Dans
un article récent, sur le présent blog, nous avons évoqué une jurisprudence
du conseil d'État relative au refus de la transfusion exprimé par les témoins
de Jéhovah.
Un établissement
hospitalier n'avait pas vu sa responsabilité mise en cause par la Haute
assemblée, comme l'avait demandé un disciple de cette religion qui avait reçu
une transfusion du fait du pronostic vital qui était engagé.
La cour
administrative d'appel de Bordeaux a été saisie d'un cas semblable. Elle a
conclu de manière différente. Trois transfusions avaient été administrées à une
personne qui était opposée à la cette thérapeutique. Pour les deux premières,
l'intéressée n'était pas en mesure d'exprimer son refus, et l'hôpital n'a donc
pas été jugé fautif.
La troisième
transfusion à posé problème. En effet, si le pronostic vital semblait toujours
engagé, la personne avait pu, en toute lucidité, exprimer son refus. La cour
administrative d'appel a donc estimé que l'acte médical avait été accompli en
l'absence de son consentement libre et éclairé de la personne q; elle
sera en conséquence une indemnisée.
Rappelons deux
éléments : en premier lieu, cet arrêt nous semble contrevenir à la
jurisprudence de la cour régulatrice, en l'occurrence le conseil d'État. Nous
espérons que l'établissement hospitalier se pourvoira devant les juges du
Palais-Royal. En second lieu, à l'occasion du billet dont nous venons de donner
le lien, nous rappelons notre position. Nous ne nous opposons pas
systématiquement aux témoins de Jéhovah parce qu'il s'agit des témoins de
Jéhovah. Mais nous posons le respect de la vie humaine comme un absolu. La
Convention européenne des droits de l'homme n'admet aucune limitation au droit
à la vie, ni au refus de la torture et de l'esclavage. En revanche, le droit à
la vie privée et la liberté de conscience sont soumis à des restrictions. Aussi
espérons nous que cette décision judiciaire sera réformée.
Communiqué de la
Cour et lien vers la version simplifiée de l’arrêt :
Transfusion sanguine
contre la volonté d’un Témoin de Jéhovah : la cour condamne l’hôpital
La cour
juge qu’un hôpital commet une faute s’il procède à une transfusion sanguine
contre la volonté d’un patient alors que celui-ci, en état d’exprimer sa
volonté, a réitéré son refus dans un délai raisonnable, comme le prévoit
l’article L. 1111-4 du code de la santé publique.
Hospitalisée au CHU de Bordeaux pour l’ablation de la vésicule
biliaire, une patiente avait informé le personnel médical de son refus de
recevoir l’administration de tout produit sanguin en raison de ses convictions
religieuses. L’intervention s’étant compliquée d’une hémorragie massive
menaçant la vie de l’intéressée, le personnel médical a procédé à deux
transfusions de produits sanguins alors qu’elle était inconsciente. Une
troisième transfusion a eu lieu le surlendemain alors que la patiente, qui
avait repris connaissance, avait réitéré son refus de bénéficier d’un tel
traitement.
La cour était saisie par la patiente, Témoin de Jéhovah, d’un
appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Bordeaux ayant rejeté
sa demande tendant à reconnaître le caractère fautif des transfusions
pratiquées contre sa volonté. Elle juge que l’hôpital n’a pas commis de faute
en procédant aux deux premières transfusions car le respect de la volonté de la
patiente mettait sa vie en danger, et qu’elle était inconsciente et, de ce
fait, dans l’impossibilité de réitérer son refus dans un délai raisonnable. En
revanche, la cour retient que la troisième transfusion est fautive car la
patiente avait repris connaissance et signifié de nouveau son refus d’être
transfusée, refus dont le personnel médical lui avait clairement exposé les
conséquences. La cour relève en outre que cette transfusion a été
réalisée après une sédation non consentie de l’intéressée.
Le CHU de Bordeaux est condamné à verser à la requérante une
somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles
dans ses conditions d’existence, somme qui s’ajoute à l’indemnité de 1 000
euros accordée par le tribunal au titre d’un défaut d’information.