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mardi 20 mars 2012

Les rapports d'inspection des écoles hors contrat


Depuis plusieurs années, le CLPS s’interroge sur les établissements scolaires privés hors contrats (El Mountacir, 2006). Nous résumons ici la communication de Jean-Yves Radigois, Ph. D. présentée à la journée d’étude du CLPS à Arches (88), le 17 mars 2012, sur les rapports des inspections académiques, leur consultation par le citoyen, leurs modalités (déroulement, intervenants, contenus), une analyse et des pistes méthodologiques.




2002-2012: dixième anniversaire du CLPS

Le législateur par la loi n° 98-1165 tendant à renforcer le contrôle de l’obligation scolaire a voulu que soit vérifiée l’effectivité du droit à l’instruction des enfants, conformément à la Convention internationale des Droits de l’enfant. Nous avons demandé 31 documents, plus la synthèse des 14 écoles Steiner de 1999. La construction et le contenu de ce rapport a été étudié dans d’une section particulière. Nous en avons reçu 28, provenant de 15 établissements scolaires, couvrant 14 départements de Métropole et produits sur 12 ans.

1 – Les difficultés d’accès à ces rapports
Il s’agit de documents administratifs communicables au titre de la loi du 17 juillet 1978. Pour les 2/3, il fallut cependant saisir la CADA. Nous constatons, au vu de la commande de l’État, que le délai de réception des documents est inversement proportionnel au contenu et à la densité desdits rapports: plus le document est riche et structuré, plus sa communication est aisée.
S’agit-il alors d’une méfiance institutionnelle à l’égard du citoyen ou une appréhension pour aborder ces sujets ? Nous pensons aux travaux sur les réticences des autorités préfectorales chargées des groupes à dérives sectaires (Civade, 2009). L’auteure l’explique par un manque de temps des cadres, un choix des tâches basé sur la sélection des informations (peu de victimes, peu d’intérêt gouvernemental) face à une problématique complexe, voire risquée, et des moyens de traitement mal identifiés.
Cependant, ici le travail est sensé déjà effectué puisque nous n’en sollicitons que la communication. Les explications de Civade doivent être complétées. L’institution semble produire les mêmes stratégies d'évitement que les institutions médico-socio-éducatives dans certains contextes (Radigois, 2011).
2 – Analyse des rapports
Les rapports, d'intérêts forts inégaux, se déclinent entre quarante lignes et quatre pages. Celui sur les écoles Steiner en comprend huit, mais intègre 14 établissements. Ainsi, la moyenne se concentre autour de moins de deux pages par rapports.
Les rapporteurs. Ils sont habituellement rédigés par un inspecteur de l’Éducation nationale, parfois accompagné par un médecin ou un conseiller pédagogique, voire un psychologue scolaire.
La durée des inspections n’est précisée que quatre fois. Elle se déroule entre deux et quatre heures.
Les visites se produisent soit inopinément, soit sur rendez-vous. Cette information, pourtant importante lors de suspicions de carences éducatives, n’est pas précisée sur 25 rapports, hormis les 14 établissements Steiner où elles furent concomitantes et à l’improviste.
Le descriptif des locaux, le contrôle des commissions de sécurité et des vaccinations sont quasi systématiques.
Les effectifs et le nombre de classes sont décrits pour treize des quinze établissements visités. En général, le primaire reçoit entre 38 et 47 élèves et le secondaire plus tôt entre 85 et 124 élèves.
L’instruction dispensée. Trois cas de figure se rencontrent.
Parfois, un fonctionnement atypique reste proche ou conforme sur le fond aux orientations légales. Les modules des apprentissages ne suivent pas tout à fait l’ordre habituel ou les quotités horaires des matières sont différentes. Parfois, les diplômes des enseignants ou de la direction sont inadaptés à leur mission. Des améliorations sont souhaitées, le contenu des matières doit être recadré.
Parfois, un environnement institutionnel et pédagogique inapproprié occasionne des inquiétudes Il peut s’agir d’une insuffisance ou d’une absence d’apprentissage en lecture, langue, mathématique ou sur l’histoire, la géographie ou les sciences. Parfois, il n’existe pas de manuels scolaires ou de calendrier de progression des apprentissages, peu de travail sur le développement de l'esprit critique et de l'argumentation.
Parfois, des évolutions apparaissent lorsque sont mis en place un suivi pédagogique et une exigence de mise en conformité des locaux. L’exemple de l’école de F… est à ce titre particulièrement intéressant à suivre à travers six inspections en quatorze mois. Au début, le climat éducatif et les orientations pédagogiques inquiètent, les enseignants sont peu diplômés. Le programme officiel est méconnu. Il n’apparaît pas d’objectif sur les acquisitions de connaissances, ni de carnet individuel de suivis dans des classes. L’inspecteur exige une mise en conformité immédiate. Cela inclut les issues de secours, mais aussi les suppressions des brimades comme le bâillonnement de l’enfant, la ligature des mains et la mise en place des enseignements obligatoires. Cette étape produit des moments de blocages. Un an après, le dernier contrôle constate que les pratiques disciplinaires vexatoires paraissent prohibées, les langues étrangères ont été introduites, un effort est réalisé en EPS, mais pas en TICS pour des raisons de coûts. La direction de l’établissement a été changée et les enseignants renforcés. Selon la psychologue scolaire, le comportement des enfants correspond à celui qui est rencontré dans tout établissement.
