Avec son accord, nous invitons nos lecteurs à prendre connaissance de cet article de la revue Golias (Golias Hebdo numéro 853 semaine du 20 au 26 février 2025).
Sa pondération, exempte de tout esprit politicien, la densité des témoignages et la clarté du rappel final des dispositions juridiques régissant les différents délais de prescription en font un élément d’information précieux qui se démarque du flot ambiant.
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Golias Hebdo
Bétharram l'omerta : Bayrou la vérité en face
130 victimes de l’institution catholique Notre-Dame de Bétharram dans les Pyrénées-Atlantiques se sont fait connaitre auprès du procureur de Pau pour des faits de violences physiques, d’agressions sexuelles ou de viols entre les années 1950 et 2000. 60 d’entre elles concernent à ce jour des violences sexuelles. Une enquête préliminaire a été ouverte ler février 2024. Président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques de 1992 à 2001, ministre de l’Education nationale de 1993 à 1997 et maire de Pau depuis 2014, François Bayrou a-t-il une quelconque responsabilité et savait-il ce qui se passait à Notre-Dame de Bétharram, cet établissement d’enseignement privé sous contrat ?
François Bayrou est apparu touché et bouleversé à la sortie de l’entretien qu’il avait organisé ce 15 février à la mairie de Pau avec le collectif des victimes de l'institution du collège et lycée de Bétharram. Durant plus de trois heures, il a écouté le vécu et les abus subis. « C'était le surgissement d’un continent que j’ignorais, certifie le Premier ministre à la sortie de l’entrevue. Des actes d’une violence insoutenable et des agressions sexuelles abominables... L’expression de la vérité... »
Mais de quelle vérité parle-t-on ? De celle des victimes ?
« Entendez dans ces lieux la souffrance de tous ces enfants... Comment ça fait mal, la souffrance ! Entendez ces cris indélébiles qui resteront à jamais gravés au fond de nos tripes... », a lancé Alain Esquerre, porte-parole du collectif des victimes de Bétharram au Premier ministre et à la presse. Cette journée, qualifiée d’historique par plusieurs victimes, semble avoir apaisé et pansé pour certains la sensation du traumatisme. « C’est une journée qui nous a transportés », décrit Pascal (ancien élève). « Il y a eu beaucoup d’émotion et une écoute parfaite de la part de François Bayrou. J’ai eu le sentiment d’avoir tourné une page et d’avoir fait un pas en avant pour que toute la lumière soit faite sur Bétharram. Ce que Bayrou vient de faire, la Conférence des évêques de France et la congrégation de Bétharram ne l’ont pas fait. » Pour Pierre, élève de 1977 à 1984, c’est une révélation après un long tunnel. « Après avoir écouté le discours d'Alain et du Premier ministre français, je me sens enfin justifié », écrit-il sur le groupe Facebook créé par Alain Esquerre. « Ce que nous avons vécu n'était pas une banalité, mais un calvaire d’enfance. Il y a des moments dans la vie, où nous sommes confrontés à l'adversité, à la critique et au doute, non seulement de la part des autres, mais aussi parfois de nous-mêmes. Dans ces moments-là, on peut avoir l'impression que le monde est contre nous, que les choses auxquelles nous croyons, les chemins que nous avons choisis, sont tous erronés. Nous nous demandons si la lutte en vaut la peine, si le poids de l'incompréhension disparaîtra un jour. » Pierre a subi des attouchements de la part du surveillant général de l’époque et déplore la prescription des faits due au dépassement du délai de prescription. Après une garde à vue, son agresseur vient d'être relâché.
