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lundi 18 janvier 2021

Les écoles démocratiques, notre enquête, nos résultats provisoires

Les écoles démocratiques constituent l’un des réseaux d’établissements privés hors contrat qui cherchent à fournir une alternative à l’éducation nationale. Leurs principes sont clairs : l’enfant n’apprend jamais  mieux que quand il le souhaite et suivant la manière qu’il veut. Il n’y a pas d’inégalités entre adultes et enfants, parfois il est question, non pas d’élèves, mais de citoyens.  Les enseignants ne sont pas nommés comme tels, ce sont des « facilitateurs », et ces principes ne sont pas sans conséquences sur le fonctionnement quotidien de ces écoles.

Nous avons eu accès à trois séries de rapports d’inspection. Suivant la règle que nous nous sommes déjà fixée, nous ne reproduirons littéralement aucune phrase de ces documents administratifs, et nous ne précisons pas de quels établissements il s’agit.  Nous avons déjà eu l’occasion d’exprimer cette intention, mais cela va toujours mieux en le disant : nous ne souhaitons pas compliquer la tâche des personnels d’inspection.

Quelles conséquences ? Tout d’abord,  ces écoles sont régies par des décisions collégiales où enfants et adultes disposent de la même voix. Dans un de ces documents, est décrite la tenue d’une instance disciplinaire lors de laquelle les enfants sont majoritaires, l’élève sanctionné ne comprenant pas ce qui pourrait lui être reproché. Il n’y a pas de cours, pas de programme précis, les facilitateurs restent à la disposition des enfants quand ils le souhaitent. Ainsi sont parfois décrites des scènes étonnantes : des élèves jouant aux policiers avec des armes factices, d’autres montant sur les tables, ou jouant avec un téléphone portable, dans un environnement au niveau sonore élevé, ou encore dans un autre cas des enfants groupés dans une salle multimédia et maniant tablettes et portables. Les inspecteurs ont eu du mal à trouver des traces écrites des travaux d’élèves. Un inspecteur dans son rapport rappelle un élément du socle commun de connaissances : « l’élève sait se constituer des outils personnels grâce a ses écrits de travail, y compris le numérique : notamment prise de notes, brouillon, fiches, lexique, nomenclature, carte mentale, plan, croquis, dont il peut se servir pour s’entraîner, réviser, mémoriser… ». Et un autre inspecteur cite l’article 131–12 du code de l’éducation, qu’il semble utile de rappeler : «  L’acquisition des connaissances et compétences est progressive et continue dans chaque domaine de formation du socle commun de compétences et de culture et doit avoir pour objet d’amener l’enfant, à l’issue de la période de l’instruction obligatoire, à la maîtrise de l’ensemble des exigences du socle commun. La progression retenue doit être compatible avec l’âge de l’enfant et son état de santé, tout en tenant compte des choix éducatifs effectués et de l’organisation pédagogique propre à chaque établissement ».

Pour l’une des trois écoles inspectées, le bilan est varié, et nous entendons rester impartiaux. !  Un premier rapport, décrit des élèves désoeuvrés qui s’occupent comme ils peuvent. En revanche, un deuxième rapport, plus récent, s’avère plus nuancé. Il décrit une vie démocratique  intense au sein de l’école, le souci d’une relation de respect des enfants en vue de son plein épanouissement.  Il est relevé également un cadre chaleureux. L’objectif de l’école serait d’accueillir des jeunes en rupture avec l’école traditionnelle en vue de les aider à se reconstruire et retrouver l’estime. Mais le fonctionnaire d’inspection relève également l’absence de toute planification des acquis, et recommande de ne pas s’en tenir  à la disponibilité des facilitateurs.  Telle quelle, l’organisation de l’école ne permettrait pas une constance des efforts d’apprentissage..  Et l’inspecteur d’estimer compatible le fonctionnement de cette école avec les valeurs de la République. Nous n’avons pas voulu bien entendu ne disposer que d’un seul document, nous disposons de trois séries de rapports  et nous nous sommes efforcés en les synthétisant de rester aussi objectifs que possible.