Le contexte éducatif est, par contre, très rarement décrit sauf au hasard de détails. Par exemple, une école insiste sur la discipline et le silence. Dans un autre exemple, un rapporteur note une forte stéréotypie des dessins de la classe.
Deux périodes, deux regards. Les rapports ne se distinguent pas par l’origine géographique, le type d’écoles inspectées ou leur appartenance. Nous n’avons trouvé qu’un seul facteur discriminant : la période. Sur douze ans, nous percevons nettement deux époques.
Sur la période 1999 – 2004, la question d’une classification secte versus non-secte est latente. Les conclusions tentent de trancher ce point. Toutefois, les formulations sont dressées sous forme de questions, d’hypothèses et les propos restent flous affirmant à la fois que l’établissement n’est pas tout à fait une secte, mais qu’il pourrait s’en rapprocher ou en ressembler.
Sur la seconde période de 2005 à 2012, les termes de secte ou de sectaire apparaissent rarement. Il s’agit d’un état des lieux et d’observations, de conseils pédagogiques, voire des visites répétées pour un suivi. Dès lors, le contenu des rapports est plus élaboré et le dialogue, avec ces exigences, se construit entre les inspecteurs et l’établissement. La démarche tente une normalisation afin de prévenir, une situation éventuelle de danger pour la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur ou si son éducation ou son développement physique, affectif, intellectuel ou social sont compromis (Code civil art. 375). La loi est affirmée, les processus potentiellement problématiques sont étudiés pour obtenir une conformité.
Nous pourrions distinguer ces deux époques en disant que l’on passe d’une observation de l’atypie et de l’étrange, classant en secte ou non-secte un établissement, à une approche professionnelle sur l’instruction offerte aux enfants et les conditions de son accueil, même si le regard reste souvent hâtif et succinct.
3 – Des pistes méthodologiques
La communication d’Arches discute et suggère trois orientations principales.
Une personne-ressource. Comme pour les institutions médico-socio-éducatives (Radigois, 2008), nous suggérons de mettre en place au sein de l’institution une personne-ressource, c’est-à-dire susceptibles d’offrir, si besoin, aux inspecteurs, juridiquement compétents, un soutien technique et informatif en appui de leur intervention (droit ordinaire).
Des formations opérationnelles et pragmatiques sur les processus d’emprise, de dérives et d’abus psychologiques et les biais rencontrés par les professionnels lors d’interventions en ces contextes : choc interculturel (Cohen-Émerique & Hohl, 2004), troubles implicationnels (Alföldi, 1999), pièges du terrain religieux et phénomènes de groupe très intense (Derocher, 2006), (Radigois, 2008) aux risques d’impasses comme la banalisation, la dramatisation, les erreurs par méconnaissance ou une fascination d’une contre-culture, inapproprié dans une telle mission.
Les dogmes pédagogiques ou ceux du fondateur doivent aussi être interrogés, non pour leurs récits ou leurs croyances (liberté d’opinions ou de religion), mais comme une grille de lecture de la carte conceptuelle qui « pénètre profondément des aspects aussi divers que les relations avec la famille, les concepts éducatifs, l’instruction, des choix culturels, des interdits sportifs, alimentaires ou médicaux. [Cette carte] ne s'appuie pas sur des arguments culturels ou médicaux, mais sur l’interprétation dogmatique de dirigeants-référents » (Radigois, 2011, p. 286) ce sont donc les effets de ces doctrines, éventuellement néfastes, qu’il nous convient d’interroger.
Le contrôle des connaissances, ne devrait-il pas aussi explorer la question de la socialisation des enfants à l’intérieur et à l’extérieur de l’établissement. Il s’agit en effet d’observer également si l’enfant rencontre un isolement social ou géographique en communauté très fermée, mais aussi, situation plus fréquente, l’isolation que Derocher commente largement, c’est-à-dire une séparation symbolique doctrinale, internalisée par l’individu qui vit dans le monde ordinaire (Derocher, 2008).
Un véritable rapport d’expertise basé sur les compétences et expériences des inspecteurs. Nous ne sommes pas ici sur un débat pédagogique. Un tel travail ne s’effectue pas en une ou quatre heures et devrait nécessiter plusieurs jours d’expertise. Le document final devrait être largement plus conséquent pour permettre le recul, l’évaluation, la discussion entre pairs et des préconisations avec un calendrier. De ce fait, les rapports pourraient décliner la commande, les contacts (les choix retenus, les modalités), la durée de l’expertise, les personnes rencontrées et les modalités des entretiens, un état des lieux factuels et détaillés des sujets explorés, les lectures et procédés d’investigations, des analyses, des suggestions et des préconisations détaillées.