Alain Esquerre attendait de la part de François Bayrou de l’écoute et une réelle compassion pour les victimes. Il l’a senti sincère. Mais comment ne pas l’être ? Comment en arrive-t-on à de telles extrémités sur des enfants, sans qu’une voix intérieure ou supérieure ne vienne briser cet engrenage et remettre à leur place, l'amour et l'empathie que l'on doit à son prochain et aux plus faibles. Un manque d'humanité où les pervers se pardonnent entre eux afin de s'octroyer le paradis et l'absolution de leur Créateur. Des prédateurs qui ciblaient leurs victimes chez les élèves les plus fragiles, le plus souvent vivant à l’internat, sans contact journalier avec leurs parents. Des enfants qui porteront tous, en eux, le même sentiment de trahison et dont la vie a été modifiée, brisée et la parole étouffée.
De la vérité connue ?
« Entendez comment ça fait mal à chacun de nous, de nous retrouver ici pour dénoncer l’omerta, le non-dit, l’hypocrisie d’un système qui nous a broyés » scande Alain Esquerre. Il ne faut pas mentir, la réputation sévère et rigide de cette institution privée catholique, très réputée à l’époque dans la région des Pyrénées-Atlantiques, était connue de tous. Mais se plonger dans les récits de violences, d’agressions sexuelles et de viols subis par certains anciens élèves de l’institution, a été, lors de mon reportage : « Bétharram, voyage au bout de l’enfer »1, un choc insoutenable. Les récits mettent à jour une perversité systémique et des méthodes éducatives récurrentes, utilisant la peur et les châtiments corporels, entraînant traumatismes, révoltes ou soumissions. « Des témoignages concordants, souligne François Bayrou alors que les victimes ne se connaissaient pas. Certains pensant être seuls à vivre ça. » Un modèle éducatif que l'on retrouve dans de nombreux établissements d'enseignement catholique ou de rééducation pour enfants comme l’institution religieuse de Riaumont, l’internat des Béatitudes à Autrey, la congrégation du Bon Pasteur, le lycée Stanislas où des faits similaires ont surgi plusieurs années après. Une ambiance propice à un certain entrisme règne dans ces milieux où les prédateurs se protègent en entretenant des conditions favorables à leurs méfaits. Ainsi, fermer les yeux sur les actions délictueuses de violence ou d’abus perpétrés par des assesseurs ou des pairs leur assure des années d’omerta. À Bétharram, les agresseurs furent des prêtres, des prêtres directeurs, des laïcs et même des élèves. Ce n’est pas le procès de François Bayrou que dénonce Alain Esquerre, mais le procès de tout un système qu’il met à jour. Il désigne les dysfonctionnements des services de l’État, de l’Éducation nationale, du corps enseignant qui « à quelques exceptions près a laissé faire sans réagir pendant plusieurs décennies ». Et il en appelle aussi à la responsabilité de la congrégation des pères de Bétharram qui a brillé « par son inaction et son réflexe de protection ». Joint la veille de cette rencontre avec François Bayrou, Alain Esquerre avait le souhait que « les pères reconnaissent l'intégralité des dommages et plaident coupable ». Où sont-ils aujourd'hui ?
De la vérité inavouable que l’on n’a pas voulu voir ?
Interrogé par plusieurs députés, François Bayrou affirme devant l’Assemblée nationale et dans la presse ignorer les violences physiques et les agressions sexuelles qui ont eu lieu à Bétharram.
Pourtant, François Bayrou est ministre de l'Éducation nationale (1993-1997) lors de la première plainte en février 1996 contre l’institution. Jean-François Lacoste-Séris, le vice-président de l’association des parents d’élèves, porte plainte pour « coups et blessures volontaires » et « traitements inhumains et dégradants » à l’encontre de son fils de quatorze ans mis « au perron » sur le bord du Gave à moitié nu, pendant plusieurs heures. Une alerte avait déjà été faite en 1993. Le jeune homme avait été frappé par le même surveillant et avait perdu quarante pour cent de son audition. Le surveillant général impliqué affirmera au tribunal « avoir usé de son devoir de correction afin de préserver la discipline de l’établissement ».
