instance, le président introduit les mots secte (il fut question de secte et non de dérive sectaire, expression pas -ou très peu- employée) et emprise et questionne l’expert. Nous nous sommes efforcés de résumer au mieux son exposé préliminaire en prenant furieusement des notes pendant son intervention, et nous nous efforçons de restituer le plus fidèlement possible son exposé.



On parle de secte lorsqu’il y a un regroupement de personnes qui professent les mêmes croyances et sont attachées à la même personne. Cette attachement à la personne est capital.

Elles constituent un groupe, qui est seul à détenir un idéal, une doctrine autour de laquelle elles constituent un groupe de personnes sauvées

Conséquences : la coupure avec les amis, avec le monde extérieur, et la mise en place d’un mécanisme d’emprise mentale.

Les personnes viennent librement, adhèrent au projet du maître, ce qui fait que plus personne ne les reconnaît. Elles sont embrigadées mais sans le savoir.

Ce processus empêche l’exercice du libre arbitre, de l’esprit critique. Il est facilité par un emploi du temps qui laisse le moins d’espace personnel aux victimes, absorbées par des réunions, et sans cesse occupées.



Venons-en à l’emprise mentale. La psychologie a montré que les hommes fonctionnent avec des représentations : représentations d’eux-mêmes, de la société, qui reposent sur des croyances.

La garantie de la vérité, du savoir : pour les enfants, ce sont les parents qui la fournissent. Donc faut grandir avec les certitudes de ses parents. C’est un phénomène d’emprise mentale certes, mais c’est la processus normal. En grandissant on s’aperçoit qu’on ne s’identifie plus aux parents, et on construit alors son propre système de représentation.

L’emprise est donc un phénomène normal qui nous construit et nous aide à nous constituer





Mais il est possible de revenir à la crédulité. Quand une personne dit moi je sais, le groupe la suit, ils ont le sentiment que cette personne est elle-même la garantie. En l’occurrence, tout le monde a été happé par la dirigeante, garante de ce qu’il fallait suivre. Le maître dans le cas présent n’assume pas : c’est un soi-disant archange qui dicte mais ce n’est jamais lui.

Dans une vraie relation thérapeutique à l’inverse un psychiatre, un psychanalyste assume.






Pour ce qui concerne les thérapeutiques en question dans la procédure (le REIKI est souvent évoqué) l’expert estime que les mains ne sont que le véhicule de la parole. C’est ce qui est dit autour des pratiques manuelles qui est à la source de l’attachement porté à un thérapeute. Il faut de la confiance : dans une emprise mentale, on dit des choses dont on a honte et on en attend une reconstruction. Le thérapeute travaille avec son patient pour qu’il se reconstruise. Mais si le thérapeute se sert de ce qui lui est dit dans un objectif autre que cette reconstruction, l’emprise dérape.






L’expert pense que la responsable a été dépassée par sa création. Il est question d’un voyage en Corse, des disciples devaient dire au revoir à leurs familles, était-ce le prélude à un suicide collectif ? La question est pertinente mais le mystère de ce passage vers la «cinquième dimension » n’a pas de réponse certaine. Cet épisode fut évoqué à 'audience mais sans trouver d'explication sûre.



La violence venait de la menace d’être expulsé du groupe. Si on le quitte, on retourne dans un monde de perdition. Il y a infantilisation, c’est sûr



Les parties civiles ont été interrogées, le président de la Cour ne cesse de leur demander si ce qu’elles ont vécu correspond à cette définition de l’emprise.





Même si l’audience est publique, les bancs du public était très clairsemés, Et nous nous abstiendrons de détailler les parcours individuels de toutes les personnes.

Quelques conclusions en ce qui concerne notre problématique. Certaines parties civiles étaient en mal-être et dans un premier temps ont trouvé du réconfort auprès de la prévenue. Une entrée en secte répond à un besoin et pendant un laps de temps plus ou moins long provoque une sensation de mieux-être: sinon, les dérives sectaires seraient inexistantes.

L'une d'elles a expliqué le déclic qui avait enclenché le mécanisme de sortie de la ferme des deux soleils. Lors d'un déplacement à l'extérieur pour le compte du groupe, elle entendait les gens autour d'elles parler de cinéma, de vacances... tout ce dont elle était privée.

Cela peut nous rappeler le documentaire PORK AND MILK (Valérie Mrejen) qui traitait de personnes qui, en quittant le judaïsme orthodoxe, rejoignaient les milieux laïques, en Israël ou ailleurs. L'une des personnes interrogées relatait que le déclic de sa sortie avait été une sensation du vent dans sa chevelure sur une plage...

Attendons donc le verdict, plus pour ses attendus que pour le verdict, notre objectif n'est pas de nous réjouir d'un emprisonnement mais de voir les personnes libérées de l'emprise reprendre une vie normale. 



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