Travaux cités


Alföldi, F. (1999). L'évaluation en protection de l'enfance. Théorie et méthode. Paris: Dunod.
Civade, S. (2009). Le phénomène sectaire en Bretagne, obstacles à la prise en charge. Master 2, Psychologie sociale et communauté de la Santé. Rennes: Université de Rennes 2, Haute Bretagne.
Cohen-Émerique, M., & Hohl, J. (2004). Les réactions défensives à la menace identitaire chez les professionnels en situations interculturelles. Cahiers Internationnaux de Psychologie Sociale(61), pp. 21-34.
Derocher, L. (2006, octobre 28). Écoles illégales. Et les droits des enfants, eux? La tribune.
Derocher, L. (2008). Vivre son enfance au sein d'une secte religieuse. Québec: Presse de l'Université du Québec.
El Mountacir, H. (2006, avril). Les établissements d'enseignement privé hors contrat : Analyse des rapports d'inspection des services académiques. Pouvoir dire non. Bulletin du Cercle Laïque de Prévention du Sectarisme, pp. 6-14.
Radigois, J.-Y. (2008, Automne). Quand le travailleur social intervient dans un contexte à caractère sectaire. Criminologie : Les organisations dites sectes, les lois et la société, 41(2), pp. 31 - 52.
Radigois, J.-Y. (2011). Parentalité et évaluation socio-éducative en contextes sectaires. thèse de doctorat en éducation, Faculté d'Éducation, Université de Sherbrooke (Québec), Institut de Psychologie et Sociolgie Appliquée, Université Catholique de L'Ouest, Angers (France).


For English-speaking readers


Study of one of the French government tools for child protection against
cultic abuses: inspection reports of private schools with no State contract.
Jean-Yves Radigois, Ph.D.
U. C. O., Angers, France
Introduction

        On December 18, 1998 France passes a law to strengthen its control over compulsory education. The goal is to protect children against a cultic hold. The following year, a ministry circular by the (General Direction of Social Action) la Direction Générale de l'Action Sociale (2000-501) emphasizes the need for government control when children are homeschooled or educated in establishments without a State contract with the National Education.



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