Pour cette « claque », François Bayrou dit avoir fait tout ce qu’il devait faire à l’époque. Il demande une inspection générale de l’établissement dont le rapport, au bout du compte, est rassurant. « Notre-Dame de Bétharram n’est pas un établissement où les élèves sont brutalisés. » L’inspecteur de l’époque comprend aujourd'hui que ce rapport ne tient pas la route. « Je n’ai pas cherché à savoir ce qui se passait dans les dortoirs ou dans des lieux de rencontre des élèves. Je suis reparti de l’établissement en ignorant totalement ce qui est actuellement reproché. »
L’omerta a bien fonctionné, et comme l’explique Adrien (ancien élève) présent sur le plateau du Petit Quotidien ce 19 février 2025, « là-bas, si vous parliez, vous ramassiez après ». D’ailleurs, François Bayrou le confirme dans son discours qui a suivi son entretien avec le collectif des victimes. « C’est toujours pareil dans les affaires de violence de cet ordre, on peut vivre à côté sans le savoir. » Et François Bayrou est certainement honnête lorsqu’il dit : « Croyez-vous que si j’avais eu connaissance d’agressions et de viols, j’aurais laissé là mes enfants ? » Par contre, il n’est pas tolérable de justifier l’ignorance des faits par le silence des victimes : « Et puis il y a tous ceux qui, depuis cette époque, se sont tus. C’était très frappant. Plusieurs des membres de la délégation ne savaient pas. Ils pensaient être tout seuls à subir ça. » Les victimes ne sont pas responsables du processus fomenté par le système qui les a broyés.
Et outre les responsabilités personnelles, le sentiment du déshonneur vécu par certains Béarnais et dont fait partie François Bayrou incombe, si on y réfléchit, à la responsabilité collective. En mai 1996, soit trois mois après la plainte déposée par Jean-François Lacoste-Séris, François Bayrou défendra l'institution de Bétharram et s’épanchera en ces termes lors de l’inauguration des travaux de réfection de la chapelle qu’il effectuera avec le ministre de la Culture de l'époque Philippe Douste-Blazy : « Nombreux sont les Béarnais qui ont ressenti ces attaques [contre Bétharram] avec un sentiment douloureux et un sentiment d’injustice. Ce n'est pas le ministre, ce n'est pas le parent d'élèves qui parle, c'est le Béarnais. »
De la vérité d’agir en vérité ?
Deux ans plus tard, le père Pierre Salviet-Carricart est mis en examen pour viol sur mineur. Cet ancien directeur de l’école, qualifié par une victime comme étant « l’Abbé Pierre du Béarn », est placé en détention provisoire le 28 mai 1998 par le juge d’instruction Christian Mirande. Cette incarcération suscite beaucoup d’émotion dans la région et le procureur général informe immédiatement la Chancellerie par téléphone.
Pourquoi, alors que le juge Mirande a deux plaintes pour viols répétés sur son bureau, le père Salviet Carricart est remis en liberté le 9 juin 1998 par la chambre d’accusation, composée de trois magistrats et d’un avocat du parquet général sans aucune contrainte d’un contrôle judiciaire quelconque ? « J’étais en passe de formaliser la mise en cause du prêtre dans une troisième affaire, avait précisé le juge Mirande à Golias en juin 2024 et je devais l’entendre en janvier 2000 au sujet de cette deuxième plainte, mais il ne s’est pas présenté. » Le père Pierre Salviet-Carricart se suicide à Rome. L’action publique est arrêtée. Il est enterré le 10 février 2000 au cimetière de Bétharram. Élisabeth Bayrou est présente ainsi qu’un nombre important de personnalités.