Nous avons déjà noté la proximité des Colibris avec la mouvance steinerienne, qui comprend le réseau des écoles Waldorf dont certaines (peut-être toutes mais nous ne l’avons pas établi) sont « acteurs colibri ». Il en est de même du réseau distinct des écoles démocratiques dont nombre d’entre elles figurent sur la carte des acteurs colibris. Ci-dessous une citation d’un entretien avec le fondateur de l’école dynamique de Paris, qui fondera par la suite le village démocratique de Pourgues dans l’Ariège ayant fait l’objet d’un de nos récents billets :

L’École Dynamique de Paris a ouvert ses portes en septembre 2015. Inspirée de la pédagogie Sudbury, cette école abolit les notions de réussite ou d’échec, donne à ses "membres" une autonomie sur leur devenir, et replace la motivation au cœur de l’apprenti (…)

Comment fais-tu ta part en tant que Colibris ? « Ma part, je suis en train de l’apporter clairement en tant que créateur de cadres permettant l’épanouissement individuel, et en tant que créateur de l’École Dynamique. J’espère que ça pourra inspirer d’autres petits colibris ! C’est déjà en train de se passer : il y a une quinzaine d’écoles similaires à la nôtre qui sont en train de se créer en France.(…) D’où l’idée d'un écovillage, autonome et intergénérationnel, que je suis en train de créer avec un groupe en Ariège… »

Comme souvent nous laissons nos lecteurs se forger leurs propres conclusions provisoires.

 

jeudi 14 janvier 2021

mardi 5 janvier 2021

L'instruction en famille (suite)



L'INSTRUCTION EN FAMILLE:

Pour faciliter la compréhension de nos lecteurs, nous précisons un peu les contours juridiques de l’instruction en famille. Que les juristes qui n'en ignorent rien veuillent bien nous excuser.
 
À l’occasion d’une procédure devant le Conseil constitutionnel, les Sages peuvent ériger une loi ou une notion en principe fondamental reconnu par les lois de la république, qui acquiert dès lors une valeur constitutionnelle et ne peut recevoir de modification par voie législative. C’est le cas de principes tels la dignité humaine, la liberté de l’enseignement, la liberté d’association, la liberté  des professeurs d’université. D’après l’auteure du blog, les craintes gouvernementales seraient que le Conseil constitutionnel érige la liberté d’instruire en famille en principe à valeur constitutionnelle.

 
De la même façon, Madame Letteron, qui enseigne le droit à l'Université, cite deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme.
 
Cette juridiction est placée sous l'égide du Conseil de l’Europe. Après-guerre, aucun traité contraignant n’avait été signé en application de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Aussi les États européens ont-ils élaboré leur propre traité.
 
Quelques articles reprennent, parfois en suivant de très près des dispositions de la Déclaration universelle, en apportant des limitations. pour certains articles.
La plupart des articles était consacrée à la procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme...
 
Dans les faits, les traditions juridiques des États membres étaient fort diverses. Aussi le traité européen n'a retenu que des grands principes dans lesquels tous les Etats, au-delà de cette diversité des traditions, pouvaient se reconnaître. Et la Cour européenne a toujours reconnu, en respectant l’histoire de chaque État membre, une marge d’appréciation .
 
C’est ainsi qu’elle n’a pas condamné la Grande-Bretagne pour son acceptation de l’instruction en famille,  Elle n’a pas non plus condamné la République fédérale allemande qui, saisi par un couple d’évangéliques qui souhaitait retirer ses enfants de l’école, s'était vu refuser ce droit. En Allemagne, les enfants sont tenus de fréquenter une école publique ou privée agréée par l’État.
 
Les liens vers ces arrêts se trouvent inclus dans l’article du blog de Madame Letteron, nous donnons ici le résumé de l’article de l’arrêt concernant la république fédérale allemande. Autoriser ou interdire l'instruction hors de l'école, ce choix ne relève donc pas de la jurisprudence de la Cour. Les deux alternatives peuvent être mises en oeuvre dans le respect des droits de l'Homme tels que la jurisprudence de la Cour européenne les conçoit.

Voici le cadre juridique et des éléments de réflexion, en revanche, s'il appartiendra à l’exécutif et aux juridictions françaises d’apprécier la légalité d’une limitation de l’instruction en famille, nous pouvons, en reconnaissant aux partisans de la déscolarisation la liberté d'expression, pouvoir nous exprimer nous aussi en affirmant notre préférence pour une école publique  qui éduque au respect de l’autre, et qui, surtout, permet à des enfants issus de milieux sociaux philosophiques et politiques dissemblables, de se connaître et de s’apprécier au-delà des différences. 

Nous ressentons l'action du groupe de pressions en  faveur de l'instruction à domicile comme un pierre dans le jardin des laïques: pour preuves cette vidéo de T.CASASNOVAS: les personnes interrogées (descolarisation.orgune heure exactement après le début de la conversation, émettent le souhait que l'expansion de cette pratique mène à la fermeture d'écoles! 
 
