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lundi 30 septembre 2024
Témoins de Jéhovah et transfusion sanguine, suite : un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 17/09/2024.
La Cour s'exprime sur une condamnation de l'Espagne par les juges de Strasbourg, sur la requête d'une femme à laquelle son appartenance aux témoins de Jéhovah interdisait toute administration de sang humain.
Nous reproduisons ci-dessous le texte de la page pertinente du site de la Cour européenne des droits de l'homme.
Arrêt de Grande Chambre concernant l’Espagne 17/09/24
" Dans
l'affaire Pindo Mulla c. Espagne, la Cour a conclu à la violation du droit
au respect de la vie privée et familiale lu à la lumière du droit à la liberté
de pensée, de conscience et de religion.
L’affaire
concernait des transfusions sanguines qui ont été administrées à la requérante,
témoin de Jéhovah, au cours d’une intervention chirurgicale d’urgence, alors
que l’intéressée refusait tout type de transfusion sanguine.
La Cour a jugé que l’autorisation de procéder à ce traitement avait été donnée à l’issue d’un processus décisionnel qui a pâti de l’omission d’informations essentielles concernant l’enregistrement des souhaits de la requérante, lesquels avaient été consignés par écrit sous différentes formes et à différents moments. Étant donné que ni la requérante ni quiconque ayant des liens avec elle n’a eu connaissance de la décision d’autoriser tous les traitements qui avait été rendue par la juge de permanence, il n’était pas possible qu’il fût remédié à cette omission. Or ni ce point ni la question de la capacité de la requérante à prendre une décision n’ont été abordés de manière adéquate dans le cadre de la procédure qui a été menée par la suite. Le système national n’a donc pas apporté une réponse adéquate au grief de la requérante consistant à dire que c’était à tort que l’on avait passé outre à ses souhaits. "
Notre point de vue :
En l'occurrence, le
pronostic vital était engagé. En France, pour résumer malgré des nuances, le
droit à la vie prime sur la liberté de conscience. Le premier est un droit
fondamental et absolu qui ne souffre aucune restriction, tandis que la seconde
est formulée par un article qui en énonce les limitations possibles.
Nous l'avons déjà déclaré,
c'est une conception humaniste que nous pensons exprimer : la vie humaine
prime.
Nous ne soutenons pas cette idée parce que ce sont les Témoins de Jéhovah qui sont les requérants, mais parce que, pour nous, le droit à la vie, comme l'interdiction de l'esclavage et de la torture, est un droit absolu qui n'est pas limité.
Cet arrêt aura-t-il
des conséquences sur la jurisprudence nationale ? Nous ne le souhaitons pas,
bien entendu.
Une fois notre
point de vue exprimé, nous mentionnons ci-dessous l'information donnée par la
cour elle-même.
Trois autres liens figurent à la fin du texte auquel nous donnons accès ci-dessus (site de la Cour européenne des droits de l'homme).
Le premier, en
français, que nous recommandons à nos lecteurs réguliers, est le communiqué de
presse. C’est un document accessible qui reprend le fond de l'affaire et dont
la lecture n'est pas chronophage.
Le second, qui retransmet le prononcé de l’arrêt, est, bien sûr, un document plus dense. (retransmission en
anglais)
Quant à la retransmission de l'audience publique du 10/01/2024 (traduite en simultané) elle peut être, notamment pour les chercheurs, d'un grand intérêt malgré sa longueur et sa technicité.
vendredi 27 septembre 2024
Écolieux, fabrique de l'avenir ? Notre lecture.
Le centre écologique « Terre Vivante », en Isère, vient de publier le
livre d'un jeune homme, Théo Hareng : « Écolieux,
la fabrique de l'avenir ».
Après avoir obtenu une licence de biologie, Théo Hareng entreprend un Tour de France de lieux dits alternatifs. Il se déplace en auto-stop, plus écologique à ses yeux, car permettant d'économiser énergie et carburant. Il se nourrit en pratiquant le wwofing (World Wide Opportunities on Organic Farms).
Ce mode de vie permet de se voir assurer le gîte et le couvert moyennant à peu
près cinq heures de travail hebdomadaire, notamment auprès d'agriculteurs.
Cette pratique est parfois désignée comme bénéfique aux deux parties. L'une trouvant
une main-d'œuvre non salariée, l'autre pouvant ainsi se former aux travaux de
la ferme. Le deuxième tome de cet ouvrage est encore à paraître. Le premier décrit
un certain nombre de fermes, de communautés, de chantiers participatifs, dans
lesquels l'auteur a séjourné.