Si François Bayrou était au courant de l’affaire du père Carricart, comme l’affirme le Juge Mirande, ainsi qu’Alain Hontang, le gendarme en charge de l’enquête, François Bayrou n’est plus ministre de l’Education depuis 1997, mais président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques (1992 à 2001). Une chose est certaine : chacun selon sa fonction aurait dû actionner tous les leviers pour enquêter et vérifier. Faut-il rappeler que ce sont des enfants qui étaient concernés ! Trois signalements écrits ont été adressés à l’ancienne garde des Sceaux Élisabeth Guigou entre 1998 et 2000, prévenant, selon l’AFP, « d’une possible affaire de grande ampleur au sein de l’établissement catholique de Notre-Dame de Bétharram ». S’il s’avérait que François Bayrou était informé, d’autres personnalités de par leur fonction auraient dû réagir. Pourquoi ne s’est-on pas inquiété au sujet d’éventuelles autres victimes ? Pourquoi d’autres inspections n’ont pas été demandées par le ministre en place de l’Éducation nationale ? Qu’a fait la direction diocésaine de l’enseignement catholique à l’époque ?
Françoise Gullung, qui avait témoigné dans Le Point en juillet 2024, récidive chez Médiapart le 20 février. Dans une vidéo, elle détaille les alertes qu’elle a lancées entre 1994 et 1996 alors qu’elle était enseignante au collège Notre-Dame de Bétharram. Elle confirme à la cellule investigation de Radio France, le 21 février, sa rencontre avec Mme Bayrou. Elle précise avoir alerté la direction diocésaine de l’enseignement catholique qui lui aurait répondu qu’elle exagérait. Elle écrit alors au médecin directeur de la PMI de l’époque et à François Bayrou. Elle raconte aussi s’être retrouvée un jour au collège, avec Mme Bayrou qui enseignait la catéchèse, dans une situation où elles auraient dû intervenir en faveur d’un enfant qui subissait des violences et qui demandait grâce. « Je regrette de ne pas avoir foncé et ouvert la porte, mais je venais d’arriver au collège. » Elle tente alors d’alerter François Bayrou, le 17 mars 1997, lors d’une cérémonie à Pau, à laquelle ils étaient présents. Lui ne s’en souvient pas. « Jamais personne ne m’a alerté sur ce sujet, du moins dans mon souvenir. » À l’époque, elle a remis la copie de ses lettres au père directeur, le père Landel. Elle est alors mise au ban de l’administration de l’école qui oublie de la convoquer à certaines réunions et conseils de classe.
Le silence des pères
Qu’en est-il alors du silence et de la responsabilité despères de Bétharram et de l’Église ? Qu’a fait le père Couture alors directeur de l’établissement, lorsque le père Descomps, directeur de conscience de Jean-Marie Delbos, le prévient en 1962 des agressions sexuelles que l’enfant a subies entre 1956 et 1961 de la part du père Henri Lamasse dans le dortoir de l’apostolicat, l’internat destiné à de futurs séminaristes ? « Il m'a convoqué avec force et menaces, mais je n’en avais cure », raconte Jean-Marie Delbos, soulagé dans un premier temps que le père Henri Lamasse soit relevé de sa garde au dortoir. Plus tard, le directeur, flanqué de deux autres prêtres, ira menacer sa grand-mère qui l’élève seul, lui et ses sœurs : « Si cette affaire a une suite, nous vous ferons saisir vos biens. » Si les responsables de l'institution de Notre-Dame de Bétharram n'avaient pas couvert à l’époque les agressions de Jean-Marie Delbos, auraient-elles continué ?