 
 

ANNEXES

Voici donc le texte du résumé de l'arrêt de la Cour européenne tel qu'il figure sur son site:

Les parents requérants, qui font partie d’une communauté chrétienne, refusent que leurs enfants fréquentent quelque établissement que ce soit (privé ou public) à cause des cours d’éducation sexuelle, de l’étude de contes de fées en classe et de la violence physique et psychologique croissante entre élèves. Ils éduquent leurs enfants chez eux en se basant sur le programme d’une institution spécialisée qui aide les parents chrétiens dans cette tâche mais qui n’est pas reconnue par l’État comme une école privée. Ils déposèrent au nom de leurs enfants une demande de dispense pour motifs religieux de la scolarité obligatoire à l’école primaire. L’inspection académique rejeta la demande et ce refus fut confirmé par les tribunaux allemands, qui motivèrent leurs décisions comme suit. Du fait de leur jeune âge, les enfants des requérants étaient incapables de mesurer les conséquences liées au choix de leurs parents de leur faire suivre une éducation à domicile, et ils ne pouvaient guère se déterminer de façon autonome en la matière. Même si la Loi fondamentale autorisait les parents à éduquer leurs enfants conformément à leurs convictions philosophiques ou religieuses, ce droit n’était pas exclusif : il était placé sur un pied d’égalité avec l’obligation constitutionnelle pour l’État de prodiguer une instruction. Cette obligation visait non seulement à ce que les enfants acquièrent un savoir, mais aussi à ce qu’ils deviennent des citoyens responsables jouant leur rôle dans une société démocratique et pluraliste. Seuls des contacts réguliers avec la société permettaient d’acquérir les compétences sociales nécessaires pour communiquer avec des personnes ayant des points de vue différents et pour affirmer une opinion autre que celle de la majorité. Cet objectif pouvait être atteint de manière plus efficace par la scolarité, dans le cadre de laquelle des enfants côtoient quotidiennement d’autres enfants, que par l’éducation à domicile. L’intérêt général de la collectivité étant d’intégrer les minorités et de prévenir l’émergence de sociétés parallèles, l’ingérence litigieuse dans l’exercice par les requérants de leurs droits fondamentaux devait être jugée proportionnée et raisonnable, car les intéressés avaient toujours la possibilité d’éduquer leurs enfants avant et après l’école ainsi que pendant le week-end. Les requérants étaient également libres d’inscrire leurs enfants dans une école religieuse. De plus, du fait de l’obligation de neutralité religieuse à laquelle étaient soumis les établissements scolaires, les enfants des requérants ne risquaient pas d’être endoctrinés contre leur gré ni d’être influencés par des superstitions. Quant à la question de la violence, les requérants ne prétendaient pas que les autorités scolaires restaient en défaut de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les mauvais traitements entre élèves.

La Cour rappelle que des parents ne peuvent invoquer leurs convictions pour refuser à un enfant le droit à l’instruction. La nature même de ce droit exige une réglementation de la part de l’État, qui dispose d’une certaine marge d’appréciation pour fixer et interpréter les règles régissant son système éducatif. Il apparaît qu’il n’existe pas de consensus entre les États contractants quant aux mérites respectifs de l’éducation à domicile et de la scolarité obligatoire dans le primaire. Les juridictions allemandes ont considéré que la première n’est pas aussi efficace que la seconde pour atteindre les objectifs d’intégration dans la société et d’acquisition de compétences sociales. Cette conclusion relève de la marge d’appréciation dont jouissent les États en la matière et est compatible avec la jurisprudence de la Cour qui souligne l’importance du pluralisme pour la démocratie. En outre, le droit pour les parents de donner à leurs enfants une instruction conforme à leurs convictions religieuses n’a pas fait l’objet d’une restriction disproportionnée : manifestement mal fondée.



Maintenant un extrait du rapport OBIN rédigé par des inspecteurs généraux de l'Education nationale en 2004:


La plupart des cas de déscolarisation n’ont pas de motif religieux. C’est le handicap, la maladie, le « décrochage », la délinquance ou la marginalité qui les motivent. Cependant nous avons rencontré, dans certains départements visités, quelques petits groupes religieux refusant de scolariser les enfants. Ainsi, aux confins sud-est du Massif Central, un groupe protestant, les ravinistes, ne scolarise les enfants dans le primaire qu’à plusieurs conditions : refus de l’enseignement de l’évolution des espèces, du cinéma, de l’éducation sexuelle, de l’informatique et des cours le samedi. Ces enfants sont déscolarisés en fin de CM2 et confiés à un organisme d’enseignement à distance créé par les adeptes. Plus au nord, des deux côtés de la Saône, un groupe catholique, pratiquant son culte clandestinement et connu sous l’appellation « les Blancs », héritier de l’Eglise réfractaire de la Révolution, ne scolarise pas non plus ses enfants. Enfin, dans la banlieue d’une grande ville de la vallée du Rhône, des familles musulmanes regroupées autour d’un imam refusent également l’école. Par ailleurs, dans un très petit nombre de cas, des élèves filles ont choisi de démissionner de leur établissement à la suite d’un conflit portant sur le voile ou la tenue islamique qu’elles portaient. La plupart n’étaient plus soumises à l’obligation scolaire.