Théo Hareng se réclame explicitement de la mouvance de Pierre Rabbi
et des Colibris. À ce titre, sa lecture est utile. Il est plus constructif à
nos yeux de chercher à comprendre la démarche de ceux qui ne pensent pas comme
nous que de nous abandonner à toute invective. L’auteur se réfère également aux
« Oasis en Tous Lieux » inspirés également par les idées de
l'agroécologiste. Il distingue d'ailleurs les « oasis de vie », habités
en permanence par deux foyers au minimum, et les « oasis ressources »,
qui hébergent des activités, mais n'ont pas forcément vocation à accueillir des
résidents permanents.
Dans certaines d'entre elles, la gouvernance est partagée et l'autorité ne
s'exerce pas de manière verticale. Référence est faite à « l’Université du
Nous » de Chambéry.
Théo part donc faire un Tour de France muni d'une faible somme d'argent. On
sent la volonté de diminuer autant que possible l'empreinte carbone, et le
désir de sobriété. La sincérité de ce jeune homme ne fait aucun doute.
Il mentionne la communauté de l'Arche. Il semble d'ailleurs annoncer que son séjour fera l'objet d'un développement dans la deuxième partie de son récit. Il évoque également Longo Maï, mais il n’est pas sûr qu'un développement ultérieur lui soit consacré.
Théo vit donc de très peu, logé et nourri, et sans
frais de transport.
L'un des écolieux qu'il visite, et où il réside pendant l'absence des
propriétaires, est destiné à faire vivre un « projet porteur de sens ». Il en note
« l'orientation spirituelle » et des pratiques qui « réconcilient l'humain avec
le vivant ». Il rencontre une chamane, et assiste à un stage dans lequel il est
question de « voyage chamanique ». Un autre stage est orienté vers le
yoga, un autre comporte une session de méditation.
Il n'y a absolument rien d'illégal ni de répréhensible dans cette
démarche. Mais nous pouvons nous poser des questions.
La mouvance créée autour de la personne de Pierre Rabhi voit dans ce mode
de vie communautaire un moyen de réduire la consommation, notamment en
supprimant tout ce qui est inutile. Toutefois, dans la société, le travail est
rémunéré par un salaire. Le versement en est soumis à des retenues patronales
et salariales qui permettent de financer les retraites par répartition, les
services publics, la gratuité des soins, ou du moins de la plupart d'entre eux,
grâce à la Sécurité sociale, etc. Est-ce que le mode de vie de Théo Hareng est
vraiment, comme l'indique le titre de l'ouvrage, une « fabrique de l'avenir » ?
Serait-il possible de financer la solidarité nationale si les échanges s'opéraient
sans monnaie ? Si un économiste nous démontre que c'est possible, nous sommes
preneurs !
Nuançons cependant : si des participants à une communauté alternative
travaillent à l'extérieur ou perçoivent des revenus, ces sommes ne sont pas
concernées par notre observation. Les situations peuvent être diverses, et même
dans le « village démocratique » en Ariège, l'initiateur distinguait des
personnes qui percevaient des revenus fonciers et qui en faisaient don à la
communauté, d'autres qui percevaient le RSA, ou encore certains qui par
principe, ne le sollicitaient pas.
Sous forme d'Écovillages, d'Oasis, des communautés – d'ailleurs composées de personnes tout à fait sociables et ouvertes au monde – vivent de manière marginale de fait. Elles refusent habituellement l’Éducation nationale, au profit du hors contrat, voire de l'instruction en famille. Nous avons d'ailleurs déjà évoqué dans ce blog le « village démocratique » créé en Ariège par l'initiateur de l'École dynamique de Paris. Il voyait dans ces mises en œuvre la réalisation de sa « part de colibri ».
Souvenons-nous
également de la « Ferme des Deux Soleils », sur les contreforts du Ballon
de Servance, en Haute-Saône, où la collégialité se traduisait également par la
croyance en un archange.
Nous avons déjà reçu, verbalement, mais aussi parfois par écrit, des
signalements relatifs à des communautés alternatives. La description idyllique
qui en est occasionnellement faite dans la presse peut cacher, sans généralisation
toutefois, une certaine violence. Nous pouvons lire ce livre avec de la
sympathie pour l'auteur, visiblement bien intentionné, mais le titre peut
laisser cependant perplexe. Loin de nous l'idée de nier l'urgence écologique,
mais nous ne pouvons que rester vigilants lorsqu'on nous propose l’utopie.
L’utopie a souvent mené à une forme de totalitarisme ; l'histoire nous l'a
souvent montré.
Nous ne nourrissons aucun doute quant à la générosité et la sincérité de l’auteur
et de tous ceux qui s’engagent, à sa façon, dans une démarche de recherche personnelle
active guidée par ces mouvances. Nous les alertons cependant sur les dangers, aujourd’hui bien
documentés, de certains « voyages chamaniques » en vogue. Et nous les
invitons également à mesurer la séduction, puis exercer leur esprit critique en
se renseignant sur les véritables projets de société des organisations qu’ils
honorent de leur confiance.
Puisse, entre autres, notre blog être utile.
À bientôt.