Dans une lettre adressée à son bourreau, le 11 novembre 2016, jean-Marie Delbos résume parfaitement la situation : « En 1962, quand votre hiérarchie a eu connaissance des faits vous concernant, elle a omis délibérément de rendre compte au procureur de la République du département, comme la loi les y obligeait. » Des années plus tard, Jean-Marie Delbos déposera deux plaintes à l’encontre du père Henri Lamasse, en 2010 et en 2016. Les faits sont prescrits, mais elles auront par contre, des répercussions au sein du diocèse jusqu’à encore très récemment. À la suite de la première plainte en 2010, le père Henri Lamasse est envoyé en Palestine. Mgr Aillet - l'évêque du Béarn - (adressera, le 18 mai 2016, à la suite de la deuxième plainte un courrier à Jean-Marie Delbos dans lequel il écrit : « Quand les pères de Bétharram ont été saisis de votre légitime plainte, le P. Lamasse était en poste dans le diocèse de Limoges. En lien avec l'évêque de Limoges, le P. Lamasse a été démis de toutes ses fonctions et un signalement a étéfait au procureur de la République. Les faits étant prescrits, le P. Lamasse a été transféré dans un couvent en Terre Sainte. »
Le 19 juin 2016, une première rencontre a lieu chez Jean-Marie Delbos autour d’un déjeûner préparé par le maître de maison lui-même. Sont présents le père Gaspar Fernández Pérez scj, supérieur général de la congrégation, le père Jean Dominique Delgue, vicaire général des Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram, le père Laurent Bacho, responsable de la cellule d‘écoute des victimes de pédophilie au sein de la congrégation et Mgr Aillet. Une procédure canonique est alors enclenchée à l’encontre du prêtre. Le père Jean Dominique Delgue, informé par le père Gaspar Fernández Pérez scj, prévient Jean-Marie Delbos par courrier. « Le dossier instruit a été déposé, hier matin, le 17 octobre 2016, à la Congrégation de la Doctrine de la Foi au Vatican à Rome. » Six mois plus tard, le 22 novembre 2017, Jean-Marie Delbos est convoqué au presbytère de Navareinx par le père Gustavo Agín, réélu en 2023 à la tête de la congrégation en tant que supérieur général des pères du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram, pour l’informer du résultat de l’enquête canonique. Sont présents, Mgr Marc Aillet, le père Jean-Dominique Delgue et le père Laurent Bacho.
Le père Gustavo Agín explique : « Le père Henri Lamasse restera à Bethléem. » Il sera interdit de tout ministère et ne devra pas célébrer la messe en public. Mais en 2019, le père Henri Lamasse est de retour à Bétharram à l’Ehpad de la congrégation. Quelle claque pour Jean-Marie Delbos dont la colère enfle. « Comment des responsables religieux ont-ils pu laisser un tel prédateur se mouvoir dans toutes les couches de la société ? Pour Jean-Marie Delbos, c’est inconcevable. Toute sa vie, vous imaginez, non, vous n'imaginez pas ! » Le 6 novembre 2021, il est sur le parvis de la cathédrale de Lourdes lors de la conférence des évêques de France, pour dénoncer les violences sexuelles vécues à Bétharram. « J’étais parti pour la gloire ! », dit-il avec humour. Mais il ne suscite pas grand intérêt de la part des évêques présents. Un seul lui parlera. Le 16 mars 2024, il envoie une lettre à François Bayrou qui restera sans réponse.
La congrégation de Bétharram a reconnu les agressions sexuelles de la part du père Henri Lamasse à son encontre et Jean-Marie Delbos a été indemnisé en 2022 par la CRR, la Commission de Réparation et de Reconnaissance des violences sexuelles commises par des membres des instituts religieux. Le 20 février 2025, le père Henri Lamasse qui a été entendu par la gendarmerie de Pau dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte le 1ᵉʳ février 2024 a été relâché, mais a reconnu les faits envers Jean-Marie Delbos.
Aujourd’hui, la Conférence des évêques de France déplore « des faits graves », mais qu’a-t-elle fait en 1998 ? Qu’à fait Mgr Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron depuis 2008 ? Il se dit terriblement choqué par les abus sexuels à Notre-Dame de Bétharram. Et qu’on fait les responsables des pères de Bétharram ? Le père Landel, directeur de l’établissement de 1993 à 2000 ? Il est envoyé au Maroc en février 2000 pour être consacré archevêque coadjuteur de Rabat. Puis archevêque le 5 mai 2001. Il démissionnera en décembre 2017. Les alertes sont passées sous les radars et l’omerta a étouffé les plaintes.
Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique réagit enfin le 20 février : « Toute la société est responsable. Il n ’y a pas que l’école, il n ’y a pas que l’école catholique », insiste-t-il, sur RMC. Élisabeth Borne, l’actuelle ministre de l’Éducation nationale, admet que l’État n’a pas été au rendez-vous dans cette affaire. « C’est difficile de comprendre pourquoi on n 'a pas réagi plus tôt. C’est pour cela qu’il faut que l’on agisse en renforçant les contrôles. » La Ciivise, chargée de conseiller le gouvernement dans la lutte contre la pédocriminalité, vient de demander un audit global sur les dispositifs d’alerte existants dans tous les établissements accueillant des enfants. Ségolène Royal, mise en cause en tant que ministre déléguée de juin 1997 à mars 2000, à l'enseignement scolaire auprès du ministre décédé de l’Éducation nationale Claude Allègre, avait pourtant mis en place la circulaire Royal, le 26 août 1997. Ce texte, visant les agents publics dans l'exercice de leurs fonctions, rappelle l'obligation légale faite à toute personne de signaler aux autorités judiciaires tout crime ou délit dont elle aurait eu connaissance. Le délit de non-dénonciation étant condamné par l’article 434-3 du Code Pénal. D’ailleurs, une proposition de loi a été déposée le 19 novembre 2024 afin que les délais de prescription de non-dénonciation et du délit d’omission de porter secours coïncident avec les délais de prescription des crimes et agressions sexuelles sur mineurs qui commencent à courir à la majorité de la victime. Selon la loi « Schiappa » du 3 août 2018, pour un viol commis sur une personne mineure, le délai de prescription est de 30 ans, pour une agression sexuelle, de 10 ans et si l’agression est commise par plusieurs personnes ou par un ascendant, de 20 ans.
En 2021 est entrée en vigueur la notion de prescription glissante. Si l’auteur d’une agression ou d’un viol sur mineur récidive, le délai de prescription de la première agression est prolongé jusqu’à la date de prescription de la nouvelle. Une notion importante pour les victimes mineures de Bétharram. À ce jour, une seule personne a été mise en détention provisoire pour des faits non prescrits. Toutes les plaintes d’agressions sexuelles et de viols ne seront pas toutes recevables par le procureur en raison de ces délais de prescription.
A quand l’imprescriptibilité des violences sexuelles faites aux mineurs ?
La récupération politique dénoncée dans cette affaire a le bon ton de faire avancer l’enquête et de rendre publique les violences et les agressions sexuelles faites aux enfants dans notre société. Le collectif des victimes de Bétharram souhaite que les violences sexuelles deviennent une cause nationale, que des inspections aléatoires interviennent dans les internats et que des cours de sensibilisation à la pédocriminalité soient mis en place dans les écoles de France. Par ailleurs, ils demandent qu’un fond d’indemnisation soit créé pour les victimes d‘abus physiques et sexuels de la part de laïcs.
Ils portent aussi des responsabilités dont ne peuvent pas s’exonérer les responsables qui les engagent, selon François Bayrou. Mais le chemin semble encore long, le programme Evars, lancé le 5 février dernier par le gouvernent et le ministère de l’Éducation nationale sur l’éveil à la vie affective, relationnelle et sexuelle, ne fait pas l’unanimité. Le secrétaire général de l’enseignement catholique, Philippe Delorme, émet des réserves. Le programme a été vivement critiqué par certains groupes conservateurs catholiques. L’enquête, elle se poursuit et les différents Provinciaux de la congrégation devraient, selon une source, être convoqués pour être entendus. Le jeudi 27 février, les victimes sont convoquées au tribunal de Pau pour une réunion d‘information avec la gendarmerie et le procureur Rodolphe Jarry. Affaire à suivre... D'autant qu"une plainte - pour non dénonciation de crime et délit - visant François Bayrou a été déposée le 21 février dernier.
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